Le Yémen, cœur de l’antique « Arabie heureuse » vantée par les Grecs et les Romains, est en proie au triple fléau de la guerre, de la Covid et de la famine.
Le pays est déchiré par une guerre tribale et confessionnelle depuis l’été 2014. Ce n’est pas seulement une guerre intestine mais un affrontement militaire international où s’opposent principalement l’Arabie saoudite et l’Iran. Le conflit, qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés, plonge le pays dans la pire crise sanitaire au monde selon l’ONU. Plus de 16 millions de Yéménites, soit plus de la moitié de la population (29 millions), seraient menacés par la famine et le manque de soins.
La guerre connaît ces jours-ci un regain d’intensité. Les rebelles Houthis (chiites soutenus pas l’Iran) sont passés à l’offensive contre la ville pétrolière de Marib, dernier bastion du nord du Yémen des forces loyalistes (sunnites, soutenues par l’Arabie Saoudite où s’est réfugié le gouvernement yéménite chassé de sa capitale, Sanaa). Les rebelles ont couplé leur offensive avec une recrudescence d’attaques de drones et de missiles contre le royaume saoudien. L’Arabie saoudite alliée aux Émirats arabes unis (avec, jusqu’à ces derniers temps, le soutien militaire des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France) a répliqué en reprenant des frappes aériennes contre Sanaa, la capitale du Yémen aux main des Houthis, le dimanche 7 mars.
Cette recrudescence des combats intervient alors que l’administration américaine de Joe Biden a retiré les Houthis de la liste des « organisations terroristes ».Officiellement, le but serait de ne pas entraver l’acheminement de l’aide humanitaire au Yémen mais ce pourrait bien aussi être un gage de bonne volonté envoyé aux Iraniens afin de reprendre avec eux les négociations sur le nucléaire rompues par Donald Trump. Le gouvernement américain a décidé de mettre fin à son aide militaire à la coalition arabe contre le Yémen, tout en réaffirmant son soutien à Ryad dans la défense de son territoire, et en exhortant les Houthis à la désescalade. « Nous renforçons nos efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre au Yémen, une guerre qui a créé une catastrophe humanitaire et stratégique », avait déclaré Joe Biden, lors de son premier discours de politique étrangère au département d’État, le 4 février. Il semble avoir prêché dans le désert… Quant à la conférence des donateurs réunis le lundi 1er mars pour secourir la population yéménite, elle n’a pas atteint la moitié des dons espérés par l’ONU (1,7 milliard de dollars, au lieu des 3,8 milliards attendus).
Marib, située à 120 kilomètres à l’est de Sanaa, est peuplée de 2 millions d’habitants dont des centaines de milliers de déplacés. Vont-ils pouvoir fuir les combats ? Ce n’est pas seulement cette ville, mais toute la province, riche en pétrole et en gaz, que les insurgés ont entrepris de conquérir. Leur victoire constituerait un tournant dans cette guerre de presque 7 ans, un succès pour l’Iran, et un échec cuisant pour l’Arabie saoudite – dont l’armée fait piètre figure depuis son entrée dans le conflit malgré les moyens financiers et les armes sophistiquées dont elle dispose. Il est vrai que l’Iran ne s’est pas montrée avare en armements envers ses alliés outhis, y compris en missiles balistiques, comme l’ont appris à leurs dépens les Saoudiens, traumatisés et humiliés par des attaques surprises contre des installations pétrolières sur leur sol.
Philippe Oswald
Source : La Croix
Cet article est republié à partir de La Sélection du Jour.