Variations éthiques - Dieu, mon argent et moi, un magazine de Présence Protestante

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Donna Summer et Abba l’ont chanté, Mike Nichols et Cameron Crowe l’on détaboutisé, mais que pensent les protestants de l’argent ? S’en font-ils la même idée qu’ils soient réformé ou évangélique ? Pasteur ou entrepreneur ? Et Jésus, a-t-il vraiment condamné la prospérité ?

L’argent est un bon serviteur et un mauvais maître Horace.

Pour interroger le rapport des protestants à l’argent (et, on ne le répétera jamais assez : oui, les évangéliques sont des protestants), on pourrait partir d’un principe qui, à première vue, à l’air d’aller de soi : suivant que l’on est patron réformé, universitaire écolo militant, travailleur migrant, cadre moyen évangélique, ou entrepreneur charismatique, dans la galaxie protestante, le rapport à l’argent n’est pas le même. Et il est tout à fait possible que cette réalité soit en partie vérifiable sur le terrain.

… Mais posons la question d’un point de vue légèrement différent. Est-ce que notre rapport à l’argent varie selon qu’on en ait ou pas ? Y a-t-il plus de probabilité que l’argent soit un mauvais maître quand on est riche et un bon serviteur quand on est pauvre ? Ou l’inverse ?

En y réfléchissant quelques instants, on voit bien qu’aborder la question du rapport à la richesse ne peut seulement pas uniquement être posée d’un point de vue macrosocial. C’est insuffisant. Ce rapport se dessine d’abord dans la relation qu’à un individu à son environnement : comment est-ce que j’évalue ce que j’ai ? Quand est-ce que je me considère riche ? Ou pauvre ? Etc. Si la quantité d’argent est une mesure objective, la richesse ne l’est pas.

(Petite parenthèse : il serait intéressant de savoir quelle catégorie sociale accompagne sa foi des plus larges mansuétudes, fermons la parenthèse).

Quand on n’a pas d’argent, on en veut. On en veut et on en rêve. On n’en dort pas la nuit parce que, précisément, on n’en a pas ! C’est toute la complainte du violoniste sur le toit : "Ah, si j’étais riche…" Paradoxalement, l’argent en occupant mentalement le vide qu'il laisse matériellement, peut devenir le maître de nos pensées, attiser nos lamentations et nos rancœurs, nos jalousies. C’est le fils prodigue, qui, de retour, pauvre, est jaloux de son frère.

Mais l’inverse peut-être aussi vrai : quand on a de l’argent, on en veut. On en veut et on en rêve. On n’en dort pas la nuit, parce que, précisément, on n’en a jamais assez ou qu’on a peur de perdre celle que l’on a. C’est l’Avare interprété par Louis de Funès qui erre en plein désert, attaché à sa précieuse cassette comme à un boulet ("Ma cassette… ma cassette !"). C’est aussi, sans doute, l’une des choses qui a motivé Isaac à tromper son père, et c’est, bien sûr, le problème du jeune homme riche qui ne se résoudra pas à perdre ce qui, à ses yeux, vaut plus que la vie éternelle.

On le voit, notre rapport à l’argent ne dépend pas de nos richesses. Avant tout, Jésus nous invite à être "riche pour Dieu" (Luc 12.21), et quand quelqu’un lui demande : "Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage", Jésus lui répond : "O homme, qui m'a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages ?". Autrement dit : pourquoi me demandes-tu d’arbitrer dans cette affaire qui t’oppose à ton frère, je ne suis ni juge ni notaire ?

Encore une fois, Jésus inverse la pensée ordinaire et invite prioritairement à l’introspection :

"Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis, viens présenter ton offrande." (Matthieu 5)

Riche ou pauvre, avoir de l’argent, en vouloir, ne pas en avoir… La question n’est pas là. Avant de poser la pièce, le billet, le chèque ou le virement, avant que ne passe le panier de la quête ou le terminal à cartes bleues, Jésus m’invite à me demander : Mon frère a-t-il quelque chose contre moi ?

Un magazine préparé par Claire Bernole, réalisé par Emmanuel Duchemin et produit par France.tv Studio pour France Télévisions.

Attention, en raison de la diffusion à 10h30 de la Cérémonie du Souvenir, depuis la Grande Synagogue de Paris, Présence Protestante sera diffusé ce dimanche à 08h45

Christophe Zimmerlin, pour Présence Protestante


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