USA : polémique autour du possible retour d’un ancien président de la Convention baptiste du Sud accusé d’agression sexuelle
Alors que les fidèles de la Convention Baptiste du Sud sont encore sous le choc des révélations d’abus sexuels commis par des centaines de pasteurs, employés et bénévoles des congrégations, quatre ministres du culte apportent leur soutien à un retour de Johnny Hunt, l’ancien président de la Convention, accusé d’avoir agressé sexuellement la femme de l’un de ses collègues. Un appui qui suscite notamment l’indignation de l’actuel président de l’organisation.
En mai de cette année, Guidepost Solutions a publié un rapport de 288 pages recensant des accusations d’abus sexuels et des recommandations de conduite à tenir pour éviter que des faits similaires ne soient tus au sein de l’église.
L’entreprise d’investigation avait été chargée par la direction de la Convention baptiste du Sud (CBS) d’enquêter sur l’ampleur réelle du scandale après des révélations faites conjointement par le Houston Chronicle et le San Antonio Express-News, quant aux abus sexuels commis par près de 380 employés d’églises.
Dans son édition du 10 février 2019, le Chronicle avait titré : « Abus de foi. 20 ans, 700 victimes : les abus sexuel chez les baptistes du Sud s’étendent alors que les dirigeants résistent aux réformes ». Un intitulé inscrit sur une compilation de dizaines de photos de pasteurs et autres collaborateurs des congrégations condamnés. Il s’agissait là du premier long article d’une série de six publiés jusqu’au 6 juin suivant.
Au cours de ses investigations, Guidepost Solutions a rencontré un couple qui avait choisi de témoigner. L’entreprise déclare presque d’emblée, à la page 4 de son rapport : « Pendant notre enquête, un pasteur de la CBS et son épouse se sont manifestés pour signaler que le président du CBS, Johnny Hunt (2008-2010) avait agressé sexuellement l’épouse le 25 juillet 2010 ». Le rapport consacre plus loin les pages 149 à 161 aux témoignages concernant l’affaire.
Agression sexuelle et manipulations spirituelles
Selon ses témoignages, en juillet 2010, alors qu’il venait de quitter la présidence de la Convention, le pasteur Johnny Hunt, responsable d’une église de 19 000 membres en Géorgie, la First Baptist Church de Woodstock, s’était rendu seul dans un condominium voisin du sien à Panama City Beach en Floride, appartenant à un couple dont le mari, pasteur, le considérait comme son mentor.
Il aurait alors pressé la femme, qui avait 20 ans de moins que lui, de questions inappropriées, lui demandant si elle était « sauvage en grandissant », avant de la plaquer au sol, lui faire des attouchements et tenter de la déshabiller. La victime, précise le rapport, avait tenté de le raisonner en lui disant ne pas souhaiter que cela ne détruise son ministère et était restée raide, les yeux ouverts afin qu’il se ressaisisse. Ce qui l’a conduit à s’en aller.
Après avoir quitté le logement, Hunt a cependant envoyé plusieurs SMS disant qu’il voulait coucher avec elle. Pour éviter un scandale, le pasteur a ensuite convoqué la jeune femme et son mari et dit avoir eu des contacts érotiques consensuels avec l’épouse, avant d’ajouter : « Dieu merci, je n’ai pas consommé la relation ! ». Hunt a alors conseillé au jeune couple de rencontrer un pasteur conseiller et a demandé à la présumée victime et son mari de se taire.
Guidepost Solutions a découvert que le conseiller en question, Roy Blankenship, exerçait sans licence. Ce dernier affirme avoir vraiment voulu aider le couple et accuse Hunt d’avoir fait pression pour que rien ne s’ébruite, selon le rapport : « M. Blankenship a déclaré qu’il se souvenait que M. Hunt avait dit que si cette (histoire) était diffusée, cela pourrait avoir des répercussions négatives sur 40 000 églises ».
Quelques jours avant la sortie du rapport, Hunt a démissionné du North American Mission Board, l’importante branche de l’évangélisation nationale de la CBS. Cependant, il nie toujours les accusations, et affirme désormais publiquement que la relation était consentie. Acculé, il a par ailleurs dit prendre une période pour se repentir, avant que l’on apprenne fin novembre qu’il était disposé à reprendre le ministère, un choix soutenu par les quatre pasteurs qui ont supervisé son « processus de restauration ».
Le soutien de quatre pasteurs dénoncé par le président de la Convention
Dans une vidéo publiée il y a trois semaines, les quatre responsables décrivent autour d’une table que Hunt a fait preuve d’une réelle repentance et est apte à reprendre le pastorat. Le pasteur Mark Hoover déclare notamment que Hunt a mis toute son énergie dans ce travail de restauration comme il a toujours su faire preuve d’un total engagement et d’une réelle humilité.
Hoover assure que, son expérience ainsi que celle de ses collègues, leur permet de discerner que le pasteur repenti est authentique dans sa démarche :
« À nous quatre, nous avons à peu près 150 années d’expérience de ministère, je pense que nous pouvons reconnaître si quelqu’un se repent sincèrement ou non […] Je suis si reconnaissant pour l’esprit et l’attitude avec lesquels Johnny a abordé nos questions le sondant et y a fait face. »
Une déclaration qui a provoqué l’ire de Bart Barber, l’actuel président de la Convention. Il a publié une déclaration mettant en doute la compétence de ses quatre collègues, affirmant qu’ils s’expriment en tant qu’amis de Hunt et ne représentent pas la CBS.
Barber rappelle que la Convention a adopté en 2021 une résolution « sur les abus et les qualifications pastorales », qu’il a lui-même contribué à rédiger, et souligne que selon ce texte, « toute personne auteur d’abus sexuels est définitivement disqualifiée pour occuper la fonction de pasteur », ajoutant que c’est le sentiment de la Convention. Il dénonce les contradictions de Hunt et rappelle qu’il avait d’abord nié avoir eu le moindre contact physique avec la jeune femme avant de l’admettre tout en niant l’avoir agressé.
« Si j’avais l’autorité de le faire, je ‘défroquerais’ définitivement Johnny Hunt », assure Barber, qui constate amèrement que « dans une communauté d’églises autonomes, [il n’a] pas l’autorité pour le faire ». Il ajoute que « ces quatre pasteurs n’ont pas davantage l’autorité de déclarer que Johnny Hunt est ‘restauré’. Ils ne s’expriment pas au nom de la Convention baptiste du Sud, et il n’est pas certain qu’ils parlent même au nom de leurs propres églises […] Rien n’indique que l’une des quatre congrégations ait consenti ou validé ce processus ».
La présumée victime et son mari ont déclaré au Guidepost Solutions qu’il leur a fallu des années pour réaliser la violence mentale et spirituelle utilisée pour les empêcher de parler. Ils ont dû faire face au coût financier de l’obligation de quitter la Géorgie. Alors que la CBS demandait à l’entreprise d’enquêter en son sein, Hunt aurait contacté le couple pour proposer au mari de l’aider à trouver un nouvel emploi, espérant probablement obtenir le silence des époux.
Jean Sarpédon