"Instrumentalisation indigne" : le président de la Fédération protestante réagit aux propos de Marine Le Pen sur Martin Luther King
Condamnée à cinq ans d’inéligibilité, Marine Le Pen a invoqué Martin Luther King pour dénoncer une décision de justice à son encontre. Une comparaison qui a suscité une vive réaction de Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France. Dans une tribune pour le journal Réforme, il dénonce une "instrumentalisation indigne" du pasteur baptiste et rappelle la nature profondément spirituelle, collective et désintéressée de son combat.
Marine Le Pen a déclenché une vive controverse dimanche 6 avril en comparant son combat politique à celui de Martin Luther King, figure emblématique de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. Face à sa condamnation à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics, la députée du Rassemblement national a promis un "combat pacifique et démocratique", affirmant :
"Nous prendrons exemple sur Martin Luther King qui a défendu les droits civiques, car ce sont les droits civiques des Français aujourd’hui qui sont mis en cause."
Cette déclaration, prononcée en visioconférence devant les congressistes de La Lega, le parti italien de Matteo Salvini, a suscité une réaction indignée de Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France. Dans une tribune publiée par le journal Réforme et reprise par Regards protestants, il dénonce une "instrumentalisation indigne" de l’héritage du pasteur baptiste américain.
"Martin Luther King ne défendait pas une cause personnelle. Il plaidait pour celles et ceux que l’histoire avait relégués, que la société opprimait", rappelle Christian Krieger, soulignant que le combat du pasteur américain ne peut en aucun cas être comparé à une contestation individuelle d’une décision de justice rendue dans un État de droit.
Un combat animé par la foi
"Ce n’est pas la colère, mais la foi, qui animait son combat. Une foi en un Dieu qui considère tous les êtres humains comme égaux en dignité", poursuit-il, insistant sur les racines spirituelles et profondément désintéressées de l’engagement de King.
"Son célèbre discours ‘I have a dream’, prononcé le 28 août 1963, est devenu l’un des textes fondateurs de la conscience universelle. Il y appelle à un monde où la fraternité l’emporte sur la peur, où l’égalité des droits transcende les couleurs de peau, les origines et les appartenances."
Christian Krieger oppose ainsi deux visions du monde : celle d’un homme "habité par la vision d’une société inclusive, ouverte à toutes les couleurs de l’humanité" et celle, selon lui, véhiculée aujourd’hui par Marine Le Pen, "une vision identitaire et discriminatoire". "Dans son ouvrage majeur La force d’aimer, [King] affirmait que seul l’amour chrétien peut faire reculer la haine et l’injustice", poursuit le pasteur pour souligner son propos.
"Il ne saurait y avoir de confusion", prévient-il encore.
"Martin Luther King se battait pour ses sœurs et ses frères ; ici, il s’agit d’un combat pour un destin personnel. Martin Luther King défendait l’égalité des droits ; ici, il s’agit du refus d’appliquer une loi."
Alors que certains proches de Marine Le Pen évoquent même une "persécution" politique, Krieger appelle à la lucidité et au respect :
"Comment ne pas s’indigner lorsqu’un tel héritage est convoqué pour contester une application de la loi qui n’a rien de discriminatoire ?"
Pour le président de la Fédération protestante de France, ce type de référence dévoyée engage bien plus que le débat politique : "Les raisons d’être de cette instrumentalisation indigne de cette inspirante figure du protestantisme évangélique ne font aucun doute. Cette dernière convoque notre responsabilité collective pour que demeure le souffle et la vision universelle qu’incarne Martin Luther King."
Camille Westphal Perrier (avec AFP)
