"Une foi qui désarme" : un documentaire sur la lutte contre les mines antipersonnel dans Présence Protestante

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Avec les documentaires de la collection Ouvriers de paix, dont nous découvrons ce mois-ci un numéro, Présence Protestante propose d’aller à la rencontre d’hommes et de femmes qui, par leurs actions pour la paix, au niveau local - voire intime - comme au niveau global et mondial, nous inspirent et incarnent par leur vie la bonne nouvelle de l’Évangile de Jésus-Christ.

"S'il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes."
Épître de Paul aux Romains 12

Cornofulgure et rétrolaser ! Quand j’étais enfant, je voulais un pistolet ou un fusil à plomb. Mon père n’en voulait pas. Il avait été élevé entre méthodisme et anabaptisme, et, vers ses deux ou trois ans, un pistolet, un vrai, avait été pointé sur sa tempe par un soldat allemand. Ceci explique-t-il cela ? L’histoire ne le dit pas.

Mais moi, j’étais enfant et je voulais un pistolet pour jouer.

Alors, j’ai rusé. Officiellement et de bon cœur, je me suis rabattu, dans les listes de cadeaux, sur l’épée. Zorro et surtout d’Artagnan sont devenus mes héros préférés. J’ai eu droit au costume (violet) à fraise et au chapeau à plume du mousquetaire, avec, bien sûr, un fleuret à bout rond en plastique épais, que j’ai conservé pendant des années.

Et puis, en off, j’ai mis en œuvre deux techniques : l’été, pendant nos vacances à la campagne avec les cousins, noyé dans la masse de marmaille et éloigné par un même mouvement de la houlette paternelle, j’achetais au marché avec mon argent de poche, six-coups en plastique et pétards à ruban, voire mieux, avec l’obole maternelle : un lot sous blister comprenant un pistolet en métal rutilant, quelques couronnes de pétard à six-coups bien plus fiables, mais que j’avais ensuite du mal à enfoncer dans le barillet, et une étoile de shérif dont je n’avais, je l’avoue, cure.

L’autre technique, nous l’avons développé pendant le temps scolaire avec mon camarade de toujours et mon espiègle complice, Laurent. Comme nous n’étions tout de même pas assez stupide pour apporter dans l’enceinte du collège, un pistolet, aussi factice fut-il. Nous avons remplacé les pétards par de l’eau, projectile beaucoup plus discret. Nous étions alternativement la victime l’un de l’autre ou le duo de sept mercenaires pas à la mode mais hypercostauds, qui s’opposait aux affreux bandits pilleurs de villages. Et il y en avait beaucoup dans notre classe.

Le problème, c’étaient les pistolets à eaux : au bout d’un moment, ils fuyaient invariablement dans la poche de ma parka verte. En classe, ce n’était pas pratique. Alors petit à petit, j’ai eu l’idée de remplacer les pistolets par les tubes en plastique souple de liquide pour lentilles de contact que ma mère jetait – A y repenser, c’est peut-être là que j’ai compris l’intérêt du recyclage ? – Ils avaient l’avantage d’avoir un bouchon bien étanche ce qui me permettait de me balader sans vergogne, les poches pleines de munitions.

Au bout de quelques semaines, les moindres recoins de ma parka, les soufflets de mon cartable – de récup lui aussi – et les tiroirs de la petite table de ma chambre débordaient de ces flacons et nos professeurs se demandaient comment nous pouvions être aussi mouillés en sortant des toilettes. Pardi, comme ils manquaient d’imagination : c’est parce que c’était là que nous nous donnions rendez-vous pour les duels évidemment !

Ainsi, dans le meilleur des mondes, le bien et le mal pouvaient paisiblement se livrer un combat sans merci et surtout sans que personne ne s’en rende vraiment compte… Jusqu’à ce jour où, entre midi et deux, un pion nous a surpris devant les lavabos du 3 ème étage, Laurent et moi, et où ont failli prendre deux heures de colle pour quelques gouttes (de petites flaques tout au plus) d’eau. C’est là, ce jour-là, à deux doigts de la sanction, qu’on est devenu adultes.

Pourquoi est-ce que je vous raconte ces histoires ? Parce que, comme d’autres restrictions pieuses, l’interdiction paternelle ne tenait pas compte de la différence, dans l’esprit d’un enfant, entre "la volonté de faire le mal" et le besoin d’un "récit du mal". Et je crois même qu’en confondant les deux, ces interdictions faisaient naître en nous l’idée que nous pouvions être nous-mêmes à l’origine de ce mal. Alors que, Laurent et moi, même si nous savions que le mal existait et même si nous comprenions peu à peu son visage, nous voulions de mal à personne.

Ce que je faisais avec lui ou avec les cousins à la campagne, s’était construire un récit qui allait nous permettre de comprendre et donc d’avoir une prise sur le méchant, le mal, ses ressorts émotionnels et narratifs, son incarnation, ses manipulations, son visage. Raconter, "jouer à", c’était projeter, comme un projecteur projette au cinéma une image en deux dimensions, hors de soi. C’est dessiner le portrait-robot qui permettra plus tard de reconnaître. Ne pas permettre l’imaginaire du jeu, c’est éteindre la lumière, plonger la salle dans le noir et raconter aux enfants spectateurs ce qu’ils devraient voir.

Jamais, Laurent, les cousins et moi nous ne voulions "faire du mal". Peut-être frôlions-nous parfois la tentation d’un sadisme dominant, comme il y en a dans beaucoup de jeux, mais c’était toujours pour en discerner les frontières et dompter la bête immonde afin qu’elle reste dans sa cage. Je crois sincèrement que sans ces récits, il est difficile de se construire et de construire la paix.

Cette histoire d’un enfant qui jouait avec une arme mais qui aimait la paix, c’est la mienne, et c’est aussi celle de Laurent Guerne, cofondateur de Digger, que nous vous invitons à découvrir dès dimanche, 10h00, sur France 2. Et d’ici-là, Goldorak Go !

Chaque jour, les mines antipersonnel que les belligérants enfouissent font des victimes civiles. La plupart de ces engins de mort sont encore déterrés à la main. La Fondation Digger (Digger Foundation), crée par une poigné de protestants un peu fous, s’est donnée pour mission de résoudre ce problème. Rendez-vous sur le site de Présence Protestante où vous pourrez visionner en replay ce documentaire réalisé par Damien Boyer à partir de dimanche et jusqu'au 18 mars. 

Christophe Zimmerlin, pour Présence Protestante


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