
À Nashville, cette nouvelle école ambitionne de former des médecins selon une approche "holistique".
Pour la première fois en plus de 40 ans, une nouvelle école de médecine chrétienne délivrant des diplômes de docteur en médecine (MD) a ouvert ses portes aux États-Unis.
Une promotion de 50 étudiants termine actuellement sa toute première année au Thomas F. Frist, Jr. College of Medicine de l’Université Belmont. Cela représente 50 futurs médecins susceptibles de renforcer un corps médical en proie à de graves pénuries. "Je les appelle affectueusement les 50 fabuleux", confie Tanu Rana, microbiologiste et immunologiste récemment arrivée dans l’équipe pédagogique.
"Je les aime profondément, et chaque moment passé avec eux a été un vrai bonheur."
Ce premier groupe d’étudiants se distingue par sa grande diversité : il rassemble d’anciens militaires, des enfants issus du milieu rural, et des personnes parlant à eux tous 24 langues différentes.
La création d’une nouvelle école de médecine est déjà rare en soi. Cette étiquette chrétienne l’est d’autant plus. L’institution est la première école de médecine accordant un diplôme de docteur en médecine à ouvrir dans le Tennessee depuis 50 ans. "Ça a été extrêmement difficile", confie Anderson Spickard, doyen de l’école et médecin chevronné. Il a intégré cette jeune école après avoir enseigné pendant 27 ans à la faculté de médecine de l’Université Vanderbilt. "Il y a eu des tensions à chaque étape."
L’Université Oral Roberts, qui avait ouvert une école de médecine en 1981, semble être la dernière institution chrétienne à avoir lancé un programme de médecine. Elle a fermé ses portes en 1990, accablée de dettes à hauteur de plusieurs millions.
L’école de médecine de Belmont est liée par un partenariat clinique et stratégique à HCA Healthcare, un géant du secteur médical basé à Nashville et fondé par des membres de la famille Frist. Le nouveau bâtiment, jouxtant le campus de Belmont, est une imposante structure à colonnes qui a couté 180 millions de dollars, équipée de laboratoires, de salles d’étude confortables et d’une reconstitution de service hospitalier utilisée pour les exercices pratiques.
Peter Huwe, auparavant enseignant à la faculté de médecine de l’Université Mercer, rêvait de pouvoir enseigner la médecine dans une approche chrétienne. Il se souvient avoir eu cette pensée quand il a commencé à s’intéresser à l’école de Belmont : "Je pouvais voir que ça allait marcher. Tout était en place." Il est aujourd’hui professeur de biochimie. L’école insiste sur le "leadership serviteur" des médecins — une notion régulièrement évoquée par les personnes interviewées — ainsi que sur les "soins holistiques".
Les soins holistiques constituent un modèle de santé empreint de compassion, dans lequel les médecins construisent des relations avec leurs patients en prenant en compte les facteurs sociaux, spirituels, émotionnels et comportementaux. Dans ce type de formation, les futurs médecins apprennent à écouter avec attention et à mener des échanges empreints d’empathie, y compris sur des sujets sensibles, comme l’annonce d’un diagnostic lourd.
L’Université Loma Linda, une école de médecine chrétienne près de Los Angeles, enseigne depuis plus d’un siècle ce modèle de "soins holistiques" que Belmont reprend désormais. De plus en plus d’organisations médicales nationales recommandent aux médecins américains, en particulier en soins primaires, d’adopter ce modèle. Une autre nouvelle école de médecine, non confessionnelle, qui ouvrira ses portes plus tard cette année, sera également centrée sur ce type d’approche.
Selon Huwe, les étudiants entrant aujourd’hui en faculté de médecine sont eux aussi plus sensibles à cette vision globale, notamment en ce qui concerne la santé mentale et le contexte social et relationnel du patient. "Ce n’est pas un grand saut pour cette génération d’étudiants", estime-t-il.
Le laboratoire d’autopsie de l’école est unique en son genre : il dispose d’une antichambre où les étudiants s’arrêtent pour 15 minutes de prière et de réflexion avant d’entrer. Une inscription tirée du Psaume 139:14, "fait d’une étrange et admirable manière", est apposée sur le mur à l’extérieur.
L’école est ouverte à tous, croyants ou non, mais ses responsables tiennent à rappeler qu’elle est profondément enracinée en Christ et dans son exemple. Les enseignants prient ensemble et partagent des temps de méditation. Leur ambition est de former des médecins empreints "d’humilité, conscients que nous sommes des êtres brisés", explique Huwe.
Dans le hall du nouveau bâtiment principal, situé à côté du campus de Belmont à Nashville, trône le sceau de l’école. En son centre, on retrouve le bâton d’Asclépios — un bâton autour duquel s’enroule un serpent, figure issue de la mythologie grecque et traditionnellement associée à la médecine.
Pour le doyen Spickard, ce symbole renvoie aussi à Jean 3:14 : "De même que Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé." Ce verset fait écho à l’épisode du livre des Nombres (21:4–9), où les Israélites malades retrouvaient la santé en regardant un serpent d’airain élevé par Moïse.
"Le serpent nous rappelle que nous sommes confrontés au mal — ne serait-ce que dans les mécanismes de ce qui rend les patients malades", explique Spickard. "Mais si l’on regarde le serpent sans la croix, on se retrouve seul face au mal, et cela devient insurmontable."
Sur le sceau, le bâton est comme planté dans l’eau, une allusion directe au Psaume 1 : "comme un arbre planté près d’un cours d’eau, qui donne son fruit en sa saison". Des feuilles et des fruits l’entourent, évoquant Apocalypse 22, où l’arbre de vie porte des fruits "pour la guérison des nations".
"Le Christ a dit qu’il a emporté le mal avec lui et l’a enseveli une fois pour toutes", explique Spickard. En tant que médecin, cela lui rappelle qu’il n’est pas le sauveur ni celui qui détient à lui seul le pouvoir de guérison. "Nous sommes simplement enracinés dans ce cours d’eau", ajoute-t-il.
Avant de devenir doyen et de raccrocher son stéthoscope, Spickard était l’un des rares médecins contemporains à encore effectuer des visites à domicile. Cela lui permettait de pratiquer pleinement les soins holistiques : traiter un patient dans sa chambre, se laver les mains dans une salle de bain familiale, parfois entrer dans une maison encore en désordre. Il veut que les étudiants comprennent ce que cela signifie : entrer dans la vie des patients est à la fois un privilège et un acte de vulnérabilité.
Spickard a accepté de rejoindre cette nouvelle école à un moment de grande vulnérabilité personnelle. Il venait d’apprendre que son fils était atteint d’un cancer en phase terminale. À l’hôpital, en tant que père aux côtés de son enfant en soins intensifs, il observait les médecins — d’anciens élèves qu’il avait formés à Vanderbilt — prendre soin de lui. Une période intense et bouleversante, alors même qu’il réfléchissait à s’engager dans un projet profondément ancré dans les soins holistiques et l’exemple du Christ.
Peu de temps après la perte de son fils, Spickard a dû faire face à un nouveau deuil : la mort de son propre père. D’abord engagé comme membre du corps enseignant, il a été approché par le conseil d’administration pour prendre la direction de l’école en tant que doyen. Il a accepté, mais en leur disant ceci : "Vous avez devant vous un doyen blessé." Ce à quoi le président du conseil a simplement répondu "Ce sont les meilleurs", se souvient Spickard.
Il a alors dû relever tous les défis liés à la création d’une école de médecine. L’un des plus grands est l’obtention de l’accréditation, que l’école Frist a reçue en 2023 du Liaison Committee on Medical Education, l’organisme qui supervise tous les programmes de médecine aux États-Unis.
Autre difficulté : une école indépendante comme celle-ci doit trouver des partenaires pour les stages cliniques, puisqu’elle ne possède pas son propre hôpital universitaire. À titre de comparaison, les étudiants de l’Université Vanderbilt effectuent leurs rotations au "Vanderbilt University Medical Center". Mais grâce à son partenariat avec HCA Healthcare, les étudiants de Belmont effectueront leurs stages dans des établissements affiliés à cette organisation à Nashville.
Les étudiants de première année ont également déjà effectué des stages à Siloam Health, une clinique chrétienne à but non lucratif qui existe depuis longtemps à Nashville. Elle accueille réfugiés, immigrés et autres résidents à faibles revenus qui n’ont pas d’assurance. Cette clinique propose des soins holistiques depuis plus de trente ans, et accueille également des étudiants en médecine de l’Université Vanderbilt.
Dans le hall de la clinique Siloam, un passage de Jean 9 est affiché : l’histoire de Jésus guérissant un aveugle en lui demandant d’aller se laver dans le bassin de Siloé. Plus loin, dans les bureaux où les médecins reçoivent les patients, des drapeaux brodés représentant les pays d’origine de ces derniers — comme le Cameroun ou la République dominicaine — témoignent de la diversité accueillie ici.
"La direction veut montrer aux étudiants qu’il est possible d’offrir des soins holistiques de grande qualité, empreints de compassion et de charité", explique Katie Richards, directrice de Siloam.
L’école Frist encourage aussi ses étudiants à travailler en zones rurales et dans des projets de santé à l’échelle mondiale. Une bourse est d’ailleurs prévue pour ceux qui souhaitent devenir médecins de campagne. Rana, microbiologiste au sein de l’école, encadre notamment un module optionnel qui enverra des étudiants en Corée et en Inde. Certains membres de la première promotion envisagent déjà de travailler dans des zones rurales.
L’école comprend aussi un département peu commun : celui des "sciences des systèmes de santé", qui enseigne aux étudiants comment interagir avec les diverses structures médicales afin d’aider les patients à comprendre le financement de leurs soins et à naviguer dans le système — une compétence essentielle pour pratiquer une médecine réellement holistique.
Les soins holistiques, explique Spickard, apprennent aux médecins à écouter véritablement leurs patients — mais aussi à prêter attention au système de santé lui-même.
"Nous ne voulons pas que vous voyiez le système de santé comme un mal nécessaire, contre lequel il faudrait se blinder pour tenir le coup", dit-il à ses étudiants.
"Au contraire, considérez-le comme un lieu où vous pouvez devenir des agents d’espérance."
Emily Belz
Un article de Christianity Today. Traduit avec autorisation. Retrouvez tous les articles en français de Christianity Today.