Nous avons échangé avec Damien Boyer, réalisateur du magnifique documentaire Sacerdoce, actuellement en salles. Pour ce long métrage, le protestant évangélique est allé à la rencontre de cinq prêtres, tous plus attachants les uns que les autres, et propose une esquisse de ce que représente vraiment leur sacerdoce.
"C'est la manifestation d'une vie donnée à tous". Cette phrase, entendue dans Sacerdoce, pourrait être un parfait résumé du film. C'est cette vie donnée, souvent incomprise, que le réalisateur nous fait découvrir à travers la vie de cinq prêtres : Antoine le vagabond, Gaspard le montagnard, François le sage, Paul le cycliste et Matthieu l'humanitaire.
Rien ne destinait pourtant Damien Boyer, protestant évangélique, à s'emparer de ce sujet. C'est sous l'impulsion d'un de ses amis qu'il commence à s'y intéresser, d'abord sans grande conviction. Le réalisateur venait en effet de passer plusieurs années à travailler sur le deuil après la sortie de son documentaire Et je choisis de vivre. "Un film dur qui nous a demandé beaucoup d'énergie physique et émotionnelle", nous confie-t-il. "Et il attire mon attention sur ce sujet tabou, complexe dans un contexte des affaires de pédocriminalité, je n'étais pas emballé".
Son ami insiste, lui rappelant que les communautés en marge de la société sont sa spécialité. Et effectivement, qui de plus en marge de notre société que ces hommes qui font le choix du célibat et dédient leur vie à servir Jésus de manière radicale ? Damien décide donc de passer quelques jours avec des prêtres. Lors de leurs échanges, le cinéaste est bouleversé et décide de se lancer.
"Ma foi c'est quelqu'un"
Un projet qui aura demandé trois années de travail "pour gagner leur confiance", "capter des moments de vie". Damien Boyer évoque un "confessionnal inversé" qui a demandé "beaucoup de courage" aux cinq hommes d'Eglise. Des quartiers chauds de Manille, aux sommets des montagnes enneigées en passant par l'Ariège, ils se livrent sans fards face à la caméra pour raconter leur appel, leur foi et finalement, inviter le spectateur à regarder vers le Christ.
Parmi les sujets que le film aborde, on notera notamment la question du célibat. Véritable incompréhension pour le monde mais aussi pour d'autres courants du christianisme. "Des fois il y a des douleurs","Frustration, manque de tendresse", "Cela m'arrive d'avoir un regard qui voudrait posséder", déclarent ces hommes qui sont finalement comme les autres. Ou presque, puisqu'ils ont fait ce choix, parfois difficile mais qu'ils ne regrettent pas. Pourquoi ? Parce que leur foi c'est quelqu'un.
C'est là toute la force de ce documentaire, il rappelle que cette solitude, parfois bien réelle et difficile, a été choisie librement dans le but de laisser toute la place à Dieu. "Il faut qu'il croisse, et que je diminue", nous dit la Bible dans Jean 3:30, un verset qui fait largement écho au sacerdoce.
Autre fait marquant, tout au long du film on suit les prêtres partout, mais finalement très peu dans leurs églises. "C'est ce que j'aime, nous explique Damien, ils n'ont aucun problème à rejoindre les gens là où ils sont, à aller aux périphéries comme les invite le Pape". Effectivement, que ce soit au bar, en randonnée, dans les bidonvilles, sur la route ou chez les gens, les religieux n'hésitent pas à aller vers les autres et bien souvent au bout d'eux-mêmes.
"Pourquoi en 2023 des hommes éduqués, bien mis, qui ont une vie toute tracée décident en pleine conscience de rentrer dans les ordres, en sachant en plus que cela à une image terrible aujourd'hui ? Qui est ce Christ qui les attire autant ? Qu'est ce qui est si puissant qu'ils font le choix du célibat, le deuil de la paternité et vœu d'obéissance ?"
Voilà les questions auxquelles Damien Boyer a cherché à répondre en réalisant ce long métrage. Si vous voulez la réponse, je vous invite à vous rendre en salles.
Camille Westphal Perrier