Le 25 février dernier, Cédric Mayrargue, politologue spécialiste de l’Afrique, chercheur associé au LAM (Les Afriques du Monde), dresse son analyse des mouvements évangéliques en Afrique, pour le magazine Libération.
C
ette montée en puissance du mouvement évangélique n’est pas un phénomène nouveau et soudain. Il a commencé, il y a plusieurs décennies, dans les années 60 et 70, avec les premiers missionnaires francophones et anglophones.
« Alors que l’islam concentre les regards en Afrique, les églises évangéliques et pentecôtistes suscitent un intérêt grandissant. En valorisant l’épanouissement individuel, cette offre religieuse touche plus ou moins toutes les couches de la population. »
Le maghreb et la bande sahélo-saharienne, fortement islamisés, sont peu touchés par le phénomène évangélique. Dans l’Afrique sub-saharienne, on distingue un impact différent du mouvement évangélique entre les pays anglophones et les pays francophones. Pour les premiers, la mission avait été initiée par des protestants ce qui a, par la suite, favorisé l’essor du mouvement évangélique, alors que dans les pays francophones, c’est l’Eglise catholique qui a occupé le champ missionnaire en premier.
Pour le politologue spécialiste de l’Afrique, bien que la croissance du mouvement évangélique soit réelle, on ne peut pas parler de « vague évangélique » à l’échelle du continent. Elle se manifeste d’ailleurs de manière variable, tantôt sous forme d’églises de quartier ou de maison, tantôt sous la forme d’impressionnantes mégachurches.
Contrairement aux idées préconçues, la croissance évangélique ne se fait plus par le biais des missionnaires européens et américains, bien qu’ils soient encore représentés au côté des missionnaires brésiliens et sud-coréens. Selon Cédric Mayrargue, ce sont les grandes églises fondées par des pasteurs africains en République Démocratique du Congo, au Cameroun, au Kénya, au Nigéria ou au Ghana, qui animent l’expansion chrétienne sur le continent.
Une particularité de l’impact évangélique est qu’il touche autant les populations précaires que les classes moyennes et les élites. Certains chef-d’états, comme Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ou Pierre Nkurunziza au Burundi, se réclament d’ailleurs de la foi évangélique.
L’auteur de cette étude contraste toutefois son propos concernant cette expansion. Il estime en effet que l’offre religieuse est de plus en plus importante en Afrique, et l’adhésion des adeptes de plus en plus labile et précaire, ce qui pourrait, à terme, fragiliser l’expansion du mouvement évangélique.
H.L.
Crédit photo : Flickr-CreativeCommons - Nazarene Missions International