Un couple autorisé à exporter pour l’avenir le cordon ombilical de l’enfant à naître

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Un couple attendant la naissance imminente de son enfant vient de se voir accorder le droit de conserver son cordon ombilical à des fins thérapeutiques, par le tribunal de grande instance de Grasse. Une ordonnance qui se place en porte-à-faux avec la loi. Les demandeurs souhaitaient réserver le sang du cordon en prévision d’une éventuelle maladie à venir plus tard dans la vie de l’enfant à naître.

Les deux membres du couples sont issus de familles ayant connu l’épreuve du cancer, dont ceux du pancréas et du foie et craignent une prédisposition génétique chez l’enfant qui doit naître le 18 décembre. Ils espèrent pouvoir utiliser les cellules souches de sang si un cancer se déclare et que la science propose une solution adéquate à partir des tissus cryoconservés. Le tribunal de Grasse a fait droit à leur demande de cryogéniser le cordon ombilical, ils pourront donc recourir aux services d’une société britannique spécialisée dans le domaine. En France, en effet, le cordon de sang ne peut être conservé à titre privé. Non plus pas par anticipation. L’ordonnance rendue par le tribunal le 21 novembre méconnaît donc deux principes légaux.

L’article Article L1241-1 du Code de la santé publique dispose : « Le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que de cellules du cordon et du placenta ne peut être effectué qu’à des fins scientifiques ou thérapeutiques, en vue d’un don anonyme et gratuit [...] Par dérogation, le don peut être dédié à l’enfant né ou aux frères ou sœurs de cet enfant en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement. »

Une technique éprouvée, mais limitée au connu, face à une utilisation abusive du privé

La première greffe de cellules souches hématopoïétiques a été réalisée par des médecins français en 1988. Une équipe du service d’Hématologie-Greffe menée par le professeur, ElianeGlucksman à l’Hôpital Saint-Louis à Paris, avait utilisé des cellules de sang de cordon du jeune frère du patient, prélevées à la naissance. Aujourd’hui, ce méthode est généralisée dans le monde, plus de 100 000 personnes en ont déjà bénéficié, et elle présente l’avantage d’une plus grande disponibilité par rapport à la greffe de moëlle osseuse, sans les risques de rejet qui accompagnent cette dernière. Cependant, il n’est pas sûr que conserver le cordon au moins 25 ans soit efficace, on ne connaît pas encore son efficacité au-delà de deux décennies, et « aucune étude ne démontre à ce jour l’efficacité thérapeutique des greffes effectuées à partir de son propre sang de cordon » conservé pour des années après la naissance et pour toutes sortes d’affections. Le professeur d’hématologie à l’Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris VI, conteste la pertinence de cette décision judiciaire qu’il juge insensée sur le plan médical : « Il n’existe aujourd’hui pas d’éléments scientifiques permettant de penser que le cordon ombilical contient des cellules qui pourront un jour traiter n’importe quel type de pathologie, notamment cancéreuse, ou régénérer des tissus. »

Cette décision qui s’appuie sur une science plus très incertaine, semble surtout être une manière de rassurer des parents anxieux à l’instar des jugements autorisant la cryoconservation des corps après le décès en vue de ramener le défunt à la vie des siècles après. Si elle ne procède pas d’une méconnaissance de l’état actuel de la science. Une ordonnance qui, quoi qu’il en soit, se pose en contradiction avec le Code pénal dont les articles 511-8 à 511-8-2 prévoyant notamment jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 euros d’amende pour l’exportation de tissus ou cellules dans les conditions que vient d’autoriser le tribunal de Grasse.

La législateur français a fait le choix de la solidarité, avec le développement d’un Réseau de sang placentaire, le don étant désintéressé, anonyme et libre, avec, évidemment, l’exception d’utilisation de cellules hémapoïétiques du cordon dans le cadre familial si nécessaire. Ainsi, la loi française pose un équilibre entre la solidarité et l’intérêt du donneur ou de son entourage, empêchant le développement de banques privées qui nuiraient à la solidarité.

Il reste toutefois que, si cette approche se comprend, celle du droit moral des individus à disposer de leurs propres cellules, a également sa justification éthique. Et c’est peut-être l’un des arguments qui a aidé à la confection de l’ordonnance, même si, en l’espèce, c’est involontairement aider une couple dans le désarroi à peut-être se faire arnaquer par des promesses impossibles de la part de la société de conservation britannique.

Hans-Søren Dag


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