Un ancien cheikh ougandais, battu par des extrémistes musulmans pour avoir embrassé le christianisme
Malik Higenyi, un ancien enseignant islamique habitant dans la partie orientale de l’Ouganda connaît dans sa chair les affres de la persécution. Il n’ose plus revenir dans son village avec sa famille, les habitants les en ont chassés après l’avoir passé à tabac. Ils avaient découvert sa conversion, ainsi que celle de sa femme et de leurs deux enfants, au christianisme. Un sacrilège dans cette région où l’islamisme s’impose dans les moeurs.
La petite famille avait secrètement apostasié l’islam au bénéfice du christianisme le 16 avril dernier, après avoir reçu la visite d’un pasteur protestant. Le 13 novembre, Malik Higenyi avait témoigné de sa nouvelle foi dans une église, et l’information était immédiatement arrivée jusqu’à la mosquée de Lubanga, près de son village. Les fondamentalistes musulmans avaient attendu une dizaine de jours avant de réagir ouvertement, planifiant leur agression. La veille de l’attaque, le 22, le père de famille avait reçu des messages hostiles sur son téléphone portable tels que « Sois informé que tu risques ta vie et celle de toute ta famille si tu reviens à la maison », ou « Nous te maudissons, toi et ta famille. Tu es un apostat selon la loi islamique, et tu mérites de mourir. »
Le lendemain, Malik a été agressé par trois personnes sur le chemin du retour à sa case en chaume. D’abord verbalement, quand ils lui ont dit qu’il était « une honte pour la fraternité musulmane de la mosquée de Lubanga » ; puis physiquement quand ils l’ont frappé avec un objet émoussé. L’ancien cheikh a perdu connaissance. A son réveil, il a découvert une blessure à la tête et un os cassé à la main droite. Et sa récolte de maïs avait été saccagée. Ses proches qui désapprouvent sa conversion lui ont tourné le dos, avec le soutien du président du comté. Malik, son épouse et leurs enfants ne sont pas retournés chez eux et ont trouvé refuge dans un lieu gardé secret.
Cette attaque n’est pas isolée dans la région et les autres villages musulmans du pays. En septembre dernier, par exemple, un homme avait battu sa femme qui s’était rendue à l’église, après lui avoir reproché d’être une « infidèle ». Fatuma Baluka, 21 ans, est la fille d’un chef religieux islamique, elle vivait dans un village à prédominance musulmane, et avait été secourue par des voisins qui l’avaient retirée des mains de son mari toujours en train de la frapper avec un objet métallique à leur arrivée. En janvier, un jeune homme de 18 ans, Mohammed Nsera, avait reçu la visite de son père et son oncle, après qu’ils eurent appris sa conversion au christianisme. Puisque Mohammed confirmait son choix, auquel toute la famille, dont les six soeurs, s’opposait, les deux hommes avaient battu l’apostat et incendié sa maison, qu’ils avaient eux-mêmes érigée lorsqu’il avait obtenu son diplôme sanctionnant ses années de lycée. Avant de se mettre, avec les voisins musulmans, à la recherche du jeune chrétien qui s’était réfugié chez un coreligionnaire à 21 kilomètres de chez lui. Les cas de violences rapportés sont réguliers. Et même l’habit d’autorité d’un ancien musulman ne le prémunit pas de la violence des extrémistes qui sont allés jusqu’à tuer un policier qui avait choisi le christianisme, en lui tirant à la tête, en décembre 2015, le tout aux cris de “Allahou Akbar”, (Dieu est le plus grand).
Crime d’apostasie et exigence de tribunaux islamiques en Ouganda
L’apostasie est un crime plus ou moins sanctionné en terre d’islam. Les réactions varient d’une contrée à l’autre. Par exemple, au Mali, si les missionnaires sont acceptés et libres d’évangéliser dans ce pays laïque, ils connaissent aussi l’opposition d’une partie des musulmans à côté de la tolérance d’autres. La réaction varie selon les autorités et les sentiments de la population. Dans les districts musulmans de l’Est en Ouganda, l’islam prêché n’est pas tolérant, et l’apostasie est considérée comme méritant une sanction.
L’islamologue algérien Mouna Mohammed Cherif explique dans une étude consacrée à son pays, La conversion ou l’apostasie entre le système juridique musulman et les lois constitutionnelles dans l’Algérie indépendante, mais dont le thème vaut pour le monde musulman, les risques pour celui qui change de religion au détriment de l’islam : « Si on cherche le sujet de l’apostasie dans les références de la jurisprudence musulmane, on remarque que tous les juristes l’incluent dans les qitab hudûd [Chapitre des peines légales]. Les malikites, les hanbalites et les chaféites considèrent l’apostasie comme jinâyâ [crime d’homicide ou blessures corporelles]. Les hanafites eux, la classent dans le chapitre dujihâd [guerre], avec la rébellion. On comprend donc par ce classement que l’apostasie est considérée comme un délit ou une infraction chez tous les juristes. Ainsi, tout musulman adulte quittant volontairement et publiquement sa religion est jugé apostat. Ce jugement conduit à une sentence et à une condamnation, selon les différentes écoles juridiques. La sentence est définie par la peine de mort pour l’apostat. »
Après avoir demandé que le Parlement autorisât la création de tribunaux islamiques, les khadit (ou cadis), notamment au motif « Les questions de mariage en Islam ne peuvent pas être comparées à celles de toute autre foi », ainsi qu’argumentait le cheikh Abbas Kakungulu, les musulmans attendent désormais que le Parlement élargisse les compétences de ces juges. La Constitution ougandaise garantissant la liberté de religion, de tels tribunaux ne sauraient théoriquement se prononcer sur la question de l’apostasie.
Les musulmans représentent, officiellement entre 13 et 14 % des Ougandais, mais le porte-parole du Conseil Supérieur Islamique de l’Ouganda, Hajj Nsereko Mutumba, affirmait au média All Africa, en mars dernier, que les chiffres étaient mensongers pour réduire l’importance des musulmans qui constituent, d’après lui, 25 % de la population et croissent comme les pentecôtistes.
Hans-Søren Dag