
La suspension des sites pornographiques YouPorn, Pornhub et RedTube en France marque un tournant symbolique dans la lutte contre l’exposition des mineurs à des contenus inadaptés. Derrière cette décision, une loi sur la vérification de l’âge entrée en vigueur en 2024. Une avancée saluée par les autorités et l’occasion, pour des voix chrétiennes, de rappeler les dangers de la consommation de contenus pornographiques.
Depuis ce mercredi 5 juin, les internautes français ne peuvent plus accéder aux sites Pornhub, YouPorn et RedTube. La maison mère de ces plateformes, Aylo, a suspendu leur accès en France pour protester contre l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi exigeant une vérification fiable de l’âge des utilisateurs.
"Pornhub, YouPorn et RedTube refusent de se conformer à notre cadre légal et décident de partir. Tant mieux ! Il y aura moins de contenus violents, dégradants, humiliants accessibles aux mineurs en France. Au revoir", a réagi Aurore Bergé, ministre en charge de l'Égalité femmes-hommes, sur le réseau X.
Une loi pour protéger les mineurs
Depuis 2024, les sites pornographiques sont légalement tenus d’instaurer un système de vérification de l’âge empêchant les mineurs d’y accéder, sous peine de sanctions de la part de l’Arcom, l'autorité de régulation du numérique. Les solutions envisagées doivent inclure des dispositifs respectant le double anonymat, garantissant la majorité de l’utilisateur sans pour autant révéler son identité. Faute de s’y conformer, Aylo a préféré suspendre l’accès à ses plateformes.
"Nous nous servons de notre site comme d’un panneau publicitaire géant", a déclaré Alex Kekesi, vice-présidente chez Aylo, en expliquant que les visiteurs français seraient redirigés vers une page exposant la position du groupe, illustrée par "La Liberté guidant le peuple" de Delacroix.
Une réaction saluée, mais des enjeux de fond persistants
Pour le pasteur Michael Jacquet, directeur de Connect Missions et fondateur de LibertéXXL, qui accompagne les personnes dépendantes à la pronographie, cette suspension est une bonne nouvelle, mais elle ne doit pas faire illusion.
"On ne peut que se réjouir de la mise en retrait de ces géants de l'industrie du porno. Il ne faut toutefois pas se faire d'illusion : les sources et ressources téléchargées sont suffisamment nombreuses pour que les consommateurs ne se laissent pas affamer. Par ailleurs, la consommation de porno engendre des comportements addictifs qui ne nécessitent pas une ressource matérielle pour être entretenus. Il faut capitaliser sur cette annonce pour continuer à diffuser une juste information sur le danger véritable que représente le porno."
Ancien militaire et délégué du Conseil national des évangéliques de France (CNEF) pour la Savoie, Michael Jacquet alerte depuis plusieurs années sur la banalisation des contenus pornographiques et les ravages de la dépendance. Son expérience du terrain l'amène à souligner l’urgence d’une prise de conscience collective.
Une vigilance ancienne des évangéliques
Le CNEF avait déjà exprimé publiquement sa position sur ce sujet en février 2023, saluant une résolution sénatoriale visant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité publique.
"Soucieux de lutter contre la traite des êtres humains engendrée directement et indirectement par la pornographie, et d’éviter l’exposition d’enfants à la violence pornographique, les protestants évangéliques se réjouissent de la proposition de résolution appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique."
Le rapport d’information présenté par la sénatrice Annick Billon, à l'époque, révélait une industrie structurée autour de la domination et de la violence, en particulier à l’égard des femmes. Il pointait aussi l’inefficacité des lois précédentes : malgré la loi du 30 juillet 2021, l’accès aux sites pornographiques reste en effet largement ouvert à tous. Et selon l'association Ennocence, un enfant sur deux a été exposé à des vidéos pornographiques dès l’école primaire.
Camille Westphal Perrier (avec AFP)