Suppression de l’assistance juridique dans les centres de rétention : des associations, dont certaines chrétiennes, dénoncent un recul démocratique

Suppression de l’assistance juridique dans les centres de rétention des associations, dont certaines chrétiennes, dénoncent un recul démocratique

Le Sénat a voté, lundi 12 mai, le retrait aux associations présentes dans les centres de rétention administrative (CRA) de leur mission de conseil juridique aux étrangers retenus en vue de leur expulsion. Cette décision, dénoncée dans une tribune inter-associative parue dans Le Monde suscite une vive inquiétude quant au respect des droits fondamentaux et à la transparence démocratique dans ces lieux de privation de liberté.

Le vote du Sénat, lundi dernier, marque un tournant pour les centres de rétention administrative (CRA) en France. En privant les associations de leur mission de conseil juridique auprès des étrangers retenus, les parlementaires ont provoqué une vague de protestation au sein des organisations de défense des droits humains dont des associations d'inspiration chrétienne telles que La Cimade ou la Fédération de l’Entraide Protestante, historiquement engagées dans l’accompagnement des personnes migrantes.

Dans une tribune publiée le 11 mai dans Le Monde, ce collectif de dirigeants d’ONG  exprime son inquiétude face à ce qu’il considère comme une attaque contre l’assistance juridique indépendante. "Le droit au recours effectif est une exigence constitutionnelle (article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), ainsi qu’une obligation européenne et internationale", rappellent les auteurs du texte. Ils insistent également sur le fait que ce droit ne peut être garanti que par un acteur neutre, sans conflit d’intérêts.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), une agence publique placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, se verrait confier cette mission d’information juridique dans les CRA. Pour les associations, cette réforme vise clairement à les évincer de ces lieux, supprimant ainsi leur rôle d’aide à l’exercice des droits pour les personnes en situation de rétention. Un changement perçu comme un recul de la transparence démocratique et un frein à l’accès à la justice pour les plus vulnérables.

Les signataires de la tribune avertissent qu'une telle suppression de l'observation indépendante rendrait opaque ce qui se passe dans ces centres. En effet, les associations produisent chaque année un rapport interassociatif qui constitue, selon leurs mots, "la seule source publique et indépendante d’information sur les centres de rétention". Un travail qui permet aux parlementaires, aux journalistes, aux chercheurs et aux citoyens de mieux comprendre les conditions de rétention.

Cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte global de durcissement des politiques migratoires. Selon un rapport de la Cour des comptes publié en janvier 2024, le nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) aurait augmenté de 60 % en cinq ans. Cette politique, qui tend à systématiser les décisions d’éloignement, génère mécaniquement une hausse des situations de rétention. Pour les associations, l'aide juridique indépendante reste essentielle pour identifier les erreurs et contester les décisions injustes.

"Cette transparence, loin d’être une posture, est un devoir démocratique. Elle est au fondement de tout contrôle citoyen sur l’exercice du pouvoir, en particulier lorsqu’il implique la privation de liberté."

Les opposants à la présence des associations dans les centres de rétention justifient cette suppression par un argument budgétaire. Pourtant, les chiffres démontrent que l'assistance juridique en CRA représentait un coût de 6,5 millions d'euros en 2024, une somme relativement faible comparée aux 220 millions d'euros consacrés chaque année à la rétention. En parallèle, le projet d’allongement de la durée de rétention de quatre-vingt-dix à deux cent dix jours, également soutenu par les sénateurs promoteurs de cette loi, aurait un coût bien plus conséquent, atteignant jusqu’à 70 000 euros par personne retenue.

"Maintenir une assistance juridique indépendante dans les centres de rétention, c’est respecter l’Etat de droit", concluent les signataires de la tribune, appelant les parlementaires à ne pas franchir cette "ligne rouge".

Camille Westphal Perrier

Crédit image : Shutterstock / GERARD BOTTINO

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