Suisse : reconnaissance académique pour une école de théologie évangélique
L’école de théologie évangélique de Saint-Légier confirme son positionnement académique avec le renouvellement de son accréditation européenne. Un tournant symbolique après une période de vives critiques.
Depuis sa création, la HET-PRO bouscule les repères du paysage théologique suisse. Créée officiellement en 2016, et installée à Saint-Légier dans les murs de l’ancien Institut Biblique Emmaüs, cette école évangélique confessante s’est donnée pour mission de proposer une autre voie pour la formation théologique, conjuguant rigueur académique, vie spirituelle et ancrage protestant évangélique.
L’intégration de la prière dans les cours, l’affirmation claire d’une foi vivante, la jeunesse de son public étudiant, ou encore la création de l’Institut pour les questions relatives à l’islam (IQRI), ont valu à la HET-PRO d’être pointée du doigt.
La polémique a pris un tournant médiatique en fin 2024, lorsqu’un article du professeur Pierre Gisel, théologien à l’Université de Lausanne, publié dans la revue Théorèmes, a qualifié la HET-PRO de "phénomène de radicalisation". L’auteur y mettait en question "le rapport de l’école à la vérité et au monde extérieur", déclenchant une vague de réactions dans les milieux académiques et ecclésiaux. La HET-PRO a répondu dans un communiqué, dénonçant des généralisations et des jugements de valeur "qui ne reflètent ni la réalité de l’école, ni la diversité des approches pédagogiques et théologiques qui y sont déployées".
Une reconnaissance officielle
C’est dans ce contexte que l’école vient d’annoncer une nouvelle étape décisive dans son développement : le renouvellement de son accréditation européenne par le European Council for Theological Education (ECTE) pour cinq années supplémentaires. Une reconnaissance officielle de la qualité de ses formations et de sa conformité aux standards du processus de Bologne.
"Cette réévaluation, qui intervient tous les cinq ans, confirme que nous continuons à répondre aux standards académiques européens", a déclaré David Richir-Haldemann, professeur et responsable du projet d’accréditation, dans un entretien pour Réformés.ch.
"Nous délivrons donc des crédits ECTS, conformément aux standards européens", a-t-il ajouté, rappelant que leur reconnaissance dépend ensuite des politiques de chaque université.
Si l’accréditation européenne permet déjà à l’école d’intégrer ses diplômés dans des institutions comme l’Université de Strasbourg, l’étape suivante est clairement identifiée : la reconnaissance officielle comme Haute école spécialisée (HES) en Suisse. La procédure est en cours auprès du Conseil suisse d’accréditation, et une décision est attendue dans les mois à venir.
"La HET-PRO est actuellement en cours d’évaluation par le Conseil suisse d’accréditation. Nous recevrons au printemps le rapport des experts mandatés dans ce cadre, mais la décision finale ne sera prise que dans les mois à venir, probablement à l’été ou à l’automne", a expliqué David Richir-Haldemann. Il a également précisé que "l’accréditation suisse offrirait une reconnaissance institutionnelle officielle et faciliterait les discussions avec d’autres établissements, mais chaque université resterait libre de décider des équivalences qu’elle accorde."
Cette reconnaissance ne signifiera donc pas une intégration automatique : chaque université, comme chaque Église cantonale, conserve la liberté de fixer ses propres critères. D’où l’importance, pour la HET-PRO, de poursuivre le dialogue, tout en affirmant sereinement son identité.
Interrogé sur l’avenir de l’école, David Richir-Haldemann a déclaré souhaiter avant tout que leurs étudiants "soient jugés sur la qualité de leur formation et de leur travail, et non sur des considérations administratives".
"Nous voulons donc favoriser l’émergence de nouvelles vocations en milieux protestants et évangéliques en offrant un lieu de formation où les dimensions intellectuelle, spirituelle et fraternelle de la foi chrétienne sont intégrées. Notre objectif est de continuer à former des personnes compétentes et engagées, tout en renforçant nos liens avec le monde académique suisse et européen."
Camille Westphal Perrier
