Un ancien agent du FBI a révélé le 8 février dernier que l’agence américaine avait publié un mémorandum désignant des catholiques suivant la messe traditionnelle, en latin, comme une menace extrémiste, les accusant de tenir des discours haineux. Confronté aux critiques d’une vingtaine de procureurs généraux et à la colère des conservateurs, le service de renseignement fédéral a retiré le mémo destiné au contre-terrorisme.
La dernière prise de Kyle Seraphin, un ancien agent spécial du FBI, met l’agence fédérale sous pression. Après avoir été suspendu l’an dernier, Seraphin a rejoint Truth Social, le média de l’ex-président Donald Trump, mais c’est sur le site Undercovered DC qu’il a dévoilé un document émanant du bureau du FBI de Richmond, en Virginie. Il révèle que les agents fédéraux ont lancé une enquête sur les catholiques "traditionalistes radicaux" qui constituent, selon eux, une menace extrémiste en raison de supposés liens avec les mouvements nationalistes blancs.
Seraphin a discrètement obtenu d’un agent du FBI une note du 23 janvier dernier intitulée "L'intérêt des extrémistes violents avec des motivations raciales ou ethniques pour l'idéologie catholique radicale-traditionaliste présente presque certainement de nouvelles opportunités de réduction" - sous-entendu "des risques". L’agence estime pouvoir notamment diminuer le risque de violences en recrutant des sources confidentielles au sein de mouvements catholiques suivant la messe traditionaliste.
Le mémo distingue entre les catholiques préférant simplement la messe en latin et enseignements antérieurs à Vatican II et ceux qui épouseraient "des croyances idéologiques plus extrémistes et une rhétorique violente". Le document permet de constater que le FBI utilise l’acronyme RTC (Radical-Traditionalist Catholics) pour une désignation rapide de ces catholiques "généralement caractérisés par le rejet du Concile Vatican II". Il assimile la préférence pour le latin et une théologie conservatrice à une "adhésion à l’idéologie antisémite, anti-immigrants, anti-LGBTQ et suprémaciste blanche".
Un mémorandum non rigoureux selon le FBI
Le procureur général de Virginie James Miyares et les procureurs généraux de 19 autres États ont écrit une lettre le 10 février au procureur général des États-Unis Merrick Garland, l’équivalent du ministre de la Justice, exigeant que le gouvernement publie tous les documents utilisés pour rédiger la note. Selon le bureau de Miyares, "le mémorandum distingue entre ce que le FBI juge acceptable ou inacceptable concernant les croyances et pratiques catholiques". L’élu virginien dit que son État "est le berceau de la liberté religieuse et a une longue histoire de protection du droit inaliénable de vivre sa foi sans ingérence ni intimidation du gouvernement".
Face aux exigences des 20 procureurs généraux, le FBI a déclaré avoir retiré le document au motif qu’il manquait de rigueur : "Bien que notre pratique habituelle consiste à ne pas commenter des données de renseignement précis, ce produit particulier du bureau sur le terrain [de Richmond, NDLR] – uniquement diffusé au sein du FBI – quant à l’extrémisme violent à caractère racial ou ethnique ne répond pas aux normes rigoureuses du FBI." Le mémo se référait à des listes du Southern Poverty Law Center, une association de gauche qui déclare agir en faveur de la tolérance et surveiller l’extrême droite.
Mgr Knestout, l’évêque du diocèse de Richmond, a remercié le 13 février les procureurs généraux pour avoir défendu la liberté religieuse. S’étonnant que la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre fût sur la liste du FBI, le prélat a souligné qu’une "préférence pour les formes traditionnelles de culte et une adhésion étroite aux enseignements de l'Église sur le mariage, la famille, la sexualité humaine et la dignité de la personne humaine ne sont pas synonymes d'extrémisme". Considérant qu’il faut éradiquer les extrémismes si l’on en trouve des preuves, il précise que cela ne peut se faire au détriment de la liberté religieuse.
Jean Sarpédon
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