"Selma, Alabama – Une Flamme Fragile" : un documentaire de Présence Protestante diffusé dimanche sur France 2

Il y a 60 ans, le pasteur Martin Luther King Jr. menait les Marches de la lutte non-violente pour les droits civiques. L’un des quartiers généraux de ces Marches était l’église méthodiste de Selma, la Brown Chapel.
Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes.
Matthieu 5.13
Les 7, 9 et 25 mars 1965, il y a tout juste soixante ans, les Marches de Selma pour les droits civiques, menées notamment par le pasteur baptiste Martin Luther King et coorganisées par la plupart des Églises et dénominations protestantes de la région de Montgomery – bastion pourtant confédéré – ont changé le monde. Du moins ont-elles infléchi et fait réfléchir les ségrégationnistes et autres suprémacistes blancs.
Avant Selma, il y avait eu les Neuf de Little Rock (Arkansas), les bus de Rosa Parks, de Claudette Colvin, et de tant d’autres. Depuis Selma, aux États-Unis comme dans beaucoup d’endroits sur la planète, les lois, l’égalité des droits et celle des chances ont évolué. Vraiment ? Oui, vraiment.
Mais la musique de la réalité n’a pas nécessairement suivi le rythme. Comme le dit une jeune danseuse de la fanfare du lycée : "Nous ne sommes plus enchaînés", "mais on ne peut pas dire que nous soyons […] tous sur un pied d’égalité." Les partitions sont les mêmes, mais tout le monde ne joue pas sur un Steinway ou avec une trompette Monette. La jeune danseuse a raison.
Si chaque année, les commémorations des Marches de Selma attirent des milliers, voire des dizaines de milliers de visiteurs et font flamber quelques heures le prix des Airbnb, l’effervescence des avenues et la hauteur des prix dissimulent mal le désarroi des paroissiens et les rues galeuses de la ville.
La caméra du réalisateur Jean-Jacques Cunnac nous montre une tout autre réalité. À peine les festivités et barbecues finis, les balayeuses ont tôt fait de nettoyer les traces de la fête. À Selma, la mémoire a cédé la place au folklore. Avec le temps, la violence et le désœuvrement ont eu raison de la non-violence et de l’action. N’en est-il pas ainsi de tout ? Tout ne devient-il pas, avec le temps, folklore et magnet de frigo ?
Dans les travées en travaux de la Brown Chapel, rongée par des champignons, guidé par la silhouette frêle et la voix grave de l’acteur-artiste Julian Rozzell Jr., il est clair que même à Selma, Martin Luther King est bel et bien mort. Soixante ans plus tard, où est l’espérance ?
Pour l’ancienne marcheuse du Edmond Pettus Bridge (photo), Joyce Parrish O’Neal : "Les jeunes […] ne croient [plus] vraiment en la non-violence telle que Luther King l’a prêchée. Ça a fonctionné pour nous. Mais il y a plus d’une façon de vaincre son ennemi. Il faut être plus malin que lui."
"Être plus malin", qu’entend-elle par là ? Comment ? Par l’éducation ? Par la désobéissance civile ? En prenant les armes et se battant comme dans le terrible film d’Alex Garland Civil War (2024) ? Les tragédies finissent toujours mal. Est-ce en cela que nous voulons mettre notre espérance ?
Sur le parvis du "Premier Capitole confédéré" de Montgomery, véritable copie de la Maison Blanche (sic), dans un discours resté célèbre, le pasteur King dira : "Nous en avons assez que nos droits servent les discours politiques." Il croyait que les choses pouvaient changer… "dans peu de temps". Vœux pieux (normal pour un pasteur) si l’on en croit soixante ans plus tard le visage de Selma, celui des États-Unis, et celui de l’égalité, là-bas, ou ici.
Les commémorations sont terminées. Les rues se vident, les manifestations se taisent, même les bancs des églises finissent rongés par le temps. Quels sont nos combats ? De quoi est fait notre sel ? Et qu’en faisons-nous ? À quelle sauce le mettons-nous ? Finira-t-il jeté dehors et foulé par les pieds des hommes, comme à Selma et ses travées rongées ? Ou portera-t-il encore, pour longtemps, notre fol espoir : afin que les meilleures lois s’accomplissent, nous croyons que le cœur de l’homme ne peut changer durablement qu’à une condition, et une seule : qu’il s’ouvre à Christ ?
Teaser à regarder en cliquant ici.
Cristophe Zimmerlin pour Présence Protestante
"Selma, Alabama – Une Flamme fragile", un documentaire réalisé par Jean-Jacques Cunnac pour France THM productions, POM.tv et france.tv studio diffusé dimanche 25 mai, 10h00 sur France 2. Replay sur france.tv et sur Facebook.