« Les sacs [de médicaments] que j’ai pu amener ont vraiment été reçus chaleureusement. Ici, ils ne disent pas merci, ils disent ‘1000 mercis’. Ils ont été touchés parce que la France ne les abandonne pas, les chrétiens évangéliques ne les abandonnent pas. »
Le 4 août 2020, une double explosion a dévasté la capitale libanaise, Beyrouth, et notamment les chrétiens chrétiens proches du port. Dans le cadre de l’opération SOS Médicaments pour le Liban, Saïd Oujibou, président de l’Union des Nord-Africains Chrétiens de France (UNACF) et membre du Conseil des Chrétiens d’Orient (CCO) est sur place, un an après le drame, avec une priorité, « sauver les chrétiens de Beyrouth ».
Le bilan de l’explosion fut lourd comme le rappelle Saïd Oujibou, qui évoque 300 000 personnes sans-abri, plus de 6500 blessés et 207 morts, mais également des infrastructures lourdement endommagées. C’est dans ce contexte de « crise dans la crise » que se sont engagés l’UNACF et la CCO, en offrant des repas aux plus démunis et des médicaments.
Info Chrétienne a pu interviewer Saïd Oujibou, afin d’en savoir plus sur la situation actuelle du Liban, mais aussi sur le suivi de l’opération SOS Médicaments pour le Liban.
Quelle est la situation à Beyrouth, un an après l’explosion ?
La situation est assez catastrophique. Après cette double explosion, quasiment rien n’a changé, à part quelques vitres et portes qui ont été réparées. Mais la situation économique et politique est écrasante, étouffante. [...] Il y a une pénurie de gaz, d’essence, que le Liban n’a jamais connue, même pendant toutes les guerres qui se sont passées ici. La situation est catastrophique dans le sens où les gens n’ont plus de médicaments puisqu’il y a des pharmacies qui aujourd’hui ne proposent plus que des pommades, du lait pour le corps, et ils ont cruellement besoin de médicaments. Le souci c’est que la corruption mine le terrain. [...] Aujourd’hui, la population est excédée, la population est très fatiguée. Moralement, les gens sont épuisés.
Hier, jour de deuil national, des manifestations se sont transformées en émeutes. Que réclame la population ?
Les gens se sont levés hier, en direction du port, où il y a eu la double explosion le 4 août. Après tout le monde s’est dirigé vers le Parlement pour inciter la classe politique à prendre conscience de l’état d’urgence que le pays traverse. [...] La population réclame simplement que le Liban puisse les nourrir décemment. Aujourd’hui cela fait plus d’un an que des personnes n’ont pas mangé de viande. La nourriture de base devient le pain et le thé. Et même quand on regarde la dévaluation de la monnaie aujourd’hui, quelqu’un qui gagnait 2000 dollars, il ne gagne plus que 100 dollars. C’est plus que catastrophique. On vit pas, on survit. Les gens ne savent vraiment pas de quoi demain sera fait, ce qui fait qu’aujourd’hui c’est assez conflictuel pour eux. La vie est devenue illisible, c’est devenu complètement incertain pour eux. Il y a une grande détresse, vraiment un grand désespoir chez eux.
La population réclame-t-elle aussi la vérité sur cette double explosion ?
Non, ce n’est pas vraiment ça qui est mis en avant. Ce qui est mis en avant c’est que la classe politique puisse dégager. Il y a vraiment un dégagisme de leur part et une volonté d’en finir. Surtout avec la jeunesse libanaise qui veut un nouvel élan, un sursaut, une classe dirigeante qui soit nouvelle. Je pense que le sursaut se fera avec la jeunesse libanaise. L’avenir se fera avec la jeunesse libanaise. Ils n’en sont pas à réclamer le pourquoi du comment de cette double explosion. Ce qu’ils veulent c’est être nourris et vivre décemment. C’est vraiment l’urgence aujourd’hui. Chercher la vérité sur la double explosion… c’est plutôt du pain qu’ils réclament et une classe politique nouvelle.
Info Chrétienne est associée avec vous pour l’opération SOS Médicaments pour le Liban. Pouvez-vous nous parler de cette campagne ?
Cette campagne a été un grand succès d’abord en France, puisqu’elle nous a permis grâce à Info Chrétienne, d’être en contact avec Éric Célérier. [...] Il y a eu un sursaut, il y a eu un élan. J’ai au moins, je pense sans exagérer, quinze sacs de trente kilos de médicaments, ce qui n’est pas rien, parce qu’un sac représente des centaines et des centaines de médicaments. J’ai pu me rendre au Liban avec une partie de ces sacs, et pas la totalité étant donné que nous sommes en pleine saison. Mais les sacs que j’ai pu amener ont vraiment été reçus chaleureusement. Ici, ils ne disent pas merci, ils disent « 1000 mercis ». Ils ont été touchés parce que la France ne les abandonne pas, les chrétiens évangéliques ne les abandonnent pas. Nous sommes dans une période critique, une période difficile. Je pense que ça ne sera pas mon dernier voyage. Je prévois de revenir en octobre ou novembre. En tous cas, ça a été un grand succès. Merci à Info Chrétienne. Merci à Éric Célérier pour cet élan, cette générosité que j’ai vue, qui est sans précédent. Merci aux Français, Françaises, à toutes les communautés et aux individuels, en France, qui ont pu contribuer.
Et maintenant, que pouvons-nous faire ?
Ce que nous pouvons faire, c’est toujours rassembler des médicaments. Si on peut relancer une opération pour Noël, pour les enfants qui sont démunis, fragilisés, paupérisés, on va lancer une grande opération jouets. Mais aussi toujours, des médicaments, parce que je pense que c’est la nécessité. Et les jouets peuvent aussi être un médicament moral, mental, psychologique, pour raviver, fortifier un petit peu cette jeunesse, et puis les enfants. Ce que l’on peut faire, c’est toujours prier pour le pays, parce que la force, elle est dans la prière. Que Dieu les maintienne, que Dieu les soutienne, que Dieu vraiment les fortifie dans leur foi, et que malgré la tempête, malgré la période de turbulences qu’ils traversent, ils puissent garder leur dignité.
M.C.
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