Début mai 2021, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a réalisé une carte du risque de sécheresse estivale pour les nappes d’eau souterraine.
Ces prévisions se révèlent assez pessimistes, avec des niveaux probablement bas pour l’été sur une grande partie des nappes ; il existe même un risque de sécheresse très fort sur l’Est de la France – de l’Alsace à la Provence.
Seules les nappes du centre du Bassin parisien et de l’Artois, et certaines nappes du Bassin aquitain devraient être épargnées.
Il faut toutefois considérer les mois de mai, de juin et de juillet, qui ont été particulièrement humides sur une grande partie du territoire. Or la carte du risque sécheresse est en partie basée sur des prévisions saisonnières de Météo France « chaudes et sèches » pour mai-juin-juillet.
On peut dès lors se demander quel impact auront eu ces fortes pluies sur les niveaux des nappes et si cela a pu modifier la carte du risque sécheresse et ses informations.
BRGM, CC BY-NC-ND
Comment est réalisée la carte du risque sécheresse ?
La carte a été élaborée par les hydrogéologues régionaux du BRGM.
BRGM, CC BY-NC-ND
Leur expertise repose sur l’état initial des nappes après la période de recharge hivernale 2020-2021, sur les prévisions saisonnières de température et de pluviométrie de Météo France et sur les prévisions des niveaux des nappes disponibles jusqu’en septembre 2021 (réalisées dans le cadre du projet Aqui-FR et issues des modèles MétéEAU Nappes).
Quel est l’impact des pluies de mai-juin-juillet ?
En été, les précipitations n’engendrent généralement pas de recharge des nappes.
Les eaux s’infiltrant sont en effet habituellement reprises par la végétation ; et les orages estivaux favorisent le ruissellement, ne permettant pas une infiltration efficace des eaux.
Les pluies des derniers mois ont ainsi eu un faible impact sur les nappes : les niveaux sont généralement restés en baisse, mais la situation s’est améliorée au cours de mai, juin et juillet.
L’exemple de Villers-en-Haye
C’est un peu comme être confronté à un problème de baignoire qui fuit, avec un robinet qui la remplit de temps un temps.
Une nappe se vidange continuellement vers des cours d’eau, des sources, des zones humides et même les océans et mers. En absence d’arrivée d’eau, les niveaux des nappes baissent. C’est ce qu’on observe habituellement d’avril à octobre. Lorsque le robinet est grand ouvert, les pluies infiltrées sont suffisantes pour compenser la perte d’eau vers les exutoires : la nappe se recharge alors et les niveaux montent.
Le suivi du puits de Villers-en-Haye (Meurthe-et-Moselle) est un bon exemple pour illustrer ce qui s’est passé courant 2021 sur la plupart des nappes françaises.
Le graphique ci-dessous montre les niveaux mensuels moyens de 2021 (points et courbe en noir), en comparaison avec des classes allant de très hauts (en bleu) à très bas (en rouge).
Sur 2021, on observe une forte recharge en février suivie de trois mois sans pluie, avec des niveaux en forte baisse et une situation qui se détériore rapidement – de hauts (bleu) en février à modérément bas (jaune) en mai.
ADES
En mai et juin 2021, des eaux de pluie ont réussi à s’infiltrer vers les nappes, mais elles n’ont pas été suffisantes pour compenser les sorties vers les exutoires. Les niveaux ont donc poursuivi leur baisse, mais plus lentement que d’habitude. La situation s’est alors améliorée, en passant de modérément bas (jaune) en mai à modérément haut (bleu clair) en juillet.
Les pluies ont également eu un impact indirect sur les nappes : les sols étant humides et les températures basses, il y a eu moins d’eau prélevée dans les nappes pour l’irrigation des cultures et des jardins, le remplissage des piscines, etc.
Où en est-on du risque de sécheresse ?
La carte du risque de sécheresse estivale est aujourd’hui toujours d’actualité, même si ce risque s’est éloigné sur de nombreux secteurs grâce à cette fin de printemps et ce début d’été humides.
Un risque de sécheresse très fort (en rouge foncé sur la carte) se confirme sur les nappes du pourtour méditerranéen et du couloir rhodanien. Sur ces secteurs, des restrictions d’eau souterraine ont déjà été prises. Même s’il a bien plu sur le couloir Rhône-Saône et que les rivières sont hautes, les nappes de la Bresse au Bas-Dauphiné ne se sont que très peu rechargées.
Les secteurs à risque « fort » (rouge clair) ainsi que les plaines d’Alsace et de la Limagne (risque « très fort », rouge foncé) abritent des nappes sensibles aux pluies. En absence de pluies suffisantes et avec des températures élevées, certains bassins pourraient se retrouver localement en tension courant août.
Le risque sera accentué sur les nappes très réactives (notamment socle et calcaires karstiques) et sur les nappes fortement sollicitées par des pompages. Le risque sur ces nappes est donc « faible » pour le mois de juillet, mais redevient « fort » pour la fin de l’été.
Enfin, les niveaux des nappes identifiées comme à risque « très faible » (vert foncé) à « faible » (vert clair) devraient rester satisfaisants durant tout l’été.
Violaine Bault, Ingénieur hydrogéologue, BRGM
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.