Présence Protestante : un nouveau numéro d'Ecriture.s sur le thème du "Verbe", à voir en replay

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"Au commencement était le verbe". Ainsi commence l’Évangile de Jean. "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement tourné vers Dieu. Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise". Évangile de Jean, chapitre 1.

Dans la traduction œcuménique de la Bible (TOB), nous lisons donc : "Le verbe était tourné vers Dieu, et le verbe était Dieu", dans d’autres versions, ce même verset est traduit par : "la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu".

J’ai toujours été perplexe devant le paradoxe de ce simple verset : "le Verbe était tourné vers Dieu" ou "avec Dieu" semble indiquer que le "Verbe" – quoi que nous entendions par-là – est extérieur à Dieu, qu’il l’observe, qu’il le décrit. Sauf que, une virgule plus loin, dans le même verset il est écrit "le Verbe était Dieu". Alors quoi ? Le "Verbe" est-il extérieur à Dieu ou est-il Dieu ? Big question.

Mais avant même de nous attaquer à la montagne de ce paradoxe, vérifions notre kit de langage, mettons-nous d’accord sur quelques points :

Premier point : l’antériorité. S’agissant de Dieu, le lecteur comprend que la tournure au passé, "était" traduit l’antériorité de Dieu et du Verbe : ils ont existé avant toute chose, avant le monde (voir Genèse 1.3).

Deuxième point : la temporalité. Mais l’imparfait (sic) "était", nécessaire en Français, traduit mal la temporalité. Dieu et le Verbe "sont" encore. Ils n’appartiennent pas au passé mais toujours au présent. Certes, ils étaient avant, mais ils sont encore aujourd’hui. C’est Dieu lui-même qui nous l’a fait comprendre des siècles auparavant lorsqu’il a dit à Moïse "Je suis" (Exode 3.14).

Troisième point : la simultanéité. La linéarité de l’écriture humaine fait que l’on ne peut écrire ou lire deux mots simultanément. Graphiquement, dans un texte, deux mots ne peuvent exister en même temps, au même endroit. Et ceci est aussi vrai pour une parole : les sons sont des ondes linéaires, un mot peut avoir plusieurs sens, mais on ne peut dire deux mots en même temps. Et enfin, c’est vrai aussi pour notre réalité matérielle : deux objets ne peuvent exister en même temps au même endroit. C’est une règle de notre monde, même si cette règle de notre réalité est mise à mal par la physique quantique. Ce que nous dit Jean, c’est que "Dieu" et le "Verbe" "son" conjointement, en même temps. Ce "Dieu dit", répété huit fois en ce début de l’Évangile de Jean, est une constante de toute la Bible. « Dieu dit », dès le commencement, Il "dit" tout le temps, et à chaque fois ce qu’il dit est, à commencer, par la lumière (Genèse 1.3).

Et nous voilà à la porte de ce paradoxe. "Dieu" et le "Verbe" ont été les premiers. Ils sont et ils seront. Et ils sont en même temps, au même endroit.

Mais, Jean va plus loin. Il nous dit que l’un est aussi l’autre : "le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu".Comment cela est-ce possible ?

Jean continue : par eux est la vie, et la vie est la lumière, "mais les ténèbres ne l’on point comprise". Les ténèbres n’ont point compris la lumière. La lumière émane de la vie et la vie émane de Dieu...

Le rideau se lève peu à peu. Nous comprenons que Jean introduit Jésus, lumière du monde, source de vie éternelle, envoyé du Père. Pour saisir ce passage, j’invite le lecteur à regarder l’épisode correspondant de la série The Chosen. Il y est admirablement restitué.

Mais tandis que j’étais toujours perplexe sur cette question, j’ai lu le début du livre d’’Ézéchiel. Une main donne au prophète un rouleau à manger (3.3) jusqu’à ce qu’il devienne, lui, le prophète, la parole de Dieu, au-dedans et au-dehors (2.10).

Peut-être y avait-il là une explication au paradoxe de Jean ?

"Fils d’homme, tiens-toi sur tes pieds et je te parlerai. Dès qu’il m’eut adressé ces mots, l’Esprit entra en moi et me fit tenir sur mes pieds ; et j’écoutais celui qui me parlait. » (Ez. 2. 1 et 2) "Il me dit : Fils d’homme, va vers la maison d’Israël et tu leur diras mes paroles." (Ez 3.4)

En même temps que Dieu dit, son Esprit donne vie ("il me fit tenir sur mes pieds") et fait naître en celui qui l’entend une parole. À travers le prophète, par son Esprit, Dieu devient parole.

Elle se niche bien là cette paradoxale simultanéité. Pour être celui qui "est" parmi les hommes, pour se faire entendre et comprendre, "Dieu dit"... C’est si simple que nous avons du mal à l’entendre.

Le livre d’Ézéchiel confirme : si je t’envoyais vers de nombreux peuples ayant un langage obscur [...] eux, ils t’écouteraient "Mais la Maison d’Israël ne voudra pas t’écouter, parce qu’elle ne veut pas m’écouter" (3.6 et 7). La Maison d’Israël ne veut pas écouter la Parole que Dieu donne au prophète, parce qu’elle ne veut pas écouter... Dieu.

Pour faire exister, pour donner vie à l’Homme, pour que celui-ci parle en lui et au monde, Dieu est parole.

Christophe Zimmerlin, pour Présence Protestante 

Pour aller plus loin sur ce sujet aussi complexe que passionnant, rendez-vous sur le site de Présence Protestante où vous pourrez visionner en replay (jusqu'au 11 mars)  un nouveau numéro d'Ecriture.s, l'émission de Marion Muller-Collard qui mêle Bible et littérature. Elle y interroge Sylviane Dupuis, poète, dramaturge et essayiste suisse sur le verbe créateur mentionné au début de l'Évangile de Jean. Puis, ensemble, elles rencontrent l'écrivaine Sylvie Germain. Une émission réalisée par Denis Cerantola. 


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