
Oseriez-vous demander à Jésus : "Augmente ma foi" ? C’est le thème de la prédication de ce dimanche.
5 Augmente notre foi !
La Bible – Évangile de Luc, chapitre 17
Cette demande des apôtres à Jésus me semble irréelle, pour ne pas dire irresponsable. Et en même temps, elle est très proche de moi. Aurais-je osé, comme eux, demander au Maître : "Augmente ma foi" ? Oui… et non.
D’abord, "non" : je n’aurais pas osé poser cette question. Premièrement par jalousie, en quelque sorte. Je suis farouchement jaloux de ma liberté, de mon indépendance. J’ai ma fierté, moi ! Ma foi est mienne. Elle n’appartient qu’à moi. Elle est mon choix, ma décision. Croire, c’est mon pas de foi, pas le tien, Seigneur. Laisse-moi au moins cela, je t’en prie. C’est ma seule dignité. La seule qu’il me restera quand, nu, dans mes derniers instants, je verrais s’entrouvrir les portes de ma mort. Ne dirais-je pas alors : "Je sais en qui j’ai cru" ?
Et puis, je n’aurais pas osé demander davantage de foi, simplement par logique : comment te demander Seigneur d’augmenter ma foi ? Cela n’a pas de sens. Si tu augmentes ma foi, elle devient ton œuvre. Et si elle devient ton œuvre, elle n’est plus de la foi : elle est ton œuvre. Un cheval bon marché ne peut pas être cher. C’est impossible.
Enfin, je n’aurais pas non plus posé cette question car je ne veux pas croire à un tel déterminisme : Si, Seigneur, tu augmentais ma foi, quelle valeur aurait les louanges que je te chante ? Si tu faisais tienne ma volonté, mes choix, mes croyances, qui serais-je alors pour toi ? Un jouet de ta toute-puissance ? Un fétu dans ton univers ? Je ne veux pas croire que ma foi soit ta volonté, Seigneur. N’es-tu pas un Dieu d’amour ? Même à Job, Tu lui as laissé cela, la foi.
Mais, tout de même, sans doute aurais-je osé dire : "Oui, augmente ma foi". Ma foi, parfois, me semble vaine, sans espoir, si faible que je me sens parfois sale, souvent pécheur, retombant toujours dans les mêmes pièges. Je dis d’ailleurs dans mes prières : "Fais que je sois un homme meilleur", "Augmente mon amour pour… " [note de l’auteur : le Comité de Bienveillance et d’Autocensure m’a demandé de ne pas donner de nom].
Et, quand je n’ai pas de réponse à mes sujets de prière, quand l’exaucement ne vient pas, est-ce que je n’entends pas cette petite voix en moi qui me dit : "Tu n’as pas assez prié." "Tu n’avais pas assez la foi." "Tu n’y a pas assez cru." … Et mince ! Elle a raison, la voix. Dans les temps de prière, mon esprit vagabonde. Je prie pour un exaucement, et en même temps, une autre partie de mon cerveau pense : "ce n’est pas grave si". Je pèse toutes les probabilités. Que se passera-t-il si ma prière est exaucée ? Et que se passera-t-il si elle ne l’est pas ? Fifty-fifty. Je gagne à tous les coups.
Et quand je prie pour un sujet très grave, ce n’est plus de la prière, ce sont des pleures : j’implore. "Fais qu’il ne meure pas." "Fais qu’il ne meure pas." "Fais qu’il ne meure pas." Je suis comme cette grand-mère dont m’a parlé une cousine, infirmière en réanimation. Elle voulait que toute sa famille prie pour que la personne intubée ne meure pas. Il fallait à tout prix prier, prier et prier encore. Ne pas désintuber. Et si par malheur, la mourante devait mourir, ce serait parce que toute la famille avait manqué de foi. Oui, Maître, Seigneur, je suis parfois comme cette grand-mère. Parfois aussi, comme elle, quand je prie pour tu répondes à une demande, ce que je redoute surtout au fond de moi, c’est, non pas que tu n’exauces pas ma prière, car je sais que c’est à Toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, ce que je crains, c’est de manquer de foi, c’est ma propre faiblesse. Alors oui, dans ces instants, je te demande Seigneur de chasser cette peur et d’augmenter ma foi.
Mais que répond Jésus aux apôtres :
"Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce sycomore : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait." (Luc 17.6)
Et là, je m’en prends plein le cœur. Tu me dis qu’augmenter ma foi sur l’échelle de Richter ne servira à rien. Tu me dis que je me plante du tout au tout. Ce n’est pas la quantité, quelque soit l’unité de mesure (la prière, l’intensité, le volume sonore, la visibilité, l’intériorisation, le silence, etc.) qui compte. Le grain de sénevé est minuscule, c’est la plus petite des graines. Je n’ai pas besoin d’une foi comme un noyau d’avocat. Un grain de moutarde suffira.
D’accord. Ce n’est pas la taille. Alors quelle est cette foi dont tu parles, Jésus ?
Un peu plus tôt, dans l’évangile de Luc, il est question de cette même graine. Le Royaume des cieux "est semblable à un grain de sénevé qu'un homme a pris et jeté dans son jardin ; il pousse, devient un arbre, et les oiseaux du ciel habitent dans ses branches." (Luc 13.19).
La foi est donc à rapprocher du Royaume des cieux. En avoir, c’est déjà la semer à la ronde, comme cet homme. La voir grandir. C’est voir croître son ramage jusqu’à ce que "les oiseaux du ciel habitent dans ses branches". La foi, est un espace abrité pour les petits, pour les oiseaux. Elle offre hospitalité, ombre et protection.
Et puis la foi, c’est aussi une graine. Un petit grain en qui est la vie, inarrêtable. L’homme la "jète dans son jardin", et elle croît. Un peu de terre, d’eau et d’air, et elle grandit. Parce que la vie est en elle. Dans le jardin, loin des ronces, des mauvaises herbes, des cailloux et des prédateurs, rien ne peut l’empêcher de grandir. Car en elle est la vie.
Dieu l’a voulu ainsi. S’il a créé toutes plantes et végétaux, il a créé aussi le petit grain de sénevé. Ce grain-là est donc aussi dans le plan de Dieu, tout comme le cèdre, l’hysope ou le sycomore. Ni plus important, ni moins. Ce n’est pas la quantité qui compte. C’est le plan de Dieu.
Enfin, bien évidemment, la foi, c’est l’expérience avant l’expérience. "Posséder déjà ce que l’on espère" (Hébreux 11.1) La foi est – comme la croissance du grain de moutarde ou l’arbre qui se jette dans la mer – la démonstration des choses que l’on ne voit pas. Il est fort, ici, ce mot "démonstration".
Le Royaume des cieux, la vie, le plan de Dieu, une expérience, une démonstration… La foi ne se mesure pas, elle n’est pas, ou elle est.
Christophe Zimmerlin, pour Présence Protestante
Un programme préparé par Christelle Diawara, réalisé par Philippe Miramon et produit par France.tv Studio pour France Télévisions.