Surgissant par le couloir gauche, le père Vargas déborde la défense parisienne et d'un tir puissant va loger la balle dans le petit filet des buts du père Sébastien, ouvrant le score pour le diocèse de Seine-Saint-Denis.
Pour leur première "Pater Cup", une centaine de prêtres d'Ile-de-France ont mouillé le maillot lundi lors d'un très fraternel championnat de foot entre diocèses de la région, destiné à sonner la mobilisation de l'Eglise catholique en vue des Jeux olympiques de Paris 2024.
Avant les crampons, la communion. En guise de mise en jambes, la journée débute par une messe matinale à la paroisse de Villepinte (Seine-Saint-Denis), commune qui accueillera les épreuves olympiques de boxe. Certains athlètes du jour ont enfilé leur aube directement sur leur tenue de sport.
"On vous dit 'œil pour œil, dent pour dent', ce qui peut se traduire par 'drible pour drible, tacle pour tacle'. Et moi je vous dis de ne pas riposter aux méchants", prévient avec espièglerie dans son homélie Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris et délégué aux Jeux olympiques.
Au stade Georges Pollet, à la pelouse fleurie de pâquerettes, les tote bags (sacs fourre-tout) du pèlerinage de Lourdes côtoient soutanes et sandales. L'atmosphère est badine : "tu parles à des prêtres diocésains, c'est un troupeau de chats", rigole un participant.
Pendant que les évêques et les moins jeunes partent tirer ou pointer sur le terrain de pétanque avec l'équipe locale - "sans pastis" - les équipes des différents diocèses passent les chasubles fluo. Un coach dirige l'échauffement en s'époumonant dans un micro : "Dynamite ! Dynamite !"
Une nouvelle bénédiction, un chant de grâce à Dieu puis le coup d'envoi est donné.
"Ce championnat nous fait penser aux JO. Notre Eglise est toujours intégrée là où il y a des rassemblements de gens, elle est toujours proche des gens", témoigne en sueur le père Alexis Vargas, un prêtre colombien qui officie en Seine-Saint-Denis depuis cinq ans.
La théologie du foot
Les règles sont légèrement adaptées pour la bonne cause. On ne siffle pas les hors-jeu, "sauf s'il y a vraiment un campeur". Quelques claquages et blessures plus tard, les organisateurs interdisent les tacles et réduisent la durée des matchs de douze à dix minutes.
"On sent que c'est des prêtres, ils gardent leur poste et sont très disciplinés", commente en bordure de terrain le prêtre-arbitre Bruno Sautereau, regard affûté de connaisseur et pendentif de colombe par-dessus son jersey orange.
Destiné à sensibiliser les ecclésiastiques aux liens entre sport et religion, ce tournoi est la première étape d'une campagne de mobilisation de l'Eglise de France pour les JO de Paris 2024. "L'Évangile c'est sport", proclame le slogan officiel de leur opération "Holy Games".
"Notre but est de faire en sorte que nos églises soient ouvertes (pendant les JO), qu'elles soient des lieux accueillants, fraternels, festifs. Après, à chaque curé, à chaque paroisse de voir ce qu'elle veut faire", indique à l'AFP Isabelle de Chatellus, la directrice du programme.
Le clergé ambitionne de mobiliser 2.500 jeunes croyants pendant l'été 2024 pour faire vivre les JO dans les communautés paroissiales et accueillir visiteurs et athlètes.
Un autre axe des "Holy Games" portera sur la prise en charge de personnes précaires, pour leur permettre de goûter également aux festivités olympiques à travers des activités de groupe ou des distributions de repas.
Joueur régulier, le père Edouard George file souvent la métaphore footballistique dans ses prédications devant les jeunes d'Ermont (Val-d'Oise) : "C'est à la fois un jeu, il y a des règles donc il y a une loi. Et puis il y a la joie, la joie de la victoire, la joie de la fraternité. Pour moi c'est presque spirituel".
La Rédaction (avec AFP)