Pour le Premier ministre britannique, il faut pouvoir parler de la foi chrétienne

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« Je suis certaine que nous voudrions tous nous assurer que les gens se sentent libres de parler de leur foi au travail, et bien ressentir qu’ils peuvent parler librement de Noël. » Ces quelques mots prononcés devant la Chambre des communes par le Premier britannique, Theresa May, signent politiquement l’entrée dans l’Avent, alors qu’un rapport de la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme pointe le sentiment d’insécurité des employés qui voudraient parler de Noël à leur travail. Le chef du Gouvernement n’a jamais fait mystère de sa foi chrétienne.

Theresa May répondait à une question du député conservateur, Fiona Bruce, lui demandant si elle la rejoindrait dans le soutien au récent rapport Speakup publié en septembre par l’Evangelical Alliance et la Lawyers’ Christian Fellowship (l’Alliance évangélique et l’Association des juristes chrétiens) qui déplore que les chrétiens craignent de parler de leur foi à leurs collègues juifs ou musulmans. Ce rapport indique que, selon le site Internet Talking Jesus’ research, un non-chrétien sur cinq se dit ouvert à rencontrer le Christ après une discussion avec un chrétien, mais que, en raison du Public Order Act de 1986, les chrétiens ont peur de tomber sous le coup de la loi en semblant harceler ceux qui ne partagent pas leur foi, ou encore attiser la haine sur le thème de l’orientation sexuelle. Récemment, le premier jour de l’Avent, les deux premiers journaux du pays, le Sunday Times et le Daily Mail, ont donné la parole au président de l’Equality and Human Rights Commission (Commission pour l’égalité et les droits de l’homme, EHRC), dont un rapport commandé par le Premier ministre, fait état de la peur des employeurs chrétiens de manifester des allusions à Noël.

Le Sunday Times du 27 novembre cite David Isaac, le président de l’EHRC qui déplore que les employeurs aient peur de l’expression des croyances : « La liberté religieuse est un droit humain fondamental et il ne devrait pas être supprimé par peur d’offenser. Nombreux sont les employeurs qui sont désormais dans la crainte de faire quelque chose de discriminatoire selon leurs collaborateurs musulmans ou juifs. » Isaac dénonce une déchristianisation de la période de Noël appelée par beaucoup « Vacances d’hiver » dans une tentative d’être culturellement sensible aux autres croyances. Le haut-fonctionnaire en charge de l’Intégration, Dame Louise Casey, critique elle également cette tendance, et dénonce « un incroyable directeur blanc bienpensant » d’un centre communautaire qui parle de « l’arbre festif » au sujet du sapin de la Nativité pour ne pas offenser ses collaborateurs musulmans.

David Isaac affirme que même si les juifs et les musulmans ont leurs propres croyances, il en connaît qui sont ouverts à l’expression de Noël. Le rapport de l’EHRC va dans ce sens, qui mentionne les ministères et les mairies qui utilisent des messages tels que « Salutations de saison » au lieu de « Joyeux Noël », ce qui amène le député Fiona Bruce à dire avec emphase : « La situation est mauvaise, les chrétiens ayant peur de mentionner leur religion. C’est pourquoi nous devrions être reconnaissants aux héroïques combattants pour la liberté, tels que les gens qui composent des cantiques. Chaque semaine, comme les Résistants français, ils risquent leur vie pour élever les esprits de ceux qui sont trop terrifiés à l’idée de prononcer le mot Noël en public. »

Theresa May ou la foi chrétienne revendiquée au 10 Downing Street

C’est ce discours qu’approuve le Premier ministre Theresa May, qui a répondu au député Bruce : « Je pense que l’expression qui a été utilisée par l’Association des juristes chrétiens était les principes jalousement gardés du droit de parler librement, respectueusement et de manière responsable de sa religion. Je suis heureuse d’accueillir la publication de ce rapport et ce qui en résulte. Bien sûr, nous sommes maintenant dans la saison de l’Avent et nous avons une très forte tradition de tolérance religieuse, et la liberté de parler de notre héritage chrétien est quelque chose dont nous pouvons être fiers. Je suis certaine que nous voudrions tous nous assurer que les gens se sentent libres de parler de leur foi au travail, et bien ressentir qu’ils peuvent parler librement de Noël. »

Theresa May, fille de prêtre anglican, n’hésite pas à afficher sa foi chrétienne, elle va jusqu’à dire ce que cela l’aide dans sa vie politique. Dans un entretien accordé au Sunday Times, également celui du 27 novembre, le Premier ministre a expliqué l’importance de ses convictions religieuses au moment de prendre des décisions : « Il ne s’agit pas tant de savoir comment vous vous conduisez, mais de savoir si vous faites la chose juste. Si vous savez que ce que vous faites est juste, alors vous avez la confiance, l’énergie de poursuivre et délivrer ce message juste. » Le Premier ministre a ajouté : « Je suppose que c’est quelque chose qui se joue au niveau de la foi. Je suis membre pratiquant de l’Église d’Angleterre, etc., et cela se retrouve dans ce que je fais. Certes, ce n’est pas comme si je décidais obstinément de faire ce que j’ai décidé. J’y réfléchis bien, j’ai un instinct viscéral, je regarde les preuves, les arguments, car il faut bien réfléchir aux conséquences fortuites ; mais de façon ultime, une fois tout cela accompli, si vous croyez que ce que vous voulez faire est juste, alors vous devriez le faire, même si c’est difficile. » Une allusion à la possibilité affirmée par elle d’utiliser l’arme nucléaire durant son mandat, si ce recours s’avérait nécessaire ?

La foi des Premiers ministres britanniques n’est pas un sujet secret ou tabou. Le 16 avril 2014, David Cameron, remplacé par Mme May après le vote populaire en faveur du Brexit, avait même exhorté ses compatriotes chrétiens à exprimer leurs convictions religieuses : « Les chrétiens britanniques devraient se comporter en évangéliques (ndlr : au sens non pas dénominationnel, mais de fidèles des Évangiles) sans hésitation », et assuré qu’il avait expérimenté la guérison divine dans sa propre vie, avant de dénoncer la politique croissante de neutralité religieuse dans le pays. Selon Cameron, le christianisme peut transformer physiquement, spirituellement et moralement le Royaume-Uni et le monde. Une intervention qui arrivait quatre jours avant le Dimanche de Pâques, comme celle de Theresa May est survenu le premier jour de l’Avent. Cependant, sans préjuger de la foi de l’un ou de l’autre, dans le dernier cas, l’actuel Premier ministre se contente de répondre à des questions sur la place du christianisme, de sorte que son propos risque moins d’être taxé d’opportunisme.

Les convictions religieuses dans le débat public : des élus sans personnalité ?

Alors que le débat électoral lors d’une primaire en France a porté sur la foi des candidats au sein de l’UMP et du centre-droit, où le candidat à l’investiture des Républicains, Alain Juppé, a accusé son rival plus conservateur, François Fillon, d’avoir une approche rétrograde sur le plan religieux, ce dont s’est défendu ce dernier qui estime que sa foi reste cantonnée au domaine personnel, le Premier ministre britannique affiche politiquement la sienne. Faut-il y avoir une atteinte à la neutralité des institutions publiques ? La scène politique française est traversée d’injonctions relatives à la laïcité qui excluent même la parole chrétienne du débat, dévoyant ainsi le sens premier de la loi de séparation de l’Église et de l’État, qui ne condamne ni légalement ni moralement l’expression de la conviction religieuse par des élus.

Ainsi, alors que l’Église est la bienvenue lorsqu’elle s’occupe du social que ne parvient pas à prendre en charge la collectivité publique, elle est critiquée lorsqu’elle intervient dans les débats sociétaux. A l’occasion du débat sur la légalisation du mariage homosexuel, le rapporteur du projet de loi en la matière, Erwann Binet, qui se déclare catholique, avait affirmé : « Je souhaite que les chrétiens, comme tous les Français, ne cherchent pas à imposer leur vision de la famille à la société. » Dans la Belgique voisine, où la laïcité est comprise à peu près comme en France, le Professeur en médecine à l’hôpital universitaire de Gand, Peter Hoebeke, s’était dit, au sujet de l’euthanasie, « étonné qu’un grand pays laïque comme la France ne parvienne pas à statuer sur ce qui est aussi une thérapie », alors qu’il y avait déjà une législation en la matière. De fait, son propos signifiait que si la législation coïncide peu ou prou avec des croyances religieuses, il n’y a pas de loi réelle ou légitime.

Le propos de Theresay May relève d’une autre approche qui veut que les élus soient portés par le vote non seulement sur leur programme, mais sur leur personnalité. Les athées militants sont tout autant forgés par une histoire, un terreau, un terroir, une langue, une religion ou une absence de religion, que les chrétiens ; ce ne sont pas des êtres abstraits apparus ex nihilo. La vision du monde d’un athée peut avoir une influence sur sa politique, et dès lors la vision du monde d’un chrétien, ou de tout autre croyant, n’est pas moins légitime. Le Premier ministre britannique n’est pas qu’un dirigeant, c’est avant tout une personne, et c’est aussi à ce titre que Theresa May a été élue député, que son parti l’a choisie pour succéder à David Cameron.

L’intervention du chef du Gouvernement britannique a été moquée par le journal The Independent qui titre dans son édition du 1er décembre : « Remerciez Dieu : Theresa May se tient enfin debout pour Noël – à cause du politiquement correct, je n’avais rien entendu de tel cette année ». Le quotidien dénonce ironiquement de prétendues arrestations de chrétiens. Pourtant, sans aller dans cette caricature, un certain politiquement correct a par exemple conduit la BBC a ne plus mentionner la naissance du Chist comme repère calendaire. Theresa May entendait simplement, à la suite du rapport de l’EHRC, redire l’importance pour le Royaume-Uni de ne pas renier ce qui a fait son histoire, comme le droit de chacun d’exprimer sa foi chrétienne sans avoir à craindre d’offenser. La limite étant de ne pas l’imposer ou sembler l’imposer au risque de paraître discriminer.

Hans-Søren Dag


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