Podcast « Les Fils d’Issacar » : Loi Travail : Diminuer le devoir des maîtres, fragiliser les moissonneurs

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Bonjour à tous, nous sommes le samedi 23 septembre 2017, je suis Etienne OMNES et vous écoutez les fils d’Issacar, une analyse hebdomadaire des évènements et nouvelles sous un point de vue chrétien.

L’actualité que je vais commenter cette semaine n’a curieusement pas fait la une de l’actualité cette semaine, et j’en suis le premier surpris. Il s’agit pourtant d’un évènement qui va modifier durablement et profondément une partie importante de nos vies, et dont les conséquences vont se ressentir lourdement dans nos familles, dans nos vies et dans nos églises. Je veux parler de la loi travail, dont les ordonnances ont été présentées mercredi au conseil des ministres, et contre laquelle se mobilisent plusieurs syndicats.

Je ne vous cache pas avoir eu peur en écrivant ce podcast de verser dans une théologie de la libération, ou autre forme de marxisme christianisé à la hâte. Mais en creusant davantage, il m’a semblé qu’il y avait des raisons proprement bibliques à partir desquelles nous pouvons juger cette loi qui vient.

Loi Travail : Diminuer le devoir des maîtres, fragiliser les moissonneurs.

La grande difficulté, quand on explore la vision du monde biblique d’une telle loi, c’est que la Bible est franchement silencieuse sur la macro-économie. Devons-nous dire, à l’instar de beaucoup de nos frères évangéliques américains que Jésus a prêché le capitalisme ? Ou bien au contraire, dire que Jésus a vécu et donc enseigné le communisme comme le disent les libéraux ? Le libre échange des Toyota Yaris n’est pas vraiment quelque chose que nous pouvons trouver entre deux chapitres de la lettre aux Romains. Cependant, il y a malgré tout des éléments bibliques qui serviront de base à notre réflexion. Mais avant cela, rappelons les faits :

La réforme du code du travail est une grande loi que le gouvernement d’Edouard Philippe se prépare à faire voter dans le courant de ces prochaines semaines. Dans l’esprit, il s’agit de changer complètement de changer de philosophie économique : au lieu d’avoir une économie régulée par des lois et des conventions nationales, encourager au contraire chaque entreprise à avoir ses propres règles pour mieux s’adapter à l’économie mondiale. Dans la pratique, ce sont des mesures qui facilitent le processus de licenciement, et allègent la présence des syndicats en échange de davantage de protection face au chômage et plus de facilité à se former.

Le premier volet est plutôt bien connu et défini, le deuxième beaucoup moins. L’idée finale est de pouvoir être facilement débauché, mais aussi facilement embauché et entre les deux courir après un emploi. Beaucoup d’articles présentent précisément les dispositions de cette loi, aussi je ne vais pas passer plus de temps dessus et je vais passer au commentaire de celle-ci.

La Bible ne se préoccupe pas des mouvements commerciaux mondiaux, ni de philosophie économique avancée. Le centrage de la Bible se fait autour de problématiques individuelles, et c’est toujours au cœur de l’homme que Dieu s’adresse. Il y a cependant plusieurs passages qui parlent du lien travailleur-patron. Pour faire simple : Travailleurs : faites bien votre travail. Patron : traitez avec justice vos travailleurs. L’exemple le plus clair se trouve dans la lettre aux Colossiens

« Serviteurs, obéissez en toutes choses à vos maîtres selon la chair, non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais avec simplicité de coeur, dans la crainte du Seigneur. Tout ce que vous faites, faites-le de bon coeur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes. […] Maîtres, accordez à vos serviteurs ce qui est juste et équitable, sachant que vous aussi vous avez un maître dans le ciel. »

Si certains parmi vous peuvent être heurtés à l’idée de se soumettre à leur patron, je rappelle que la soumission au sens biblique ne s’étend pas jusqu’à commettre le mal par obéissance envers le patron. La Bible nous ordonne de nous soumettre aux autorités, et dans le cadre de l’entreprise, il n’y a rien de scandaleux à faire simplement le travail pour lequel nous sommes payés. C’est lorsque les autorités rentrent en contradiction avec Dieu que leur autorité s’affaisse, et qu’il « vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ». Donc au final, le devoir des ouvriers est simplement de bien faire leur travail.

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Ce qui est intéressant, et ce qui est peu enseigné, c’est le devoir des patrons quant aux ouvriers. Paul dis d’accorder ce qui est juste et équitable, mais la chose vraiment intéressante c’est la justification qui est donnée : le patron doit accorder ce qui est juste à l’ouvrier… parce qu’il est lui-même l’ouvrier (le contexte original dit même l’esclave)… de Dieu. J’en arrive donc à la conclusion suivante : dans la Parole de Dieu, il y a une égalité radicale entre patron et ouvrier. Et juste pour enfoncer le clou, je le répète :  dans la Parole de Dieu, il y a une égalité radicale entre patron et ouvrier. Le patron n’est pas une catégorie supérieure, qui vit selon d’autres règles. Il n’est pas libre non plus d’agir n’importe comment avec ses travailleurs, sans quoi il tombera sous la critique du jugement de l’apôtre Jacques :

« A vous maintenant, riches ! Pleurez et gémissez, à cause des malheurs qui viendront sur vous. Vos richesses sont pourries, et vos vêtements sont rongés par les teignes. Votre or et votre argent sont rouillés; et leur rouille s’élèvera en témoignage contre vous, et dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé des trésors dans les derniers jours ! Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur des armées. Vous avez vécu sur la terre dans les voluptés et dans les délices, vous avez rassasié vos coeurs au jour du carnage. Vous avez condamné, vous avez tué le juste, qui ne vous a pas résisté. »

De la même façon que nous devons prendre soin de notre prochain, parce que nous avons le commandement d’aimer notre prochain… nous devons prendre soin de notre patron en travaillant bien pour lui comme pour le Seigneur. Et lui, de son côté, doit nous traiter équitablement comme le Seigneur le ferait. Sa légitimité tient ou tombe à cet alignement.

Que penser maintenant de la loi travail ? Je suis obligé de décrire certain de ses aspects. Il est par exemple prévu de plafonner les indemnités de licenciement, si bien que n’importe quelle entreprise qui souhaiterait licencier peut prévoir une réserve d’argent pour payer les primes –si jamais les salariés contestent- et plus sereinement pouvoir purger ses effectifs. Il est aussi prévu que les modalités de ces départs se fassent en dehors de la justice ou des syndicats : en effet, si jamais vous contestez cette décision devant les prud’hommes, SI jamais vous gagnez votre procès, vous toucherez maximum 20 mois de salaires pour 20 ans d’ancienneté. Imposables. Si vous vous entendez avec votre patron en revanche, vous aurez peut-être moins (c’est pas vraiment comme si vous étiez en position de négocier), mais il serait non imposable, et voici comment on décourage les moissonneurs d’avoir recours à la justice.

Les représentations syndicales dans l’entreprise, qui sont actuellement réparties en 3 comités (Hygiène et Sécurité, Comité d’ Entreprise et un autre) sont fusionnées en une seule, dont les missions, les capacités et surtout le pouvoir et la composition seront laissées plus ou moins à la discrétion du chef d’entreprise. C’est retirer aux moissonneurs leurs défenseurs. Par souci de faire preuve de bonne volonté, le gouvernement a généreusement proposé que ces nouveaux défenseurs syndicaux soient formés par un « master en dialogue social » afin de pouvoir plus efficacement défendre les ouvriers tout en appartenant au niveau d’études du patron.

Bref, quel que soit le côté où l’on regarde, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas tant de réformer la société française vers le meilleur, que de diminuer le devoir des maîtres à l’égard de leurs moissonneurs. On tâche de nous faire passer cela comme de l’équitable, mais les formules bizarres et technocratiques qui accompagnent abondamment ce projet montre bien qu’il y a une réalité moins sympathique derrière. Quel que soit le nom sophistiqué que l’on peut donner à ces idées, il s’agit rien de moins que diminuer les capacités de résistances des moissonneurs afin de pouvoir amasser davantage de trésors au dernier jour, trésors qui ne sont pas reversés à ceux qui travaillent, mais à ceux qui financent, ce qui leur fera mériter cette apostrophe :

« vous vous êtes engraissés comme des animaux pour le jour du sacrifice. »

J’ai d’autant plus de raisons d’être critique, que le principal argument avancé en faveur de ce projet de loi est l’idée que c’est inévitable. Il est inévitable de s’adapter à l’économie liquide du monde, alors autant s’y jeter nous-même. Il est inévitable que les transformations économiques nous poussent à cela, sinon nous nous retrouverons sans rien. Il est inévitable que nous fassions passer cette loi, car nous avons les forces de l’histoire qui sont de notre côté. Ce n’est pas un argument : c’est une bonne grosse intimidation de dimension nationale. La fatalité n’existe pas dans la Bible, au contraire : il n’y a pas une seule réalité immuable que Dieu n’ait pas touchée ou critiquée et au final fait disparaître de nos pays. Vous souvenez vous qu’il était inévitable qu’il y ait des esclaves aux Antilles, que c’était peut être triste, mais tellement nécessaire à la prospérité de notre pays ?

Ce qui est en jeu dépasse largement la législation du travail. Ce sont nos familles, nos couples et nos enfants qui sont concernés. Quand on sait les ravages que provoquent le chômage sur nos conjoints, nos enfants ou nous même, quand nous sommes déjà en train de perdre nos vies en espérant pouvoir les gagner, quand l’équilibre de nos familles entre vie professionnelle et vie familiale est déjà rompu en faveur de l’entreprise… il devient difficile d’être chrétien et en même temps être indifférent à cette transformation du travail qui vient. Que Dieu nous assiste tous, et qu’il revienne vite ! En attendant, prions pour que nos dirigeants renoncent à ce projet.

Merci d’avoir écouté les fils d’Issacar. Vous pouvez nous suivre sur Facebook en aimant la page « les Fils d’Issacar ». Si vous avez apprécié l’épisode, n’hésitez pas à le partager.

Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine. D’ici là, je vous souhaite une excellente semaine.

Etienne OMNES

Phileosophiablog.wordpress.com


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