« De quelle société humaine voulons-nous demain ? [...] Ne jouons pas aux apprentis-sorciers. [...] N’ouvrons pas la boîte de Pandore de l’harmonisation, de la standardisation. »
Dans le cadre du projet de loi de bioéthique, plusieurs députés envisageaient d’étendre le diagnostic pré-implantatoire (DPI) afin de détecter les anomalies génétiques. Jusqu’à présent, le DPI est proposé, dans le cadre de la procréation médicalement, assistée « aux couples qui risquent de transmettre à leur enfant une maladie génétique d’une particulière gravité« .
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Lors des débats à l’Assemblée Nationale, le généticien et député Philippe Berta a soutenu un amendement afin de « soumettre la réalisation d’un DPI-A au consentement des deux parents, tout comme les autres DPI ; de laisser la liberté aux parents d’implanter ou non un embryon aneuploïde ; de limiter le DPI-A aux seuls chromosomes non sexuels, encore dénommés autosomes ». Le DPI-A est le diagnostic préimplantatoire aneuploïdies, afin de trier les embryons qui ne possèderaient pas le nombre normal de chromosomes. La trisomie est donc au centre des débats.
Pour étayer son argumentaire, Philippe Berta évoque « un enchaînement infernal ».
« Nous avons donc l’occasion de diminuer le nombre d’IVG, les dépenses de santé, et tout simplement de donner une vraie chance de simplification pour un parcours de vie si complexe, pour des grossesses déjà considérées à risque, pour ces quelque 300 couples par an. Sans cela, ces familles seraient soumises à un enchaînement infernal : fécondation in vitro avec DPI, DPNI, dépistage de la trisomie, échographie en cas de risque avéré, amniocentèse et, pour finir, interruption médicale de grossesse. À quel couple peut-on souhaiter un tel parcours ? »
Il va jusqu’à associer « handicap » de l’enfant et « divorce » des parents.
« N’oublions pas que le handicap est l’une des premières causes de divorce. »
« Vision scandaleuse » du handicap, s’indigne Daniel Fasquelle, juriste et député. La ministre de la Santé Agnès Buzyn, clairement opposée à cet amendement, dénonçait ensuite une « dérive eugéniste claire ».
« Comment faire en sorte que cette technique ne soit pas proposée à tous les couples en démarche de fécondation in vitro ? On passerait dans ce cas d’une moyenne de 250 couples par an qui font un DPI à 150 000 PMA. Or si l’on autorisait cette technique dans le cadre d’une recherche de maladies génétiques au motif que cela permettrait d’éviter des fausses couches, l’étape suivante – et c’est déjà la demande des professionnels du secteur – serait de faire une recherche d’aneuploïdie pour toutes les fécondations in vitro, indépendamment de l’existence d’une maladie génétique antérieure dans le couple concerné, et cela pour éviter les fausses couches à répétition. Or la recherche d’aneuploïdie donne forcément des informations sur les trisomies. Cela reviendrait donc à disposer d’une information relative aux trisomies pour tous les couples engagés dans une telle démarche ; on serait obligé de leur donner l’information et de leur dire d’éviter l’implantation d’un embryon porteur d’une trisomie. C’est ce glissement qui me pose problème. »
Pour Agnès Buzyn, ce « glissement » aboutit au « mythe de l’enfant sain ».
« On trierait l’embryon sur le seul critère de la maladie génétique dont est atteint le premier enfant malade et sur celui de la trisomie. L’étape suivante, le glissement naturel, c’est d’aller rechercher d’autres maladies génétiques fréquentes. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Si l’objectif est d’éviter que ces couples n’aient un deuxième enfant malade, pourquoi se contenter de diagnostiquer la trisomie 13, 18 ou 21, et pas toute maladie génétique ? »
Dans l’hémicycle, le député Vincent Thiebaut a raconté avec émotion son expérience sur le handicap. Il est le père de jumeaux sourds profonds, nés par FIV.
« Mes enfants sont absolument extraordinaires et à travers leur handicap j’ai appris des choses extraordinaires. Ils m’ont ouvert les yeux sur des choses que je n’aurais pas pu imaginer. Parce que justement ils sont différents. [...] Je pensais à ce généticien qui était absolument fabuleux, qui était Albert Jacquard, qui faisait l’éloge de la différence. et je pense qu’effectivement ces maladies génétiques sont des titres individuels très lourds à porter. Mais c’est aussi, je pense, une véritable chance pour la société. [...] Attention à ce que nous faisons, où nous allons. Parce que là se pose la question, réellement, philosophique, de quelle société humaine nous voulons demain. [...] Ne jouons pas aux apprentis sorciers. La souffrance, la douleur qu’on peut avoir, la culpabilité fait partie de notre humanité. Et ce qui a sans doute certainement aussi transcender notre humanité et ce qui fait ce que nous sommes aujourd’hui. N’ouvrons pas la boîte de Pandore de l’harmonisation, de la standardisation. »
Ému, le député @VincentThiebaut raconte son histoire de papa de deux jumeaux, sourd profond. Il n'a pas eu recours à un diagnostic pré-implantatoire avant la fécondation in vitro. "Ne jouons pas aux apprentis sorciers", met-il en garde sur le dépistage de la trisomie.#DirectAN pic.twitter.com/o3DieCTnUC
— LCP (@LCP) October 4, 2019
Le 4 octobre, le vote des députés a rejeté l’amendement, 52 voix contre 32. Combien de temps encore ces barrières nous préserveront du « mythe de l’enfant sain » ?
M.C.
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