PMA pour toutes : Blanche Streb répond aux questions d’Info Chrétienne

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« Il y a de telles injustices dans ce projet de loi, de telles conséquences humaines et scientifiques, que je ne peux pas me taire. C’est viscéral. »

Blanche Streb est docteur en pharmacie. Après avoir travaillé en recherche et développement dans l’industrie pharmaceutique, elle est désormais directrice de la formation et de la recherche pour Alliance Vita. Auteure d’un essai sur les enjeux bioéthiques autour de l’embryon et de la procréation humaine, elle est une figure de l’opposition à la PMA pour toutes.

La révision des lois de bioéthique est lancée à l’Assemblée Nationale. Au centre des débats, l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules pose de nombreuses questions. Blanche Streb a répondu à celles d’Info Chrétienne.

Pour ceux de nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Je suis pharmacien, j’ai travaillé 12 ans dans l’industrie avant de prendre un virage pour me lancer dans la bioéthique.

Depuis 4 ans je travaille pour Alliance VITA comme directrice de la formation et de la recherche, je suis aussi porte-parole de l’association. J’ai publié un essai qui aborde l’ensemble des enjeux bioéthiques autour de l’embryon et de la procréation humaine : Bébés sur mesure – Le monde des meilleurs (Artège, prix Ethique et Société 2018)

Quelles sont les 3 valeurs qui comptent le plus pour vous et que vous aimeriez voir s’étendre dans la société française ?

Vérité – Justice - Fraternité

Quel a été le déclic de votre engagement sur les questions de bioéthique en général, et plus particulièrement concernant la PMA pour toutes ?

Des drames personnels m’ont plongée dans des questionnements bioéthiques profonds, qui m’ont ensuite passionné. La providence m’a alors conduite à en faire mon métier. J’en suis personnellement et professionnellement très heureuse. Je livre mon histoire personnelle dans un livre témoignage qui sort le 23 octobre, aux Editions Emmanuel…

Prendre publiquement position contre le PMA sans père est un engagement fort, vous ne craignez pas d’être cataloguée de rétrograde et de conservatrice ?

Il y a de telles injustices dans ce projet de loi, de telles conséquences humaines et scientifiques, que je ne peux pas me taire. C’est viscéral.

Y-a-t-il qui que ce soit qui soit « contre » le progrès ? En réalité, le problème n’est pas là, le problème est dans la définition que nous mettons derrière ce mot progrès, ces sept lettres qui, pour certains, seraient comme un mot magique, transformant, rien qu’en le nommant ainsi, ce dont il est question en progrès. Par exemple, des actes de naissances mensongers, affirmant qu’un enfant est né de deux mères, n’est-ce est pas totalement obscurantiste, tellement éloigné de la réalité de la condition humaine ?

Pour progresser, l’homme doit avant tout se demander ce qu’il est bon, essentiel, voire vital, de conserver. Un conservateur, adapté et bien dosé, est souvent l’indispensable ingrédient qui évite à tant de nos produits - consommables, de santé, de soin, y compris les produits naturels - de se détériorer ! Tel le sucre des sirops ou le sel des aliments… »Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde... ». Point trop n’en faut, mais si le sel offre de la saveur, c’est aussi… un bon conservateur !

Dites non à la PMA pour toutes en signant la pétition « Non à la PMA sans père ».
Découvrir, signer et partager la pétition en cliquant ici.

Info Chrétienne est très suivi par la communauté chrétienne en France, que répondriez-vous à un lecteur souhaitant savoir si la PMA pour toutes est compatible avec la foi chrétienne ?

Je lui conseillerai de lire la Déclaration signée par tous les évêques de France : La dignité de la procréation (coédition, Cerf, Bayard, Mame), un texte accessible, très complet qui rappelle la valeur de la procréation : acte profondément et spécifiquement humain dont la manipulation entamerait gravement la valeur de fraternité qui fonde le pacte social en notre société. Ce texte rappelle aussi que la dignité humaine inclut la procréation et la maternité.

La PMA pour toutes est finalement en train d’instituer dans la société française un “droit à l’enfant”, d’un point de vue juridique peut-on vraiment parler d’un droit à l’enfant ?

D’un point de vue spécifiquement juridique, non, pas vraiment, ce n’est pas écrit avec ces mots dans le projet de loi. Ce n’est pas « dans la lettre » mais « dans l’esprit » de cette loi.

Soyons clair : on est en train d’instaurer un droit à l’enfant, dans la culture ambiante et dans les faits, je dirais même plus un droit « opposable » à l’enfant. A partir du moment où on ouvre la procréation assistée à tous, sans avoir besoin d’être un couple homme-femme, vivants, en âge de procréer et souffrant d’infertilité médicale constatée, comme le demande la loi actuelle, c’est la porte ouverte au droit à l’enfant. Si c’est le désir qui fonde la loi, il n’y a plus de limites, car il n’y a pas de limites au désir. On commence par les femmes en couple ou seules, puis le reste suivra, c’est logique, quasi mathématique, il suffit de regarder les amendements déposés en commission : certains députés veulent aussi la PMA Post-mortem (après la mort du père, si son sperme est congelé), mais aussi la PMA pour les femmes devenues hommes à l’état civil (transgenres), etc…

La GPA est souvent associée à la marchandisation liée à l’exploitation du corps de la femme, est-ce le cas avec la PMA ?

Bien sûr. Le risque de casser le principe fondamental de non marchandisation du corps est réel. Il n’y a pas assez de donneur de sperme. Ce qui illustre que ce n’est pas « rien » pour un homme, c’est donner sa paternité, c’est vivre avec l’idée qu’on a un ou plusieurs (jusqu’à 10) enfants qui peut-être vivent quelque part dans notre pays… Certains députés envisagent donc de rémunérer les donneurs. Dans les pays où la PMA est dérégulée, on achète du sperme à l’étranger ! C’est comme ça que Cryos au Danemark est devenue la plus grande banque mondiale de Sperme. On y choisit son donneur sur catalogue…. L’Académie Nationale de Médecine (ANM) qui vient de rendre un rapport exprime « sa crainte de voir s’établir un marché déjà en voie d’organisation dans certains pays voisins. L’éventuelle marchandisation des produits du corps humain est donc un réel danger qui menace le principe essentiel de l’éthique française, à savoir la gratuité du don et la non-marchandisation du corps humain ».

Par ailleurs, le projet de loi amendé en commission prévoit d’ouvrir la conservation des ovocytes dans des établissements privés lucratifs, pendant que le Gouvernement prévoit le prélèvement à la source de nos précieuses cellules porteuses de vie. Ce grand leurre, ce mensonge fait aux femmes pour faire du profit sur leurs ventres illustre les dérives techniciennes et mercantiles. Cela créera d’immenses désillusions et entretient l’idée qu’on pourrait avoir une garantie maternité tout en repoussant l’âge de la grossesse et en passant obligatoirement par une Fécondation in vitro, à l’efficacité réduite. Dans ce processus, 3 femmes sur 4 resteront le berceau vide après avoir hypothéqué leur maternité. L’autoconservation des ovocytes une mauvaise réponse à de bonnes questions.

Au cours du parcours de PMA, le diagnostic préimplantatoire permet de faire un tri génétique au niveau des embryons. Ce diagnostic peut-il être considéré comme une pratique eugéniste ?

Le fait de trier les embryons pour choisir « le meilleur » est une forme de sélection et donc d’eugénisme, oui, je crois qu’il faut oser prononcer ce mot. L’embryon en éprouvette suscite peu l’émotion ou le désir de protection. C’est pour cela que ce tri est préoccupant car il nous entraîne vers un risque d’eugénisme à grande échelle.

L’embryon passe d’un statut à l’autre même, de projet parental à matériau de recherche, alors que rien en lui ne change. Instrumentalisé, rejeté, ou au contraire objet de convoitises et de batailles judiciaires, l’embryon ne serait-il donc que ce que autrui veut qu’il soit ? Nous sommes dans une toute-puissance que l’homme exerce sur le plus petit d’entre les siens. Ça va très loin, dans certains pays, on choisit et on élimine les embryons pour diverses raisons : depuis la maladie grave, à la simple prédisposition, ou même en fonction de son sexe ou de la future couleur de ses yeux…. La France a encore des garde-fous, protégeons-les !

Des députés ont montré qu’ils veulent aller toujours plus loin dans ce domaine, Madame Buzyn, ministre de la santé, se fait écho des alertes que nous portons depuis longtemps. Je la cite en Commission : « C’est une dérive eugénique claire », cela aboutirait à « une société qui triera les embryons ». Pour généraliser le DPI, il faudrait déterminer « quelles sont les maladies qu’on ne souhaite plus voir vivre », a-t-elle souligné. « Qui décide? Les médecins, des chercheurs, les familles ? » « Si on autorise cela [...], tous les couples qui font des enfants par voie naturelle se diront ‘moi aussi j’ai droit à un enfant sain’ et s’engageront dans une démarche de PMA de façon à disposer de tests génétiques à la recherche d’anomalies ».

De nombreux médecins se lèvent contre la PMA pour toutes au nom du rôle de la médecine. En quoi peut-on dire que la PMA ne s’accorde pas au serment d’Hippocrate ?

Bien sûr que cela va contre le serment d’Hippocrate. Le vrai comme le nouveau, remanié et appauvri il y a quelques années. La médecine est faite pour soigner les malades, et là on ne soigne pas, on va satisfaire des désirs.

« Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité ». Chaque enfant nait d’un homme et d’une femme, n’est-ce pas la plus universelle loi de l’humanité ?! Pour l’académie nationale de médecine, « la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n ‘est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant. (…) Les médecins ne comprennent pas qu’on puisse considérer de la même façon les indications médicales et les demandes sociales ».

D’ailleurs, 2000 praticiens ont signé le « manifeste des médecins » pour rappeler le rôle de la Médecine et contester l’ouverture de la PMA en la faisant sortir du critère médical de l’infertilité.

À la filiation dite « charnelle » et la filiation adoptive va s’ajouter une filiation fondée sur une déclaration anticipée de volonté. Qu’est-ce que cette possibilité va changer ?

Proposée par le gouvernement, cette option a été changée en Commission ! Sur un sujet si fondamental, leur amateurisme en a choqué plus d’un. Finalement, il s’agira en fait d’une « reconnaissance anticipée de volonté » signée devant notaire avec le consentement à la PMA.

Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a précisé l’énoncé de la transcription de la filiation sur les actes de naissance. La mention « mère » et « mère » inscrite sur l’acte de naissance des enfants est-elle anodine ?

Ce n’est absolument pas anodin. C’est un bouleversement colossal ! À la naissance, la reconnaissance anticipée de volonté sera donnée à l’officier d’État civil qui établira un acte de naissance (légal mais mensonger…) établissant les deux femmes comme étant les deux mères, à pied d’égalité. On vient donc nier la spécificité de la femme, la maternité et la grossesse, celle qui aura mis l’enfant au monde ne sera pas considérée plus « mère » que l’autre. C’est ahurissant. C’est une grande défaite pour les femmes ! Cela consacre la notion de « parent d’intention », grand enjeu de la transcription des actes de naissance des enfants nés par Gestation par autrui. C’est en plus un pied dans la porte pour faciliter de plus en plus la GPA sur notre territoire.

La problématique du père absent au moment où l’enfant grandit et construit son identité fait débat. La proposition du CCNE de lever l’anonymat du donneur suffirait-elle pour répondre à ce dilemme ?

Bien sûr que non. Cela apaisera juste la douloureuse quête des origines (qui ne commence pas à 18 ans d’ailleurs). Ceux qui sont nés de PMA avec donneur nous disent leur souffrance de ne rien connaitre de leur père biologique (qu’ils nomment souvent géniteur) et d’être amputés de la moitié de leur généalogie.

Je citerai à nouveau l’Académie de médecine : « On sait, désormais, que le maintien de l‘anonymat a suscité chez un certain nombre d’adolescents ou jeunes adultes connaissant leur mode de conception, le besoin de rechercher leur géniteur et leurs origines biologiques. Cette quête pouvait même devenir obsessionnelle et nuire à leur épanouissement comme à leur équilibre psychologique, ce qu’on ne peut ignorer ».

Mais un père, c’est plus qu’une identité et des données médicales disponibles à la majorité. D’autant plus lourd ici que dans les situations de femme seule ou de femmes en couple de même sexe, l’enfant n’aura aucun père.

La figure du père reste fondatrice pour la personnalité de l’enfant comme le rappellent des pédopsychiatres, pédiatres et psychologues qui demeurent dans leur majorité pour le moins réservés sur cette innovation radicale.

Pour 93% des Français, les pères ont un rôle essentiel pour les enfants (Ifop, juin 2018).

La PMA pour femmes seules ou en couple de femme est contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, ratifiée par la France. Celle-ci mentionne le droit de l’enfant à connaître ses parents en insistant sur le « bien de l’enfant » comme sur son « intérêt supérieur ».

Ce projet de loi qui vise à discriminer certains enfants qui n’auront délibérément pas de père est profondément injuste.

Et de nombreux articles de ce texte contiennent des enjeux vertigineux pour le respect de la dignité humaine et de l’espèce humaine que nous avons détaillé dans un décodeur disponible sur notre site.

Il est fondamental que les citoyens s’en préoccupent et se manifestent auprès de leurs députés et dans la rue le 6 octobre avec la marche unitaire Marchons Enfants !

Nous remercions Blanche Streb d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

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La Rédaction

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