Déjà secouée mi-novembre par la démission de son chef spirituel, l'Eglise anglicane d'Angleterre est à nouveau dans la tourmente: son numéro deux, l'archevêque d'York, est sur la sellette, accusé d'avoir tardé à agir contre un prêtre dans une affaire de pédocriminalité. Or l'archevêque d'York, Stephen Cottrell, doit prendre le 6 janvier provisoirement la tête de l'Eglise d'Angleterre en remplacement de Justin Welby, l'archevêque de Canterbury démissionnaire.
Les faits, révélés dans une enquête de la BBC, remontent à 2010, l'époque où Stephen Cottrell était l'évêque de Chelmsford (sud-est de l'Angleterre). Il lui est reproché d'avoir maintenu en poste un prêtre, David Tudor, qui s'était vu interdire par l'institution de se retrouver seul avec des enfants après plusieurs cas d'agressions sexuelles. David Tudor a été interdit de ministère il y a deux mois par l'Eglise d'Angleterre, après avoir reconnu des relations sexuelles avec deux jeunes filles mineures, indique la BBC.
Lundi, M. Cottrell a assuré avoir "suspendu David Tudor à la première occasion, lorsqu'une nouvelle victime s'est présentée à la police en 2019". Mais jusque-là "il n'était pas légalement possible" d'agir, a-t-il afirmé dans un communiqué. L'écclésiastique, qui a toutefois exclu de démissionner, ajoute :
"Je suis profondément désolé que nous n'ayons pas été en mesure de prendre des mesures plus tôt"
"Organe indépendant"
L'archevêque d'York a assuré qu'il ferait "tout ce qui est en son pouvoir" pour mettre en place un "organe indépendant" afin d'accompagner les responsables de l'Eglise dans la prise de décisions, notamment dans les cas d'agressions sexuelles.
Ce projet, qu'il dit soutenir "depuis des années", sera aussi l'endroit où "ceux qui ont des frustrations et des inquiétudes pourront faire entendre leur voix". Au total, au moins sept femmes affirment avoir été sexuellement agressées par le prêtre lorsqu'elles étaient mineures. Selon la BBC, l'une d'elles a reçu une indemnisation "à six chiffres" de la part de l'institution en 2019, et d'autres ont déposé plainte au civil.
David Tudor a officié pour l'Eglise d'Angleterre pendant plus de 46 ans, à Londres et dans l'est du pays, gravissant les échelons de l'institution grâce à ses prêches charismatiques.
"Le fait de ne pas avoir agi dans cette affaire sape complètement (la) crédibilité" de l'archevêque d'York, a déclaré à la BBC l'évêque de Newcastle, Helen-Ann Hartley :
"Comment peut-on avoir l'autorité morale et éthique de diriger une institution dans de telles conditions?"
Cette affaire écorne encore plus l'institution anglicane, accusée mi-novembre d'avoir étouffé un scandale d'agressions physiques et sexuelles commises par un avocat lié à l'institution. Le rapport soulignait notamment que cet avocat décédé en 2018, qui s'en est pris à plus de 130 garçons et jeunes hommes, aurait pu faire l'objet d'une véritable enquête et être traduit en justice si les plus hautes instances de l'Eglise d'Angleterre avaient réagi à temps.
Ce rapport a conduit à la démission du plus haut dignitaire de l'Eglise, l'archevêque de Canterbury Justin Welby. Il y a quatre ans, un précédent rapport l'accusait d'avoir laissé perdurer une "culture" permettant aux auteurs de violences sexuelles sur mineurs de se "cacher" et d'échapper à la justice.
La Rédaction avec l'AFP
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