« Il y a 35 ans, alors que j’étais curé, je me suis conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans. Mon comportement a nécessairement causé chez cette personne des conséquences graves et durables »
Lundi, l’épiscopat français a révélé que onze anciens évêques avaient eu affaire à la justice civile ou la justice de l’Eglise pour des « abus » sexuels ou de la « non-dénonciation », dont un ancien archevêque de Bordeaux.
« Un choc » : C’est par ces mots que, à l’occasion d’un point presse sur le thème des abus sexuels et de leur gestion, le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Eric de Moulins-Beaufort a introduit la lecture d’un message envoyé par le cardinal Jean-Pierre Ricard.
« Il y a 35 ans, alors que j’étais curé, je me suis conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans. Mon comportement a nécessairement causé chez cette personne des conséquences graves et durables », y écrit le cardinal. « J’ai décidé de me mettre à la disposition de la justice tant sur le plan de la société que de celui de l’Eglise », a-t-il ajouté, affirmant avoir demandé « pardon » à cette victime, toujours selon ses propos rapportés.
Le cardinal Jean-Pierre Ricard a 78 ans. Il est ancien évêque de Grenoble, ancien archevêque de Montpellier et archevêque émérite de Bordeaux, deux fois président de la Conférence des évêques de France.
Éric de Moulins-Beaufort a par ailleurs détaillé le cas d’autres prélats ayant eu affaire à la justice. « Il y a aujourd’hui six cas d'(anciens, ndlr) évêques qui ont été mis en cause devant la justice de notre pays ou devant la justice canonique », a-t-il déclaré, soulignant que ces cas étaient « connus » de la presse.
La CEF nomme ensuite les évêques concernés. Au total, dix anciens évêques sont donc concernés: « huit actuellement mis en cause pour abus, dont Mgr Ricard et Santier, et deux mis en cause pour non-dénonciation (un a été condamné en 2018 et un relaxé en 2020) ».
L’un d’entre eux, Pierre Pican, décédé en 2018, a été condamné pour non-dénonciation. S’ajoute « désormais Mgr Ricard », a précisé le président de la Conférence des évêques de France Eric de Moulins-Beaufort. Ainsi que Mgr Michel Santier, sanctionné en 2021 par les autorités du Vatican pour des « abus spirituels ayant mené à du voyeurisme sur deux hommes majeurs » et dont la sanction a été révélée mi-octobre par la presse. Deux autres évêques à la retraite « font l’objet d’enquêtes aujourd’hui de la part de la justice de notre pays après des signalements faits par un évêque et d’une procédure canonique ». Un dernier « fait l’objet d’un signalement au procureur auquel aucune réponse n’a été donnée à ce jour et a reçu du Saint-Siège des mesures de restriction de son ministère », a ajouté l’archevêque de Reims.
Sur l’affaire Santier proprement dite, dont le silence sur la sanction a choqué les catholiques, Mgr de Moulins-Beaufort a reconnu qu’en « novembre 2021, pendant l’assemblée » d’automne de l’épiscopat, il avait informé les évêques « que des mesures disciplinaires avaient été prises contre Mgr Santier, mais sans donner d’indication sur les faits qu’il avait commis ».
Il a admis « à la relecture de cette histoire », « des insuffisances graves et des dysfonctionnements à tous les niveaux », regrettant qu’une demande d' »enquête préalable » envoyée par les instances vaticanaises à l’archevêque de Paris d’alors, Michel Aupetit, en mai 2020, n’ait pas été menée.
Olivier Savignac, pour le collectif de Victimes parler et revivre, s’est dit « secoué » par les révélations sur le cardinal Ricard et le nombre « vertigineux » d’évêques ayant eu affaire à la justice. « Il y a beaucoup de choses cachées. Combien vont encore sortir ? », a-t-il interrogé, déplorant auprès de l’AFP que « l’Eglise ne réagisse qu’une fois au pied du mur ».
De son côté, Alix Huon, du collectif de fidèles Agir pour notre Eglise, déplore « une grande tristesse d’entendre cela ». Elle attend »un vrai coup de gouvernail » avec « des annonces claires » mardi, à la clôture de l’assemblée de Lourdes.
Ces révélations interviennent un peu plus d’un an après la publication du rapport choc de la commission Sauvé estimant à environ 330 000 le nombre de victimes de prêtres, diacres, religieux ou personnes en lien avec l’Eglise de France depuis 1950. À son issue, l’épiscopat avait reconnu sa « responsabilité institutionnelle » dans ces violences.
M.C. (avec AFP)