Pédocriminalité dans l'église : les vitraux du père Ribes, héritage encombrant

Pédocriminalité dans l'église  les vitraux du père Ribes, héritage encombrant

Une quarantaine de vitraux conçus par le père Ribes, un prêtre catholique décédé en 1994 et accusé de pédocriminalité ornent encore plusieurs églises de la région lyonnaise, en attendant que victimes, diocèse et communes concilient leurs divergences pour solder cet héritage encombrant.

Parmi les œuvres incriminées figure "Le fils prodigue", un vitrail de l'église de Ste-Catherine (Rhône), où un enfant est agenouillé devant un prêtre.

"On a l'impression que c'est une fellation", dit Luc Gemet, porte-parole du collectif des victimes du père Ribes, regroupant une trentaine de personnes sur les 49 recensées par l'archevêché.

L'affaire a éclaté en janvier 2022. Dans la foulée, l'archevêché avait fait état de "très nombreuses victimes" principalement dans les années 1970-80. Un scandale supplémentaire pour le diocèse lyonnais, déjà affecté par les retentissantes affaires Preynat et Barbarin.

Les tableaux et dessins de celui qui était parfois surnommé le "Picasso des églises" avaient alors été retirées de plusieurs sites. Mais déposer des vitraux, parfois scellés dans les fenêtres, est d'une autre complexité technique.

A Ste-Catherine, où sept autres grands vitraux de style cubiste projettent leurs couleurs vives dans la nef, un détail attire l'attention: un autocollant noir masque la signature "RIB", le nom d'artiste de l'homme d'église.

En attendant un retrait en bonne et due forme, le maire Pierre Dussurgey en a pris l'initiative fin 2022, après une rencontre avec des victimes et le diocèse,

Bien que statutairement propriétaire du bâtiment, construit avant la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, la commune ne déboursera rien.

Tout sera payé par le diocèse, qui avait en 2022 annoncé aux six mairies concernées sa décision de retirer tous les vitraux.

Logique, pour M. Dussurgey, lui-même "croyant": "L'Eglise est fautive, l'Eglise doit payer". "C'était évident, car les maires se retrouvaient face à une situation qu'ils subissaient", abonde l'archevêché. "Les premiers vitraux seront retirés d'ici la fin de l'été".

Détruire ou conserver

Un mail de la mairie de Loire-sur-Rhône, annonçant en janvier sa décision de payer la dépose sur son propre budget sans "mettre le diocèse à contribution", a aussi fait bondir les victimes.

"Que des athées paient sur leurs impôts locaux, je ne comprends pas! L'Église est responsable de son employé Ribes, elle l'a protégé et doit payer", insiste Luc Gemet. L'archevêché précise avoir depuis annoncé à la mairie de Loire-sur-Rhône son intention de payer.

Regrettant aussi la "lenteur" du processus, les victimes ont reçu le soutien de l'association Be Brave, qui milite contre les violences sexuelles faites aux enfants. "Nous voulons éviter le huis clos entre l'Eglise et les victimes", affirme son président Arnaud Gallais.

Ensemble, ils ont vivement interpellé le maire de Charly (Rhône) pour le retrait de huit vitraux. Puis une réunion "constructive" selon les deux parties, a permis d'arrêter le principe d'un retrait, le maire Lionel Araujo évoquant un devis "de plusieurs dizaines de milliers d'euros" transmis au diocèse et une "consultation" de la population sur "les futurs vitraux".

L'élu refuse cependant de détruire les vitraux incriminés, comme le réclame le collectif pour "mettre un point final symboliquement à tous ces crimes".

"C'est une nouvelle demande sur laquelle nous ne nous étions pas engagés. Je rends bien volontiers ce +cadeau+ au diocèse", assure le maire. L'archevêché relève, lui, que la demande des victimes était initialement de conserver les œuvres, notamment à titre de "preuves". Et que parmi elles, les "avis divergent".

Un dernier cas litigieux cristallise la tension, à Givors (Rhône). Le maire Mohamed Boudjellaba a annoncé en janvier vouloir "dissocier l'œuvre de l'homme", condamnant "le comportement" de Ribes mais refusant de retirer des vitraux d'une chapelle désacralisée et restaurée.

Samedi, avec sa conseillère au patrimoine, il aurait réaffirmé cette position aux victimes: "cela a été très violent pour elles" car "il a simplement proposé d'installer une plaque indiquant que les vitraux ont été faits par un prêtre pédocriminel", s'indigne le président de BeBrave. La mairie doit répondre publiquement dans la semaine.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock/ Brookgardener

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