
Selon une enquête menée par le Centre évangélique et le Conseil national des évangéliques de France, si les évangéliques n’ont pas de difficultés à s’identifier comme tel dans leur environnement professionnel, il n’est pas toujours simple pour autant de témoigner de leur foi dans ce cadre.
Le Centre évangélique et le Conseil national des évangéliques de France ont mené une enquête pour mieux comprendre ce que ce que vivent les protestants évangéliques dans leur environnement professionnel.
Cette enquête faite en ligne recense 812 réponses quantitatives ainsi que 350 témoignages écrits et 16 entretiens en visio-conférence récoltés entre le 1er septembre et le 31 octobre 2021. La grande majorité des personnes interrogées (90%) fréquentent une Église évangélique de façon régulière.
91% des protestants évangéliques sont identifiés comme chrétiens par leur entourage professionnel, voilà un chiffre encourageant qui nous montre qu’une grande majorité d’entre eux assument pleinement leur foi dans le contexte professionnel. De plus, 80% des répondants affirment ne pas souffrir d’incompréhension ou de moquerie en raison de leur foi au travail.
Toutefois, quelques témoignages montrent, même si ils sont minoritaires, que certains évangéliques se sentent victimes de discriminations en raison de leur croyance.
« L’expression de ma foi est à l’origine de deux licenciements durant ma carrière », « J’ai été licencié et accusé de sabotage à cause de ma foi », « Mon mari a été licencié pour avoir parlé de la Bible à un patient ».
L’enquête du CNEF révèle également qu’un nombre important d’évangéliques (35%) se sentent en conflit éthique avec les valeurs ou les pratiques de leur employeur par rapport à leur foi.
Travail et épanouissement
Un chiffre qui pourrait expliquer que 36% des sondés estiment que le travail n’est pas un bon moyen d’utiliser leur temps.
« Ma vrai vie commence quand je rentre du travail », « Le travail est surtout du temps mal utilisé », « Pour moi le travail est une excellente manière de servir le Seigneur, tout en étant un frein à mon épanouissement à cause du temps que ça prends », peut-on lire dans les différents témoignages récoltés.
Selon Romain Choisnet, directeur de la communication du CNEF cela montre qu’il y a une incompréhension parmi les chrétiens de ce qu’est la notion d’épanouissement au travail d’un point de vue biblique.
« Dieu nous appelle à travailler, il faut revaloriser le travail, quel qu’il soit », affirme-t-il. Dans ce contexte, il nous invite à nous pencher sur la Bible, « Que dit la Bible sur la place du travail ? Que dit la Bible sur l’épanouissement ? ». Un sujet que le CNEF entend approfondir à l’avenir.
Témoigner de sa foi
Ce que cette enquête reflète également c’est la difficulté qu’ont les évangéliques à témoigner de leur foi sur leur lieu de travail. Pour beaucoup, il s’agit par ailleurs d’un point de tension, de culpabilité.
« J’ai énormément de mal à parler de ma foi à mes collègues, par peur d’être un mauvais témoignage », « Cette question du témoignage a été une source constante de culpabilisation », « J’aime partager mon témoignage, mais je me mets toujours la pression car j’ai le sentiment de ne pas en faire suffisamment. Je dois alors gérer une certains culpabilité », « J’ai entendu dire qu’un chrétien doit être parfait afin de donner un bon témoignage. C’est impossible ! ».
En outre, 87% des protestants évangéliques interrogés aimeraient savoir en quoi l’Évangile est une bonne nouvelle dans leur domaine professionnel.
Romain Choisnet nous explique que l’on retrouve le même schéma chez beaucoup de chrétiens évangéliques. Ils pensent d’abord que leur attitude doit être un témoignage, ce qui est souvent une source de stress et même de blocage, car ils ne se sentent pas à la hauteur. Puis ils pensent devoir témoigner de leur foi en parlant de Dieu et estiment enfin, que leur dernière action est d’amener les personnes à l’église.
« Il faut faire comprendre aux gens qu’ils sont l’Eglise même quand ils sont dans le monde. Il faut arrêter de croire que ce sont deux sphères séparées » affirme le directeur de la communication du CNEF, qui poursuit en expliquant que cette enquête met l’emphase sur la séparation qui existe entre ces deux sphères : le monde et le spirituel. « Il y a là une clef théologique à creuser. Qu’est ce que c’est l’Eglise ? Ce n’est pas que le dimanche matin ».
« La Bible nous dit que nous sommes envoyés dans le monde. Un sujet sur lequel nous avons interpellé les responsables d’églises. Nous devons nous interroger sur notre compréhension de l’annonce de l’Evangile. »
« Cela touche également à la question des enjeux de l’annonce de l’Evangile en dehors de la sphère spirituelle et des oppositions que cela implique, est-ce qu’on prie pour cela ? Est-ce qu’on est conscient des enjeux spirituels ? » continue Romain Choisnet.
Pour approfondir sa mission première qui est de « favoriser l’annonce et la pratique de l’évangile en France », le CNEF prévoit dans les mois à venir de proposer des clefs de réflexion et d’approfondissement théologiques sur ces sujets (témoigner de sa foi, l’Eglise, l’épanouissement, le travail d’un point de vue biblique...), qui sont au coeur de la vie chrétienne.
Camille Westphal Perrier