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Plusieurs avocats chrétiens et musulmans ont alerté sur une escroquerie qui vise les chrétiens au Pakistan. Plus de 450 chrétiens auraient été faussement accusés de blasphème par des jeunes appartenant à des cercles islamistes extrémistes, puis jetés en prison.
Le mécanisme du piège est parfaitement organisé. Les victimes chrétiennes sont attirées par des personnes qui se présentent comme des jeunes filles sur Facebook ou WhatsApp. Ils gagnent ensuite leur confiance, par exemple en leur offrant des cadeaux. Puis, le piège se referme lorsque la fille virtuelle envoie un message contenant des images ou des écrits blasphématoires. La victime, qui ne se doute de rien, demande des explications. Faisant semblant de ne pas comprendre, la fille demande à ce que le message soit renvoyé. Une fois que c’est fait, la preuve du blasphème peut être portée à la justice, le message blasphématoire a effectivement été envoyé par la victime.
Cette escroquerie a pris une ampleur nationale, si bien que l'affaire a été officiellement confirmée par la Commission nationale des droits de l'homme (NCHR), informe l’agence de presse Fides. Son rapport estime que plus de 450 personnes ont été victimes de ces accusations complètement fabriquées. De plus, la plupart des victimes appartiennent à des familles à faibles revenus ou à la classe moyenne.
Or, ces affaires ont des conséquences très concrètes pour les victimes, qui croupissent depuis en prison. Ainsi, plus de 150 personnes sont incarcérées à la prison d'Adiala, 170 à la prison de Lahore et celle de Kot Lakhpat et enfin 55 à la prison centrale de Karachi. Plusieurs d’entre eux sont décédés au cours de leur détention.
Les avocats alertent sur ces pratiques inquiétantes qui conduisent de nombreux chrétiens à l’emprisonnement. "Ces affaires sont manifestement infondées et, si la pratique ne cesse pas, le système judiciaire sera entaché d'une tache indélébile", assurent-ils.
De son côté, Sardar Mushtaq Gill, avocat et fondateur de l'ONG LEAD (Legal Evangelical Association Development), estime qu’il "est urgent de former une commission d'enquête transparente et impartiale pour enquêter et démanteler le groupe organisé responsable de cette conspiration".
"Cette exploitation alarmante des lois religieuses est devenue un terrible outil de coercition et soulève de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité et aux droits de tous", conclut-il.
Au Pakistan, les chrétiens, qui représentent une minorité d’environ 1,3 % de la population, font face à de nombreuses discriminations outre ces accusations de blasphème, notamment dans l’accès à l’emploi et à l’éducation. Ils sont aussi victimes de violences, comme des attaques contre leurs églises et leurs quartiers, alimentés par l’extrémisme religieux et une application extrémiste des lois islamiques. Le pays est classé 8e dans l'Index Mondial de Persécution des Chrétiens de l'ONG Portes Ouvertes.
Germain Gratien