Les étudiants avaient jusqu’au 8 avril pour déposer leurs vœux d’inscription aux formations « post bac » sur la plateforme Parcoursup.
Ce portail informatique gérant environ 900 000 étudiants se préparant à entrer dans l’enseignement supérieur, a été mis en place, succédant à Admission Post Bac (APB), en janvier 2018, renforcée par la loi Orientation et Réussite des Etudiants (dite loi ORE) de mars 2018. Depuis, les principaux médias se font l’écho de tel ou tel dysfonctionnement, souvent lié à des lycéens qui n’ont pas trouvé de places, mais dans l’ensemble, le principe est accepté et semble contenter tous les acteurs. Même l’enseignement privé supérieur, dans sa grande majorité, ne trouve rien à redire, approuvant et même encourageant cette procédure d’égalité des chances par la mise en place d’un logiciel géré par l’État et centralisant administrativement tout le post bac français, à quelques exceptions près d’établissements n’ayant pas de diplômes visés, accrédités ou habilités par l’État. Le principe louable d’égalité et de non-discrimination est invoqué dès le départ et au fur et à mesure des évolutions techniques et jurisprudentielles.
En fait, ce n’est pas si simple.
En premier lieu on constate une nouveauté passée inaperçue et acceptée par les « bénéficiaires » du privé : pour la première fois dans l’histoire des rapports entre l’État et le privé (supérieur en l’occurrence) le principe est acquis que le traitement informatique et les processus en cours s’appliquent à égalité entre le public et le privé, une charte le précise : le chef d’établissement n’a plus l’autonomie du recrutement et la liberté de choix en dialogue avec les futurs étudiants et les familles. En décembre 2019, l’enseignement privé, du moins le sous-contrat à 95% catholique, a accepté volontairement de se plier à ces injonctions. Un recours devant le Conseil Constitutionnel sur ce point aurait sans doute modifié la donne dès la publication de la loi de mars 2018, car le principe de la liberté d’enseignement est constitutionnel, et notamment l’autonomie de décision des instances du privé. Les demandes de Parcoursup sont aussi à situer dans un contexte général dans lequel l’État exerce un monopole non seulement sur les diplômes mais aussi sur la pédagogie y conduisant. Ce dont certains se réjouissent, au nom paradoxalement de la liberté académique.
En second lieu, si dans les faits la sélectivité des diplômes techniques et professionnels (écoles d’ingénieur et de commerce, BTS) ou de certaines formations générales (quelques licences et les CPGE) permet une décision de l’établissement, ce que reproche par l’exemple l’UNEF, il n’y a plus de « caractère propre » à invoquer pour le privé. Le principe général admis est l’égalité des formations (une licence égale une licence, un master égale un master). Par voie de conséquence, les mesures mises en place pour renforcer le rôle et le contrôle de l’État sont : l’anonymisation des candidatures, par l’étude des seuls dossiers au détriment souvent d’un dialogue, un processus administratif décidé par le portail et le Ministère, des algorithmes qui finissent par décider, un calendrier contraignant, un taux de boursiers ou d’hors académie imposé, etc. C’est une petite révolution passée sous silence, volontairement. Saisi, le Conseil Constitutionnel va ainsi dans le sens de procédures transparentes et égalitaires.
Nous nous trouvons devant le dilemme classique : égalité contre liberté. La seconde étant nettement sacrifiée à la première, sans résultant enthousiasmant pour la réussite des élèves, comme le soulignait la Cour des Comptes. Dans la mesure où la formation des « élites » (CPGE principalement et écoles) est sauve, le système de reproduction des écoles supérieures publiques d’excellence, imitées par le privé, fonctionnant bien, personne n’a trouvé à y redire. Le rôle subsidiaire de l’État est important pour garantir la qualité et le bon fonctionnement d’un système post bac, mais ici, nous sommes dans une gestion directe par le service public. Cette gestion évolue d’année en année et par la stratégie du cliquet, ne peut conduire qu’à renforcer cette gestion directe par l’État. Nulle part ailleurs en Europe et dans le monde, si ce n’est dans certains pays comme la Chine, nous voyons un tel système centralisé pour l’inscription des étudiants. N’oublions pas qu’il s’agit de mettre en place un système unique pour 900 000 élèves. Est-ce bien raisonnable ?
Michel Saint Marc
Source : blog.educpro.fr
Cet article est publié à partir de La Sélection du jour.