Israël poursuit ses bombardements et ses opérations au sol à Gaza vendredi, à l'approche de la date marquant les trois mois du conflit l'opposant au Hamas palestinien, auquel un plan que doit examiner le gouvernement israélien entend ne laisser aucune place dans l'après-guerre.
Vendredi matin, l'armée israélienne a annoncé "l'élimination d'une cellule terroriste" qui voulait attaquer un de ses chars à Bureij (centre) pendant la nuit, et la destruction, au prix de combats au sol, de plusieurs sites de lancement de roquettes vers Israël à Khan Younès, la grande ville du sud, épicentre des combats depuis plusieurs jours.
Quelques heures plus tôt et peu de temps avant que le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken ne décolle pour une nouvelle tournée dans la région, le ministre de la Défense Yoav Gallant avait dévoilé son premier plan au sujet de l'après-guerre à Gaza, quasiment trois mois après le début du conflit et après deux jours de haute tension, suite à l'élimination au Liban du numéro deux du Hamas.
Israël a juré de "détruire" le Hamas après son attaque inédite sur le sol israélien le 7 octobre, qui a fait environ 1.140 morts, essentiellement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données oficielles israéliennes. Environ 250 personnes ont été enlevées et emmenées à Gaza, dont une centaine ont été libérées lors d'une trêve fin novembre. Depuis, cette guerre a fait 22.438 morts dans la bande de Gaza, majoritairement des femmes et des mineurs, selon le bilan difusé jeudi par le ministère de la Santé du Hamas.
"Liberté d'action" contre les menaces
Le plan présenté par Yoav Gallant, qui doit encore recevoir l'aval du gouvernement, divisé sur ce sujet épineux, prévoit que les opérations à Gaza se poursuivent jusqu'au "retour des otages", "démantèlement des capacités militaires et de gouvernance du Hamas" et "élimination des menaces militaires", a soutenu M. Gallant.
Quant à l'après-guerre, M. Gallant plaide pour une solution sans le Hamas, mais sans présence civile israélienne non plus, rejetant de fait des propositions de deux ministres d'extrême droite, qui avaient récemment appelé au retour de colons juifs à Gaza et à "l'émigration" de la population palestinienne, des propos notamment dénoncés par l'allié américain et par le chef de la diplomatie européenne.
"Il n'y aura pas de présence civile israélienne dans la bande de Gaza après l'atteinte des objectifs de la guerre", a déclaré jeudi soir M. Gallant, en précisant que l'armée garderait toutefois "sa liberté d'action" à Gaza pour y juguler toute "menace" éventuelle.
"Les habitants de Gaza sont palestiniens. Par conséquent des entités palestiniennes seront en charge (de la gestion) à la condition qu'il n'y ait aucune action hostile ou menace contre l'Etat d'Israël", souligne le plan sans dire précisément qui devra administrer ce territoire d'environ 2,4 millions d'habitants ravagé par les bombardements et où la plupart des hôpitaux ne fonctionnent plus ou seulement très dificilement.
Sur le terrain, la situation reste dramatique pour les habitants, dont environ 1,9 million ont été déplacés par le conflit, et qui soufrent de graves pénuries d'eau, de nourriture, de médicaments.
"Immense pression"
"Avant la guerre, on traitait des cas de diabète ou des points de suture, sans aucune presse. Aujourd'hui, on travaille avec une immense pression et dans la peur", souligne auprès de l'AFPTV Ashraf Al Hamami, un infirmier au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza.
"Les enfants en particulier sont tristes, parce qu'ils ont faim et que leurs familles ne savent pas comment leur fournir de la nourriture, alors nous essayons de les aider et de leur permettre de faire la queue en premier. Nous préparons donc un repas chaque jour, mais les prix du riz, du sucre et du bois de chaufage sont élevés", souligne Ezzedine al-Attar, un habitant de Rafah (sud) de 19 ans, à un point de distribution d'alimentation.
Quelque 150 camions, en majorité d'aide humanitaire, ont pu entrer dans le territoire jeudi, selon les autorités gazaouies à la frontière, mais les ONG et l'ONU -dont le conseil de sécurité a récemment adopté une résolution réclamant davantage d'aide- soulignent régulièrement que ces approvisionnement restent largement inférieurs aux besoins de la population.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken plaidera justement au cours de sa quatrième tournée au Moyen-Orient depuis le début du conflit pour accroître "considérablement" l'aide à Gaza.
Eviter l'embrasement
Mais le diplomate oeuvrera aussi pour empêcher l'embrasement de la région, où la tension s'est encore accrue au cours des derniers jours après l'élimination -attribuée à Israël- du numéro deux du Hamas Saleh al-Arouri au Liban dans un fief du Hezbollah, un mouvement islamiste chiite soutenu par l'Iran et allié du Hamas, et un attentat revendiqué par le groupe Etat islamique qui a fait plusieurs dizaines de morts en Iran.
En Israël, le chef d'état-major de l'armée, Herzi Halevi, a récemment assuré que ses troupes étaient en état d'alerte à la frontière avec le Liban, théâtre quasi-quotidien d'échanges de tirs depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.
Vendredi matin, l'armée israélienne a annoncé avoir mené des raids aériens visant au Liban des sites "terroristes" du Hezbollah.
En mer Rouge, les rebelles Houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, multiplient les attaques pour freiner le trafic maritime en "soutien" à Gaza, tandis que les tensions se multiplient aussi en Syrie et en Irak, où des bases américaines sont prises pour cible.
Antony Blinken a quitté jeudi soir Washington et se rendra en Turquie, puis en Israël, en Cisjordanie occupée, en Jordanie, au Qatar, aux Emirats arabes unis, en Arabie saoudite et en Egypte. Avant le départ, son porte-parole avait déjà prévenu: "Nous ne nous attendons pas à ce que toutes les conversations de ce voyage soient faciles".
La Rédaction (avec AFP)