Nouvelle attaque meurtrière dans l'État du Plateau au Nigeria, sur fond de tensions religieuses persistantes

Quatorze personnes ont été tuées jeudi 25 juillet dans une embuscade dans l’État du Plateau, au centre du Nigeria, alors qu’elles revenaient du marché de Bokkos. Deux autres personnes ont été tuées en représailles. Ce nouvel épisode s’inscrit dans un contexte de violences intercommunautaires récurrentes entre agriculteurs chrétiens et éleveurs peuls musulmans dans la région.
Des hommes armés non identifiés ont ouvert le feu jeudi soir près du village de Mangor, dans l'État du Plateau, sur des véhicules transportant des villageois revenant du marché hebdomadaire de Bokkos. Selon plusieurs témoins, les assaillants ont tiré de manière indiscriminée. Le bilan, confirmé vendredi matin par le secrétaire de la Croix-Rouge de l'État, Nurudeen Hussaini Magaji, fait état de quatorze morts, parmi lesquels des hommes, des femmes et des enfants.
En représailles, des jeunes en colère ont attaqué un village peul situé non loin du lieu de l’embuscade. Deux personnes ont été tuées, selon les déclarations d’un commerçant local et d’un responsable de la communauté peule.
L'État du Plateau, comme d'autres régions de la Ceinture Centrale nigériane, est le théâtre régulier de violences intercommunautaires liées à la concurrence pour l’accès à la terre et aux ressources naturelles. Ces tensions opposent principalement des agriculteurs sédentaires, majoritairement chrétiens, et des éleveurs nomades peuls, majoritairement musulmans. À ces enjeux fonciers et climatiques s’ajoutent des clivages religieux et identitaires de plus en plus marqués, alimentés par des discours radicaux et une impunité persistante.
Ces dernières semaines, l’intensification des violences a suscité l’inquiétude de l’ONG Portes Ouvertes. Fin juin, l'organisation a lancé un appel urgent à la prière après une série d’attaques dans l'État de Benue, voisin du Plateau. Entre le 8 et le 14 juin, plus de 200 personnes ont été tuées dans le district de Guma, principalement des chrétiens. L'organisation a dénoncé un schéma répété d’attaques contre les villages à majorité chrétienne et a appelé la communauté internationale à se mobiliser.
Elle propose notamment de signer une pétition, destinée à interpeller l’ONU, l’Union Africaine et les gouvernements internationaux sur la nécessité urgente de protéger les minorités religieuses du pays.
"Alors que nos frères et sœurs font face au deuil et au traumatisme récurrent, tenons-nous debout à leurs côtés et intercédons avec force en leur faveur, en nous rappelant que Christ également se tient debout à la droite de Dieu quand Ses enfants sont persécutés, selon la vision d’Etienne au moment de son martyre. (Actes 7 :56)"
Selon Portes Ouvertes, ces violences ciblent de plus en plus clairement des communautés en raison de leur foi. Le Nigeria figure actuellement à la septième place de l’Index mondial de persécution des chrétiens publié chaque année par l’ONG. Malgré les condamnations de l’ONU et les appels à des enquêtes indépendantes, la situation sécuritaire reste extrêmement préoccupante dans la région.
La ville de Bokkos, où les victimes de l’attaque de jeudi s’étaient rendues au marché, est un important centre de production de pommes de terre au Nigeria. Les marchés hebdomadaires, organisés les lundis et jeudis, attirent des commerçants venus du Tchad, du Bénin, du Niger et du Cameroun. Mais l'insécurité croissante dans la région menace désormais l’activité économique et alimente une inflation record sur les produits de base, notamment dans les États voisins comme celui de Bauchi.
Alors que les tensions s’aggravent, les appels à une action ferme des autorités nigérianes se multiplient, sans réponse concrète à ce jour.
Camille Westphal Perrier (avec AFP)