Une manifestation a eu lieu ce mardi à Karachi au Pakistan pour protester contre la condamnation à mort d'un chrétien qui avait partagé sur TikTok une publication prétendument blasphématoire.
Répondant à l'appel des défenseurs des droits des minorités du Pakistan, une soixantaine de manifestants se sont rassemblés mardi à Karachi, dans le sud du pays, brandissant des banderoles dénonçant "l'utilisation abusive des lois sur le blasphème". Une manifestation qui fait suite à la condamnation à mort d'un chrétien accusé de blasphème.
"De jour en jour, le Pakistan devient un pays où les minorités ne sont plus en sécurité", a déclaré le pasteur chrétien Ghazala Shafiq à l'AFP. "Les gens peuvent faire ce qu'ils veulent avec nous", a poursuivi cet homme de 59 ans.
L'homme reconnu coupable de blasphème par le tribunal de la ville de Sahiwal, dans l'est du pays, s'appelle Ehsan Masih et est agé de 27 ans, selon son avocat Akmal Bhatti.
Il a été arrêté en août 2023 après qu'une foule de musulmans en colère ait incendié plus de 80 maisons et 19 églises dans la ville orientale de Jaranwala. Une manifestation de violence qui faisait suite à une rumeur selon laquelle deux frères chrétiens auraient profané des pages du livre sacré de l’Islam, le Coran. Jusqu'à 5.000 personnes de confession musulmane, armées de bâtons et de pierres, avaient déferlé dans les ruelles de Jaranwala et tout saccagé, après que la nouvelle de la profanation eut été annoncée au haut-parleur d'une mosquée.
Les chrétiens avaient fui par centaines leur maison, trouvant refuge pour certains dans les maisons de leurs voisins musulmans. Ils avaient reproché à la police de ne pas avoir protégé les biens des habitants.
Bien qu'Ehsan Masih n’ait pas participé à cet acte de profanation, il a été accusé d’avoir republié des images du Coran abîmées sur son compte TikTok. Les deux frères ont quant à eux été libérés en mars suite à l'abandon des poursuites à leur encontre.
"Il a partagé la page sur son TikTok sans aucune compréhension de ce que c'était", a déclaré Bhatti, expliquant que son client était analphabète. "Il n'a rien écrit avec ce message, n'a rien ajouté lui-même qui puisse être considéré comme blasphématoire", a-t-il ajouté.
Selon l'avocat, "les responsables des émeutes de Jaranwala attendent toujours leur procès, alors qu'il a déjà été condamné à mort". "Le jugement était biaisé en raison de sa foi", a-t-il poursuivi. "Ce sont les discours des mosquées qui ont déclenché les émeutes, pas cette publication sur les réseaux sociaux."
La police de la province orientale du Pendjab affirme que seules une douzaine de personnes impliquées dans les violences collectives seront jugées.
Les chrétiens, qui représentent environ 2% de la population, occupent l'un des plus bas échelons de la société pakistanaise et sont fréquemment la cible d'allégations de blasphème infondées.
D'autres membres des minorités religieuses, ainsi que des hommes politiques, des avocats ou des étudiants, ont été tués pour des accusations semblables ou parce qu'ils avaient pris la défense de personnes soupçonnées de blasphème.
Les dernières exécutions au Pakistan ont eu lieu en 2020, selon Amnesty International, et les condamnés peuvent croupir dans des conditions désastreuses pendant des années dans le couloir de la mort.
Camille Westphal (avec AFP)