Malgré leurs équipements performants, les pompiers restent vulnérables face aux incendies

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Chaque été, les pompiers se trouvent aux prises avec des feux de forêt dangereux. Les conséquences de ces épisodes sont souvent tragiques pour les combattants du feu malgré des équipements de plus en plus performants.

Tous les pays où les pompiers luttent contre des feux violents sont concernés. Ce fut notamment le cas aux États-Unis, où deux accidents majeurs – ceux de Mann Gulch et de South Canyon – font référence.

Dans les années 1940, les unités de smoke jumpers sont créées. Ces parachutistes de l’extrême sont considérés comme l’élite mais, en 1949 à Mann Gulch (Montana), seuls trois d’entre eux (sur une vingtaine) survivront à un feu qui embrase subitement tout un vallon. En 1994, un accident similaire voit périr 14 pompiers dans le South Canyon (Colorado). Dans ces deux cas, les victimes intervenaient à pied, dans un relief escarpé et peu accessible.

En France, les massifs méditerranéens et landais sont parcourus de pistes : ici, les pompiers interviennent généralement à bord de véhicules incendie. Mais les accidents restent aussi fréquents et graves. On compte ainsi plus de 80 sapeurs-pompiers piégés depuis les années 1980. Un tiers d’entre eux sont morts. Les autres ont survécu, mais avec des séquelles graves, brûlures au visage et aux mains le plus souvent.

Pour mieux comprendre ces accidents, nous avons analysé différents épisodes survenus à travers le monde, notamment en Europe et en Australie où les méthodes de lutte contre le feu sont similaires.

L’unité de smoke jumpers de l’Agence américaine du service des forêts, en 1948 à Deming (Nouveau-Mexique).
Wikipédia

Des équipements de plus en plus performants

Pour les combattants du feu, le danger vient à la fois de la chaleur et des fumées.

En condition de sécheresse, les flammes peuvent en effet atteindre plus de 10 mètres de hauteur en forêt. Et certains végétaux, comme les arbustifs des garrigues, libèrent en brûlant des gaz hautement toxiques.

Pour y faire face, les pompiers disposent aujourd’hui d’équipements performants. Leurs véhicules sont protégés par arrosage automatique de la cabine et des pneumatiques. Certains camions disposent également d’une surpressurisation pour empêcher les fumées d’entrer dans l’habitacle. Les tenues ont aussi évolué grâce à des textiles qui assurent une meilleure protection thermique. Enfin, les procédures et transmissions permettent de localiser rapidement un équipage en difficulté.

Mais, en dépit de toutes ces innovations, le nombre d’accidents n’a lui pas diminué. Comment expliquer cette situation ?

Il convient pour cela de distinguer les configurations particulièrement dangereuses pour les pompiers en fonction de leur position vis-à-vis des flammes (de face, sur les côtés ou à distance).

Test de combinaisons de pompiers (CEREN Valabre/Youtube, 2013).
Face-à-face mortel

Les incendies dévastateurs sont souvent guidés par le vent, qui leur donne une direction principale. Il est alors dangereux de se trouver sur cette trajectoire. C’est ce qui peut notamment arriver aux sauveteurs quand ils cherchent à protéger les habitations situées dans l’axe du feu. En Méditerranée, le mitage urbain en bordure de forêt accroît cette vulnérabilité.

En Australie, la météo dépend de la rencontre entre la masse d’air océanique et celle du désert continental. Leur déplacement entraîne des bascules de vent en quelques minutes. Les lisières de feu sont alors réactivées sur des kilomètres. Ces changements de direction soudains sont la cause principale d’accidents. En Europe, les bascules sont moins brutales en raison des massifs montagneux qui canalisent les vents.

La question du relief

Si le relief permet de contenir les vents, il peut également générer des situations dangereuses. On note ainsi une tendance naturelle du feu à accélérer lorsqu’il gravit une pente. Des études de modélisation montrent par exemple qu’au-delà de 25 degrés (c’est, pour référence, la limite de ce que peut franchir un véhicule tout terrain), les flammes se collent au sol. Une véritable éruption peut alors parcourir plusieurs hectares en quelques secondes.

Ce qui ne signifie pas que l’on soit en sécurité sur une pente descendante. Derrière une ligne de crête, des tourbillons d’air, appelés vortex, peuvent par exemple propager le feu latéralement. Le feu s’enroule alors en s’écartant de sa trajectoire initiale. 21 cas de véhicules piégés dans ces conditions ont été recensés récemment à travers le monde.

Les feux extrêmes

Enfin, dans certaines conditions, les pompiers peuvent être encerclés par les flammes à des centaines de mètres du foyer principal. C’est le cas lors d’une vague de chaleur après une sécheresse prolongée ; les incendies deviennent convectifs. Le vent n’est plus nécessaire. La propagation est erratique et produit des sautes de longue distance. Les conditions climatiques de cet été font courir ce risque dans plusieurs pays méditerranéens, y compris en France.

Dans les cas extrêmes, l’énergie développée par le feu est telle qu’elle génère un pyrocumulus. Ce nuage orageux s’élève jusqu’au sommet de la troposphère, autour de 10 000 mètres d’altitude. Il est composé de particules incandescentes et de gaz brûlants. Lorsque ces éléments retombent, à des kilomètres de distance parfois, c’est une véritable tempête de feu qui s’abat.

Ce phénomène est fréquent en Australie. En Europe, le réchauffement climatique augmente le risque et un nuage de ce type a été par exemple observé par satellite au-dessus du Portugal en juin 2017.

Pyrocumulus formé lors d’un incendie en Californie (août 2009).
EllsworthC/Wikipedia, CC BY

Quelles parades ?

Si les équipements des pompiers sont aujourd’hui proches du niveau de protection optimal, d’autres évolutions sont encore possibles. Elles consistent à mieux comprendre les propagations atypiques des feux ; à former les pompiers pour reconnaître et anticiper ces phénomènes ; à accepter que les pompiers restent en dehors des garrigues et forêts en situation extrême.

Ce dernier point nécessite cependant une meilleure préparation des habitations vulnérables. Le débroussaillement est une obligation réglementaire qui y contribue en France. D’autres pays vont plus loin et incitent chaque foyer à développer un plan de sauvegarde. Au-delà des pompiers, tous les résidents habitant des zones à risque ont leur rôle à jouer.

Sebastien Lahaye, Coordinateur de projet Safe Cluster (France), École pratique des hautes études (EPHE)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Crédit image : Shutterstock.com / Supamotion


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