L’Organisation mondiale de la Santé veut redéfinir l’infertilité afin de créer un droit reproductif pour tous

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L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) doit prochainement annoncer une redéfinition de la stérilité, pour considérer qu’elle frappe également les personnes seules ou dans des partenariats homosexuels. Par là, l’OMS souhaite faire bénéficier les individus d’un droit à la reproduction, ce qui leur ouvrirait l’accès à la procréation médicalement assistée, au risque de banaliser même la pratique des mères porteuses. L’un des rédacteurs prétend qu’elle s’imposera aux États.

À l’heure actuelle, sur le plan clinique, l’OMS définit l’infertilité comme « une maladie du système reproductif définie par l’impossibilité d’obtenir une grossesse clinique après douze mois ou plus de rapports sexuels réguliers et non protégés ». La situation sociale de la personne est sans importance, la définition n’est que médicale.

The Daily Telegraph rapporte que l’organisation compte revenir sur cette acception pour y ajouter tout individu qui ne peut avoir d’enfant avec son partenaire sexuel - les personnes homosexuelles -, et ceux qui n’ont pas trouvé de compagnon de l’autre sexe, du moment que ces personnes veulent avoir des enfants. Cette relecture a pour finalité la création d’un « droit à se reproduire ». Cette nouvelle définition devrait être communiquée aux ministères de la Santé des 197 États membres de l’OMS l’an prochain.

Le docteur David Adamson, l’un des auteurs de la redéfinition explique :  « La définition de l’infertilité est maintenant écrite de telle façon qu’elle comprend le droit de tous les individus d’avoir une famille, et cela comprend les personnes célibataires et celles engagées dans des relations homosexuelles. C’est un marqueur dans le sol qui dit qu’un individu a le droit de se reproduire, qu’il soit seul ou non. Ceci [...] dit qui devrait avoir accès aux soins de santé, et les pays membres sont tenus par cette norme juridique internationale. » L’affirmation mérite cependant d’être considérée comme davantage enthousiaste, si ce n’est délibérément fausse, que réaliste, les outils juridiques actuels de l’OMS sont les règlements et les recommandations ; les États ne sont pas tenus de suivre les dernières, et l’infertilité ne concerne pas le domaine règlementaire.

La Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé est claire quant aux mesures contraignantes pour les États, et seuls cinq champs d’application sont concernés. L’article 21 relatif aux règlements mentionne les mesures sanitaires pour éviter la propagation internationale des maladies, ou encore les conditions relatives à la publicité et la désignation des produits biologiques ou pharmaceutiques dans le commerce international.

Les cinq thèmes concernent les maladies et les produits biologiques, pharmaceutiques ou assimilés. A moins de faire du célibat ou de l’homosexualité des maladies physiques et contagieuses en plus d’un handicap, comme le souhaite déjà l’OMS, la prétendue infertilité des personnes seules ou impliquées dans des partenariats homosexuels ne relève pas de la compétence règlementaire de l’organisation. Néanmoins, il est possible de voir dans les propos du Dr Adamson une invitation faite aux personnes seules ou dans des relations homosexuelles à revendiquer ce supposé devant les tribunaux de leurs pays.

D’une politique sociale de santé à une politique sociétale

La définition du handicap a évolué, d’une vision médicale elle est passée à une lecture médico-sociale jusque là légitime, car équitable. Le handicap constitue une entrave à la vie sociale que la société tente de surmonter, par exemple en facilitant l’embauche des personnes handicapées moteur ou leur accès à différentes infrastructures comme les bâtiments publics. Les États peuvent légiférer à ce sujet et reconnaître des droits aux individus dans ces situations, droits que ces derniers peuvent ainsi opposer en justice aux collectivités défaillantes.

L’OMS reprend la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé qui définit la limitation « comme un terme générique pour les déficiences, les limitations de l’activité et restrictions à la participation. Le handicap est l’interaction entre des sujets présentant une affection médicale (paralysie cérébrale, syndrome de Down ou dépression) et des facteurs personnels et environnementaux (par exemple attitudes négatives, moyens de transport et bâtiments publics inaccessibles, et soutiens sociaux limités) ». La définition actuelle est médicale et sociale. En faisant des personnes présumées capables d’engendrer ou d’enfanter des individus, et désirant procréer, mais n’étant pas socialement en mesure de le faire, des personnes prétendument handicapées, l’OMS change la définition non pas sur un fondement scientifique, mais sur une base téléologique qui, ici, n’est plus justifié. Le but – et il est avoué – est de créer des droits nouveaux pour contourner la nature.

L’Organisation mondiale de la Santé se place sur le terrain de la philosophie du droit, particulièrement celui du débat quant aux générations de droits. Il existe actuellement trois grands groupes de droits qui se sont succédé dans le temps. Le premier, ce sont les droits de l’homme, droits civils et politiques ; la deuxième génération est constituée des droits socio-économiques et culturels, il s’agit de la dignité et du bien-être qui se déclinent par exemple sous la forme du droit au travail, à l’éducation, à la culture ou au repos ; la troisième génération est relativement contestée, ce sont les droits de solidarité, aux contours flous et interventionnistes au niveau planétaire en ce qu’ils parlent de solidarité internationale par exemple envers des minorités ou à vivre dans un environnement sain, et sur le fondement de cette catégorie ont été menées des opérations d’ingérence humanitaires.

Le droit à la procréation dont parle l’OMS se situerait dans la très controversée quatrième génération de droits encore moins définie que la précédente et qui comprend ceux des personnes fragiles du fait de leur âge (enfants, personnes âgées) ou d’un handicap. Contrairement aux droits des autres générations, qui concernent les obligations de la vie collective, appelés droits objectifs, ceux de cette dernière sont dits subjectifs, car ils concernent les droits de l’individu qu’il pourrait réclamer à l’État en tant qu’individu et non comme membre de la collectivité, par exemple comme électeur.

En tant que personne reconnue comme handicapée, l’individu peut, si la législation s’imposant à l’État sous la puissance duquel il se trouve le prévoit, réclamer la reconnaissance de ses droits. Par exemple, la prise en compte de son handicap lors d’un concours. Si un État venait à accorder une force juridique à la future recommandation de l’Organisation mondiale de la Santé, il devrait élargir les conditions d’accès à la procréation médicalement assistée. Ce qui impliquerait, au nom du principe d’égalité mal assimilé, d’autoriser les hommes à recourir à la gestation pour autrui pour avoir une descendance comme les femmes bénéficiant de la fécondation médicalisée. On passerait d’une politique socio-médicale, de santé prenant en compte des difficultés structurelles de la vie des personnes handicapées (déplacement, vie sociale) à une politique prétendument socio-médicale, mais purement sociétale. Il ne s’agirait pas de faciliter l’insertion de l’individu handicapé dans la société, mais de redéfinir la société.

Cette conception socio-juridique prétend soutenir l’égalité. Pourtant, cette dernière notion ne signifie pas de facto un traitement à l’identique concernant diverses situations, mais de jure un traitement identique de chaque type de situation. Un célibataires n’est pas un couple infertile, quand bien même sa situation est subie, et une relation homosexuelle ne l’est pas davantage ; les traiter comme des couples infertiles serait une méconnaissance du concept d’égalité.

Hans-Søren Dag


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