L’Observatoire de la laïcité suggère de nouvelles pistes de financement des cultes

obs-laicite-2.jpg

Alors que l’installation officielle de la nouvelle Fondation de l’islam de France, en partie chargée de canaliser les sources de financement du culte musulman, est prévue pour décembre prochain, l’Observatoire de la laïcité a publié le 8 novembre dernier un rapport portant essentiellement sur le contrôle financier des associations cultuelles. Ce vade-mecum, qui concerne principalement l’islam, devrait éclairer les acteurs publics et privés en matière de subventions directes ou non. Les propositions ne concernent pas les départements d’Alsace-Moselle, de Guyane et certaines collectivités ultramarines.

La construction et le financement des lieux de culte, particulièrement musulmans, est un sujet récurrent, presque un serpent de mer tant l’occurrence est élevée au point de ressembler à de la régularité. Outre le sujet des prêches haineux, il y a ceux des terrains et du financement direct ou non des lieux de culte. Ce sont ces deux derniers points dont l’Observatoire de la laïcité a choisi de s’emparer pour faire des propositions aux collectivités publiques et aux associations. L’organisme présente ses suggestions sous le titre « Avis sur le financement, la construction et la gestion des édifices du culte » dont la ligne générale est la clarification des finances et la proposition de pistes à défricher pour faciliter la construction de bâtiments dédiés au culte.

Dans un premier temps, le rapport dresse un rapide état des lieux en mentionnant divers rapports de sénateurs ou du Bureau central des cultes sur le financement des associations confessionnelles, le besoin de transparence quant au financement du culte musulman, et sur la gestions et la construction des lieux dédiés à l’expression rituelle de la religion. Il s’agit de synthétiser ce qui a été déjà exprimé ci et là et d’y agréger des propositions.

L’inventaire donne un chiffre de 100 000 lieux relatifs à la foi, une moyenne de 2,5 par commune, le plus grand nombre étant de loin catholique avec 45 000 églises paroissiales dont 40 000 appartiennent aux communes, le reste étant la propriété des diocèses, en plus des 87 cathédrales de l’État ainsi que d’un nombre immense de chapelles privées, abbayes ou lieux de culte dans des écoles ou les hôpitaux par exemple qui portent le chiffre à 90 000. Les autres principaux cultes, dans une France à l’histoire essentiellement catholique, sont numériquement loin derrière quant aux bâtiments : il y a 4 000 temples protestants dont 2 200 sont évangéliques, 2 400 à 2 500 mosquées, 130 églises orthodoxes selon le ministère de l’Intérieur (jusqu’à 200 selon Monseigneur Nestor Sirotenko, évêque de Chersonèse, représentant en France de l’Église orthodoxe russe). Le rapport de l’Observatoire de la laïcité ne se penche pas sur les cultes israélite et bouddhiste pour la raison que l’important patrimoine du premier « n’est plus adapté à la répartition géographique actuelle des participants », et que, concernant le second, « le droit positif sur la construction, la gestion, et le financement des lieux de culte est jugé satisfaisant ».

Le rapport du sénateur Maurey présenté le 17 mai 2015, intitulé « Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte », relève que si les demandes de financement des édifices cultuels concernent largement le culte catholique (48 %), il s’agit uniquement de requêtes quant à la rénovation, l’entretien et l’aménagement des lieux de cultes existants, un chiffre explicable par la forte représentation des lieux de culte de cette confession sur le territoire. A titre de comparaison, si les demandes de financement relatifs aux édifices islamiques sont en moyenne à 3 % dans tout le pays, dès lors qu’une « commune possède au moins un lieu de culte musulman, la proportion des demandes de financement de mosquée augmente (33 %) ». Précisément, souligne le rapport, « dans les communes de 5 000 habitants et plus, lorsque les demandes émanent de la religion musulmane par exemple, elles concernent surtout l’édification de nouveaux lieux de culte (21 %) et quasiment pas la rénovation de lieux de culte existants (4 %) ».

La partie la plus intéressante du rapport de l’Observatoire est celle consacrée aux évolutions souhaitées par l’organisme au sujet du financement, des baux de longue durée avec des droits réels accordés aux bénéficiaires et les garanties d’emprunt.

Faciliter et contrôler le financement des lieux de culte sur tout le territoire

Les cultes sont financés par les fidèles, des États étrangers, par exemple la cathédrale de la Sainte-Trinité de Paris récemment inaugurée et entièrement bâtie grâce à l’aide de la Russie. Ces dons étrangers qu’ils émanent des États ou de leurs citoyens sont considérés comme privés en droit français même si une distinction est opérée selon qu’ils proviennent des gouvernements ou de leurs administrés. Le culte musulman est, pour sa part, aussi financé en partie depuis l’étranger, en sus des offrandes de ses fidèles en France, particulièrement élevé durant le mois du ramadan. Dans son rapport intitulé « De l’Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés », enregistré le 5 juillet de cette année, la sénatrice Nathalie Goulet estime que le financement des mosquées provient à 80% des dons des pratiquants. Le rapport constate que « ces dons sont réalisés le plus souvent de façon manuelle, en espèces, rendant impossible toute traçabilité de leur provenance et, a fortiori, toute consolidation nationale », alors que nombreux sont les pays du Golfe persique à contrôler l’origine et l’utilisation des sommes versées. Il souligne toutefois que s’il fallait encadrer ces dons, ce contrôle devrait être étendu aux autres cultes. Si la part de financement par l’étranger est faible, elle pose problème de par ses origines. Quatre États étrangers principalement soutiennent le culte musulman en France, la Turquie finance plutôt des imams, qu’elle envoie, que des édifices ; le Maroc a versé 6 millions d’euros pour la construction de mosquées et la rémunération des imams en 2016 (contre 4 millions en 2013) ; l’Algérie finançait à hauteur de 4 millions d’euros par an le culte musulman jusqu’en 2011, elle assure ne plus le faire depuis, sauf concernant la Grande mosquée de Paris pour 2 millions par an ; l’ambassadeur d’Arabie saoudite en France fournit le chiffre de 3 759 400 euros. A ces chiffres que donnent ces États, il faut ajouter les dons de leurs citoyens : par exemple, la représentation diplomatique saoudienne déclare que « trois dons privés ont en outre été versés par l’intermédiaire de l’ambassade pour la construction de mosquées en France ».

L’opacité du financement et des ressources ne favorise pas seulement des dons sans réel évaluation, elle lèse également les croyants, par exemple en permettant de détourner plus facilement des sommes que dans une association soumise au plan comptable ; ainsi le recteur de la mosquée de Nanterre avait dévié 530 000 euros destinés à la construction d’une mosquée.

Pour éclaircir le financement, l’Observatoire de la laïcité suggère plusieurs pistes. L’organisme propose de renforcer le contrôle financier, sur pièces, prévu par l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 portant séparation de l’Église et de l’État, et d’étendre ce contrôle aux associations de la loi de 1901 qui ont pour objet l’entretien ou la construction des édifices cultuels. Seules les associations d’utilité publique de loi 1901 ou celles ayant une activité économique ou bénéficiant d’une aide publique supérieure à 153 000 euros sont dans l’obligation de publier leurs comptes. L’Observatoire propose également d’abaisser le seuil des montants reçus pour la certification des comptes de 153 000 à 100 000 euros annuels ; à partir de ce nouveau plancher, une association devrait nommer un commissaire aux comptes pour qu’il établisse une certification de sa trésorerie. Le rapport suggère « une contribution volontaire sur le halal » pour le financement du culte musulman, mais estime qu’elle « n’est envisageable que si elle est mise en place par les représentants du culte musulman eux-mêmes comme une redevance privée pour services rendus ». Est également avancée l’idée de permettre le rachat des baux emphytéotiques administratifs par lesquels les collectivités publiques ont accordé des terrains à des communautés religieuses pour l’édification de leurs lieux de culte, ce qui permettrait aux nombreuses églises catholiques érigées à partir des années 1930 qui voient leur bail arriver bientôt à terme de rester sur place. Enfin, alors que le  Code général des collectivités territoriales (articles L 2252-4 et L3231 - 5) prévoit actuellement la possibilité pour les agglomérations en voie de développement d’accorder des garanties d’emprunt aux communautés qui souhaitent obtenir des lieux de culte correspond au nombre de leurs fidèles, le rapport suggère d’étendre ce droit à tout le territoire pour que les collectivités rurales puissent, si elles le veulent, répondre favorablement aux associations souhaitant obtenir une garantie d’emprunt afin d’avoir un accès plus facile aux emprunts bancaires.

Ce rapport encourage à faciliter l’installation des lieux de culte et à toujours plus composer avec la loi du 9 décembre 1905, alors que récemment le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, avait proposé que les collectivités publiques mettent des églises vides à la disposition des communautés musulmanes. Actuellement, des maires subventionnent indirectement le culte musulman par le financement légal des activités culturelles comme les salles de cours,  mais aussi des cultes d’autre confession comme la cathédrale D’Évry à l’intérieur de laquelle se trouvait un centre culturel, achevée il y a 20 ans et financièrement soutenue par l’État à hauteur de 5 millions de francs. La Fondation de l’islam devrait permettre de réduire les dons des États étrangers afin d’assurer l’autonomie des musulmans en France.

Hans-Søren Dag


Articles récents >

Résumé des articles du 26 novembre 2024

outlined-grey clock icon

Les nouvelles récentes >