L’espace est un environnement inhospitalier, hostile, et l’activité de l’homme fait des parages circumterrestres une région encore davantage périlleuse. Des débris d’origine humaine pullulent autour de la planète bleue, mettant en danger les satellites ou les vols habités. Modèle de propreté, le Japon a décidé de passer le balai dans l’espace.
L‘Agence spatiale japonaise (JAXA) a envoyé dans l’espace, vendredi 9 décembre, le vaisseau cargo spatial Kounotori 6″ (Cigogne), lancé par une fusée H-IIB. L’organisation nippone avait fixé sur le vaisseau, destiné à ravitailler la station spatiale internationale (ISS), un engin qui a pour mission de regrouper les débris spatiaux pour... faire de l’espace. Libéré quelques heures après le décollage, le satellite nettoyeur s’est placé en orbite, et il poussera les petits et gros morceaux d’appareils spatiaux qui tournent au-dessus de nos têtes.
L’appareil comprend une longe électrodynamique faite de filaments d’acier et d’aluminium qui, une fois déployée, doit délivrer de l’électricité en tournoyant au contact du champ magnétique de la Terre. Cette énergie électrique ainsi créée devrait ralentir les débris en les attirant, avant de les balayer vers l’atmosphère terrestre pour qu’ils s’y désintègrent.
Un espace de plus en plus encombré, de plus en plus dangereux pour les missions
Depuis 1957, et le lancement du premier satellite, Spoutnik, le nombre d’envois dans l’espace a connu une augmentation exponentielle, de plus en plus d’États s’y livrant - sans parler des entreprises privées dont sont responsables les États auxquels elles sont soumises, selon le droit spatial. S’il y avait 1 419 satellites opérationnels, à la mi-mai de cette année (dont 576 américains, 181 chinois et 140 russes), qui peuvent éclater en débris s’ils sont frappés, il y aurait, au moins 29 000 objets de plus de 10 cm selon les estimations de l’Agence spatiale européenne (ESA) en 2013, et plus de 300 000 morceaux d’une taille allant d’1 à 10 cm d’après ses chiffres données quatre ans auparavant. En septembre 2013, la NASA donnait le chiffre de 500 000. Tout ceux au-delà de 10 cm en orbite terrestre basse (jusqu’à 2 000 km d’altitude) et dépassant le mètre en orbite géostationnaire (environ 36 000 km) sont suivis depuis la Terre par l’US Surveillance Network.
La détection au sol permet notamment d’avertir les occupants de l’ISS pour qu’ils évitent les débris. Il leur est d’ailleurs déjà arrivé à quelques reprises de devoir se réfugier dans les capsules Soyouz pour être prêts à regagner la Terre quand il n’y avait plus assez de temps pour rehausser l’orbite de la station afin d’éviter un éventuel impact. Un débris d’une dizaine de cm heurtant la station, grande comme un terrain de football, pourrait causer une dépressurisation. L’ESA a mis en ligne l’image d’un petit impact sur une vitre de l’ISS, suite à un heurt en avril dernier. Mais si les capsules venaient à être touchées par des débris, les occupants n’auraient pas plus de chance de survie. Des dizaines de milliers de débris circulant à plus de 28 000 km/h sont un danger considérable, surtout dans cet environnement où le sauvetage de l’extérieur est impossible. D’où l’urgence de nettoyer et l’importance du travail de la corde électrodynamique de l’agence japonaise, d’autant que des projets de tourisme spatial sont sortis des cartons.
Ironie du sort, la JAXA avait perdu son satellite Hitomi en mars de cette année, un mois après son lancement, alors que depuis des années l’agence se prépare à nettoyer l’espace. Fin février 2014, le Japon avait placé en orbite un filet magnétique pour tester la possibilité de faire le ménage, prévoyant, si tout allait bien, de lancer en 2019 une mission non plus expérimentale, mais de réel nettoyage. Un projet sur lequel planchent d’autres agences, dont l’ESA qui devrait lancer sa mission en 2021.
Hans-Søren Dag
Crédit image et vidéo : Nasa