Lois contre le blasphème et le prosélytisme, fermeture de 16 églises évangéliques : Graves atteintes à la liberté religieuse en Algérie
Un récent rapport de l’USCIRF dénonce la « violation grave du droit international sur la liberté religieuse » en Algérie.
La Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) a publié récemment un nouveau rapport sur les conditions de la liberté religieuse en Algérie. Elle y met en évidence les aspects de la loi algérienne incompatibles avec les protections juridiques internationales de la liberté de religion ou de conviction, notamment les lois contre le blasphème et le prosélytisme.
« Ces dernières années, le gouvernement algérien a de plus en plus appliqué ces lois, emprisonnant des individus pour blasphème et prosélytisme », peut-on lire dans le rapport, qui précise, « il a également interprété d’autres préceptes juridiques d’une manière qui porte atteinte au droit de culte des Algériens ».
Le rapport rappelle que la Constitution algérienne considère le droit d’opinion comme étant « inviolable » et protège le droit de culte « s’il s’exerce conformément à la loi ». Il précise aussi que l’Algérie a ratifié la Convention internationale relative aux droits civils et politiques en 1989, dont l’article 18 qui accorde à tous les individus le droit de manifester sa religion ou ses convictions par le culte, la pratique, l’observance et l’enseignement. Mais il déplore le fait que d’autres lois menacent ce droit, notamment les lois contre le blasphème et le prosélytisme. Or l’application de ces lois s’est accrue ces dernières années, selon les experts de l’USCIRF, pour qui cela constitue « une violation grave du droit international
sur la liberté religieuse ».
Selon le Code Pénal algérien, tout individu qui « offense le Prophète et les messagers de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam, que ce soit par écrit, par des œuvres d’art, par la parole ou tout autre moyen » peut être passible de trois à cinq ans de prison et du paiement dune amende comprise entre 50 000 et 100 000 dinars algériens (environ 350 à 700 euros).
Quant à l’ordonnance 06-03 publiée en 2006, l’USCIRF estime que « bien que cette ordonnance vise à protéger les droits des non-musulmans de pratiquer leur culte en communauté les uns avec les autres et en public, elle impose également des restrictions injustifiées aux droits des non-musulmans de manifester leur religion publiquement par l’enseignement ».
Selon l’article 11 de cette ordonnance 06-03, quiconque « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction dans le but de convertir un musulman à une autre religion ; ou utilise à cette fin des établissements d’enseignement, d’éducation, de santé, à caractère social et/ou culturel, des instituts de formation, ou tout autre établissement, ou tout autre moyen financier » est passible d’une peine allant de trois à cinq ans de prison et d’une amende de 500 000 à 1 million de dinars algériens (environ 3 500 à 7 000 euros). Quiconque « réalise, stocke ou distribue des documents imprimés ou des séquences audiovisuelles ou par tout autre support ou moyen visant à ébranler la foi d’un musulman » est passible des mêmes peines.
Et selon les experts de l’USCIRF, la mise en œuvre de cette ordonnance « discrimine les minorités religieuses, en particulier les protestants évangéliques ».
Le rapport pointe également les lois qui régissent le culte. « Pour les Algériens pratiquant le culte non musulman », peut-on lire dans le rapport, « l’ordonnance 06-03 exige que le culte collectif se déroule exclusivement dans des bâtiments autorisés à cette fonction par la Commission nationale du culte non musulman ». Les experts précisent que « le gouvernement aurait refusé d’accuser réception de la demande d’enregistrement de l’Association protestante évangélique (EPA) et aurait forcé au moins 16 églises de l’EPA à fermer en raison de leur statut non enregistré ». Selon des groupes de défense, « les autorités gouvernementales ont fait pression sur les églises membres de l’EPA pour qu’elles demandent un statut indépendamment de l’EPA, cherchant prétendument à affaiblir la cohésion de la communauté protestante évangélique ».
L’USCIRF avait placé l’Algérie sur sa Liste de Surveillance Spéciale en 2021. Le gouvernement américain avait alors fait pression sur le gouvernement algérien. Pour ces graves violations de la liberté religieuse internationale, la Commission demande au gouvernement américain de maintenir l’Algérie sur cette liste. « En outre », conclut le rapport, « pour encourager le gouvernement algérien à éviter de répéter les erreurs du passé, le gouvernement américain devrait aider les autorités algériennes à adopter des réformes politiques adaptées et progressives pour mettre la législation et la pratique algériennes en conformité avec les normes juridiques internationales ».
M.C.