L’immigration américaine s’en prend à des responsables d’Église et à des chrétiens fuyant la persécution

La semaine dernière, des Iraniens demandeurs d’asile ont été arrêtés à Los Angeles. Ils s’ajoutent à d’autres chrétiens appréhendés malgré un statut légal.
Le 19 juin, tandis que l’Iran et Israël échangeaient des tirs de missiles et que les autorités américaines finalisaient secrètement des plans pour envoyer des bombardiers frapper les sites nucléaires iraniens, le pasteur Ara Torosian adressait une lettre à son Église.
Torosian, pasteur iranien de l’Église Cornerstone West à Los Angeles, est responsable en son sein de la communauté farsi. Il est arrivé aux États-Unis comme réfugié il y a quinze ans, après avoir été emprisonné en raison de sa foi. Depuis, il porte une prière constante dans son cœur, écrivait-il : "que l’Iran soit libre". Des explosions secouaient désormais Téhéran et d’autres villes iraniennes, blessant et tuant enfants et personnes âgées. À distance, depuis l’autre bout du monde, Torosian portait de nouveaux fardeaux.
"Il y a en ce moment des personnes en Iran qui ont été baptisées dans cette même Église et qui continuent d’écouter régulièrement nos sermons. Nous sommes loin d’eux", écrivait-il, exhortant les chrétiens anglophones et hispanophones de Cornerstone à se tenir aux côtés des fidèles persanophones et à prier pour eux. "Nous, croyants farsis, vivons chaque minute avec le cœur lourd. Nous nous demandons : nos proches sont-ils en sécurité ? Sont-ils encore en vie ? Que leur arrive-t-il ?"
Mais cinq jours plus tard, la souffrance s’est brutalement rapprochée.
Le 24 juin, le pasteur s’est retrouvé à filmer avec son téléphone l’arrestation sur un trottoir de Los Angeles de deux membres de son Église par des agents masqués de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement - service de l’immigration étatsunien). Selon Torosian, le couple iranien, mari et femme, avait une demande d’asile en cours. Ils avaient fui l’Iran par peur d’être persécutés pour leur foi chrétienne et fréquentaient sa communauté depuis environ un an.
Ces interpellations s’ajoutent à un nombre croissant de chrétiens et de membres d’église à la recherche de protection religieuse arrêtés par l’ICE. Souvent sans antécédents criminels apparents, bon nombre d’entre eux étaient présents légalement aux États-Unis et respectaient les consignes des tribunaux d’immigration. L’ICE avait jusque-là pour habitude de ne pas expulser les demandeurs d’asile en attente, autorisés à travailler pendant l’instruction de leur dossier.
Plus tôt dans la même semaine, selon Torosian, une autre famille chrétienne iranienne fréquentant Cornerstone avait été arrêtée par l’ICE. D’autres personnes engagées dans le ministère nous ont rapporté avoir entendu d’autres cas similaires ces derniers jours. Ces informations font écho aux récits de chrétiens iraniens déjà expulsés vers des pays comme le Panama, où certains se trouvent encore.
Les arrestations liées à l’immigration secouent les communautés chrétiennes à travers tout les États-Unis. En avril, Kasper Eriksen, un citoyen danois et père de quatre enfants instruits à la maison dans le Mississippi, était arrêté lors de sa dernière audition de naturalisation, en raison d’une erreur administrative. À la fin du mois de mai, il était toujours détenu par l’ICE. "Nous avons une armée de guerriers de prière qui se battent pour nous", écrivait son épouse Savannah, citoyenne américaine, dans un appel aux dons.
Également en avril, le pasteur Maurilio Ambrocio a été arrêté lors d’un contrôle de routine de l’ICE. Il vivait aux États-Unis depuis 20 ans. Son église de Tampa, en Floride, servait même de bureau de vote. L’ICE a justifié cette arrestation en affirmant que le pasteur était en situation irrégulière.
Non loin de là, à la même période, un responsable de petit groupe et diacre d’une autre église de Tampa a lui aussi été interpellé. Gonzalo Antonio Segura partait travailler comme homme à tout faire un jeudi matin début avril. Les agents de l’immigration l’ont arrêté devant sa voiture.
Ramon Nina, pasteur de Segura à l’Iglesia Comunidad de Fe, nous raconte que son téléphone a sonné à sept heures du matin pendant sa prière : c’était l’épouse de Segura, bouleversée, lui annonçant que son mari avait été arrêté, la laissant seule avec leurs deux enfants. "Je n’arrive pas à effacer ses cris de ma mémoire", raconte Nina en espagnol. "C’était un homme très aimé, respecté, avec un cœur de serviteur."
Le pasteur et l’église ont engagé un avocat — un autre pasteur de Floride — et ont sillonné l’État pour retrouver Segura, déplacé d’un centre de détention à l’autre, de Clearwater à Miami. Aucun centre de l’ICE n’a accepté de visite pastorale. Finalement, Segura a été transféré au Texas.
"Mon Église est conservatrice. Elle vote conservateur. Mais après ce qui est arrivé à Antonio, tous ont réalisé que cette procédure est éhontée. C’est de la discrimination", déclare le pasteur. Segura vivait dans le pays depuis vingt ans. D’après les archives de l’État de Floride, il avait été arrêté une fois, il y a dix-sept ans, pour conduite sans permis — un délit mineur.
"Il était sans papiers. Tel était son crime, bien sûr. Mais je pense qu’un homme comme lui mérite une grâce. Le président des États-Unis vient de gracier une famille condamnée pour fraude fiscale", dit Nina, faisant référence à l’homme d’affaires Paul Walczak.
En mai et juin, alors que l’administration s’efforçait d’atteindre ses objectifs élevés d’expulsions, elle a intensifié les arrestations de migrants sans casier judiciaire. Selon les données gouvernementales, 65 % des personnes incarcérées par l’ICE ne sont pas des criminels. Seuls 7 % ont été condamnés pour des infractions violentes.
Le Département de la Sécurité intérieure a indiqué dans des documents judiciaires vouloir également prioriser l’expulsion des migrants à l’encontre desquels des accusations ont été abandonnées, et il a mis fin à certaines protections pour des chrétiens persécutés dans leur pays, comme des Afghans.
À Los Angeles, Torosian raconte que le couple iranien de son église l’a appelé à l’aide quand les agents les ont approchés près de leur domicile. Tandis qu’il filme les agents ligotant le mari — dont nous ne publions pas le nom —, le pasteur les interpelle : "C’est un demandeur d’asile."
"Peu importe", répond un agent dans la vidéo.
"Il est entré avec CBP One", réplique Torosian, en référence à l’application désormais abandonnée utilisée sous l’administration Biden pour demander légalement l’entrée dans le pays.
"Ce n’est plus valable. C’est pour ça qu’il est arrêté", dit un autre agent.
Quelques secondes plus tard, l’épouse du détenu s’effondre dans l’herbe, apparemment victime d’une crise de panique, prise de convulsions et d’hyperventilation. Torosian s’approche pour la réconforter. Les agents lui ordonnent de reculer, le menaçant de l’arrêter s’il s’approche.
Le pasteur demande s’il peut les accompagner ou les suivre. "Ils ont besoin de moi", dit-il. Un agent lui répond que ce n’est pas possible.
Torosian explique aux agents que le couple a été persécuté en Iran et qu’il a fui à cause de sa foi.
Les agents ne répondent pas.
"Ils sont venus ici pour la liberté, pas pour ça", dit Torosian aux agents. "Je sais que vous faites votre travail, mais honte à vous. Honte à ce gouvernement."
Andy Olsen
Un article de Christianity Today. Traduit avec autorisation. Retrouvez tous les articles en français de Christianity Today.