L’histoire de Petr Jasek, incarcéré et torturé par ses co-détenus au Soudan pour avoir offert des soins à un chrétien

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Petr Jasek est tchèque. En 2015, il a été fait prisonnier alors qu’il s’apprêtait à quitter le Soudan. Son tort ? Avoir payé les soins d’un chrétien blessé lors d’une manifestation.

Petr Jasek a été emprisonné au Soudan en décembre 2015. Alors qu’il s’apprête à quitter le pays, un agent de la sécurité soudanaise l’interpelle à l’aéroport. Il est conduit au poste de sécurité. On lui reproche d’avoir porté secours à un homme brûlé et de propager des informations qui ternissent l’image du Soudan.

« Ils ont commencé à me montrer des photos de toutes les réunions où je suis allé. J’ai compris qu’ils m’avaient suivi durant tout mon séjour au Soudan.[...] Ils ont réussi à récupérer les photos de l’homme brûlé, ils ont réussi à récupérer des photos où je donne de l’argent. »

Il est ensuite transféré dans un bâtiment gardé par des militaires et des hommes armés sans uniforme.

« Ils m’ont placé dans une cellule. En ouvrant la porte de la cellule, ils ont réveillé 6 autres personnes qui y dormaient. La cellule était conçue pour 1 personne : il y avait un lit métallique, une table, une chaise et quelque chose qui ressemblait à des toilettes. Il n’y avait pas de place pour que je dorme. Le sol était couvert de personnes. Il les ont juste poussées et m’ont dit « C’est votre place ». »

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Quelques temps après, il est conduit dans la prison de Al-Houda.

« Là vous voyez la prison en vrai, vous savez, comme on la voit dans les films. Il y avait des meurtriers, des violeurs, des kidnappeurs, des trafiquants de drogue. Ce fut un choc pour moi. [...] Je dirais que dans chaque cellule il y avait des islamistes. Il n’y avait pas de possibilité d’être dans cette prison et de ne pas entrer en contact direct avec des islamistes. [...] Petit à petit ils ont commencé à restreindre ma liberté de mouvement dans la cellule. Au début je devais rester derrière eux, puis ils ont décidé que, pendant leur temps de prière, je devais aller aux toilettes. Puis ils ont dit “Quand on prie, tu dois être face à la cuvette des toilettes.” ils ont donc progressivement limité ma liberté. La situation s’est empirée quand un type, qui semblait être à la tête d’un réseau d’armes de contrebande qui avait fourni des armes aux islamistes en Europe, a décidé (ce que j’ai compris plus tard) d’être dans la cellule avec moi afin de découvrir des choses à mon sujet. Au début, il m’a semblé amical, parce qu’il voulait des informations à mon sujet. Puis il a montré son vrai visage, le pire qui soit. Il a instrumentalisé tous les autres. Ils m’ont traité de sale porc, de sale rat. Ils ont commencé à restreindre mes mouvements. Ils m’ont demandé de m’asseoir dans un coin avec les jambes croisées, ce qui était très douloureux pour moi, ou de rester debout pendant des heures au même endroit. Puis ils m’ont demandé de laver toute la vaisselle, puis en plus de cela, de laver leurs sous-vêtements. J’étais là-bas comme un esclave. Ils prévoyaient de me torturer plus encore. Ils voulaient m’interroger comme les islamistes. “ Quel est votre objectif ? Vous êtes chrétien, hein ? Alors que faites-vous ici ?”

Pendant leurs interrogatoires, si les réponses ne convenaient pas, il était battu avec un manche à balai, frappé à coups de pieds. Quelqu’un qui avait été garde du corps d’Oussama Ben Laden à 12 ans, montrait aux islamistes comment tuer quelqu’un en quelques secondes avec du fil de pêche.

« Dans ces moments, je commençais à me demander si j’allais rester sain d’esprit ou si j’allais devenir fou. Ce n’est pas principalement la torture physique, les coups que l’on vous porte, qui vous abat, mais la torture mentale. Quand vous perdez la tête et que vous pensez devenir fou, c’est la pire torture qu’on puisse expérimenter en prison. »

Petr ne tentait pas de se venger, de rendre les coups, il ne résistait pas. Cela les rendait furieux. Alors ils allaient toujours plus loin dans la cruauté. Un jour, ils ont voulu le torturer avec de l’eau, par suffocation. Mais un gardien, qui était connu pour ne pas coopérer avec les islamistes, a entendu les bruits dans la cellule.

« Il a remarqué qu’ils allaient me faire du mal. Immédiatement, il a ouvert la cellule, il m’a ordonné de prendre toutes mes affaires et de quitter la cellule. Tout le monde a été choqué, parce qu’ils voulaient me torturer, me noyer. »

Il a alors été conduit dans une nouvelle cellule où il n’y avait que 2 autres prisonniers, qui ont immédiatement partagé leur nourriture avec lui.

Petr considère comme un honneur le fait d’avoir été persécuté pour sa foi en Jésus.

« Et je pense aussi qu’à ce moment, quand vous pensez que tout cela est au-dessus de vos forces, il y a une force surnaturelle, que vous recevez d’en haut, et vous êtes alors capable de traverser ce moment difficile de persécution. [...] Je dirai que ma vie de prière est devenue beaucoup, beaucoup plus profonde qu’auparavant. Je me souviens que quand j’étais à l’isolement, j’avais toute la journée pour prier. Je me souviens qu’il y avait des jours où je n’ai pas cessé de prier, de l’aube au crépuscule. »

Un jour, Petr a pu avoir une Bible. Il craignait qu’on la lui reprenne alors, il a mémorisé de nombreux versets. Il a ensuite réalisé que le Seigneur allait se servir de lui pour évangéliser ses co-détenus.

« C’était surtout évident à la prison d’Al-Houda, où il y avait une chapelle. Alors j’ai compris et je me suis dit à moi-même ‘le temps que tu as eu pour lire ta Bible, pour prier, c’est maintenant le moment d’utiliser cette expérience et de la partager aux autres’. Donc c’est devenu évident pour moi que tout était prévu par Dieu. »

Petr a été libéré de prison le 23 février 2017. Il a été gracié par le président après 15 mois de détention. De retour chez lui, il se bat pour la libération des deux soudanais qui avaient été condamnés en même temps que lui.

« Je voudrais dire que même si j’ai été libéré il y a quelques mois, mon coeur est toujours au Soudan. Mon coeur est toujours avec ceux qui sont là-bas. Il y a deux personnes, Hassan Kodi et Abdulmonem Issa, qui attendent toujours la Cour d’Appel. [...] Et je considère comme un privilège d’être leur voix et de parler en leur nom. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour les libérer. Je peux vous dire que les chrétiens locaux ne sont pas découragés de continuer leur travail, de continuer de témoigner de leur foi. Parce qu’ils sont bien plus encouragés, bien plus courageux qu’ils ne l’étaient auparavant. »

La rédaction

Article initialement publié en octobre 2018


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