C’était le 31 janvier 1990, 13 h 30. Je roulais à 150 à l’heure, vitesse formellement interdite, direction l’hôpital. Un coup de fil urgent de ma femme m’avait averti que l’accouchement de notre deuxième enfant avait commencé. Je priais. « Seigneur, que l’accouchement soit sans problèmes, que l’enfant soit en bonne santé ! ». Pendant la grossesse, il n’y avait pas eu de problèmes, si ce n’est que l’enfant s’était retourné complètement dans l’utérus, tête en haut, pieds en bas, juste quelques semaines avant la date prévue. Pourquoi se faire des soucis ?
Le nom prévu pour un garçon était « David », le bien-aimé. Nom que j’avais très précisément reçu du Seigneur, m’indiquant en même temps qu’il s’agissait d’un garçon (chose contestée par ma femme, qui avait prévu plutôt une Hannah...). « Quel texte devrions nous mettre sur la carte, Seigneur ? » pensais-je, en dépassant encore une voiture. Immédiatement, le verset me vint à l’esprit :
Que tout ce qui respire, loue l’Eternel !
Psaume 150:6
Ce ne fut que plus tard que je compris l’exactitude et la grâce magnifique du Seigneur, en nous donnant ce verset...
L’accouchement fut très facile. Le pied sortit en premier. Je blaguais avec la sage-femme « vite, mettez un fil rouge ! », sachant qu’elle était chrétienne. Elle me regarda une fraction de seconde, avec un éclair de compréhension dans ses yeux, continuant son travail. Il n’y avait aucun problème. Puisqu’il s’agissait d’un accouchement pied-avant, une gynécologue était aussi présente. Elle prit le bébé à part, tandis que je m’occupais de ma femme, contente d’avoir fini ce labeur.
« M. de Groot, voudriez-vous venir un moment s’il vous plaît ? »
Mon cœur s’arrêta le temps d’un battementMon cœur s’arrêta le temps d’un battement, et j’étais auprès d’elle en une demi-seconde. Sans délibération, elle me dit que vu certaines caractéristiques, il y avait une chance sur deux que l’enfant ait le Syndrome de Down. Il n’y aurait pas de certitude absolue avant qu’une prise de sang soit faite. Il fallait attendre 10 jours pour obtenir les résultats. Je laissais pénétrer cette nouvelle un moment avant de la partager avec ma femme. Il y avait une grâce et une paix intérieure surnaturelles lorsque je dis à Jacqueline ce que je venais d’entendre. Aucun choc, aucune détresse.
« Qu’importe, me dit-elle, il reste notre enfant ! »
Ces mots se répétaient dans ma tête « erreur de la nature... » Les dix jours furent difficiles. Le docteur nous rassurait, tout le monde nous rassurait, mais nous le savions déjà, intérieurement... Pourtant, il y avait un espoir vague, lointain, lorsque nous entrâmes dans le cabinet du docteur pour entendre le verdict final. Un poste jouait de la musique classique. Vivaldi, les quatre saisons. David était chez nous, dans son bébé-relax. La doctoresse nous dit que la prise de sang avait montré que David avait le syndrome de Down et que cela était dû à une « erreur de la nature », et non pas à une cause héréditaire. Ces mots se répétaient dans ma tête « erreur de la nature »... Erreur ??? Nous sortîmes sans beaucoup de mots pour rentrer chez nous. Sur le canapé, nous nous regardions. Que pourrions-nous faire si ce n’est prier ? Il fallait céder...
Quelques années plus tard, nous apprîmes que David, à part sa trisomie, est de plus, pratiquement sourd : 80 à 90 % à gauche, et 50 % à droite. Probablement suite à cela, il n’a jamais parlé, et reste muet à ce jour. De plus des caractéristiques autistiques se sont manifestées plus tard. Maintenant, nous savons qu’en fait, ce sont ces deux dernières qui se révèlent ses handicaps les plus importants, puisque c’est ce qui l’empêche complètement de parler jusqu’à maintenant. Combien la communication est importante !
La réaction des « autres »...
David était un bébé plus que mignon. Tranquille, doux, câlin. Mais, il y avait une chose avec laquelle nous n’avions pas compté : la réaction « des autres »... Visiblement, les gens avaient beaucoup plus de problèmes que nous avec un enfant handicapé ! Ils étaient gênés, ne savaient pas vraiment quoi dire, comment répondre... Finalement, pour soulager l’église, je leur ai dit :
« Nous n’avons pas de problèmes avec notre bébé, nous souhaiterions que vous n’en ayez pas non plus ! »
C’est à partir de ce moment que le Seigneur a commencé à nous apprendre beaucoup de leçons, peut-être surtout à moi, en tant qu’homme. Je n’avais pas trop l’habitude de céder devant les problèmes, s’il y avait la moindre possibilité de les résoudre.
- En tant que chrétien, avec une telle attitude, combien de fois avons nous compté (sans le réaliser peut-être), plutôt sur notre propre force et notre propre intelligence pour demander au Seigneur de nous suivre sans lui laisser la place d’abord ?
- Comment je regarde moi ce qui est faible ?
- Et comment est-ce que Dieu le regarde ?
- En fait, quelles sont mes valeurs ?
- Comment est-ce que j’estime quelqu’un qui est devant moi ?
- Ou, plutôt, selon quelle référence ?
- Comment est-ce que je désire qu’on m’estime, moi ?
Notre David, le bien-aimé, nous est un rappel continuel que
« La folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes... Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes.”
1 Corinthiens 1:25-27
Vraiment, la meilleure chose qu’il puisse nous arriver le matin, c’est de recevoir un sourire de David !
Quant à la société, nous apprîmes rapidement que les handicapés sont difficilement intégrés dans l’organisation humaine, toujours focalisée sur ce qui est fort, impressionnant et réussi. On les tolère, on les met dans une place à part, payée par la Sécu, parfois il y a des essais pour les intégrer dans ce « planning » humain, tout cela selon la gravité de l’handicap.
- Mais, est-ce vraiment le but de Dieu que les handicapés soient intégrés aussi bien que possible dans notre système pour s’adapter à notre modèle ?
- Est-ce qu’il faut vraiment juger la gravité d’un handicap de quelqu’un par rapport à sa réussite, ou son absence de réussite dans la société humaine telle que nous l’avons créée ?
- Serait-il possible que Dieu permette certaines « erreurs de la nature » pour nous rappeler que nos valeurs ne sont pas toujours en rapport avec les siennes, pour voir comment nous nous comportons devant les choses « faibles de ce monde », pour tester la douceur, ou la dureté, de notre caractère ?
- Comment Jésus réagirait-Il à notre place ?
- En fait, que va-t-il rester, à la fin, et après ? Ce monde présent, ou ce caractère doux de quelqu’un qui est appelé « handicapé » ?
Quant à nous, ma femme et moi, une des choses auxquelles nous nous attendons le plus une fois arrivés au ciel, c’est de rencontrer notre David SANS syndrome de Down, et d’écouter sa voix nous dire « Me voici, papa, maman, comment allez-vous ? » !
Une parole sur la guérison divine : nous y croyons fortement. En fait, il a fallu des années avant que nous puissions accepter que le Seigneur puisse choisir de guérir David pour Sa gloire. Pour nous, il est bien comme il est. Bien-sûr, en tant que famille, il y a des choses que nous ne pouvons faire que plus difficilement que les autres. Il est plus difficile de demander à quelqu’un de garder David quelques jours pour que nous puissions partir ensemble, que pour les autres enfants. David est très sensible à toutes sortes d’infections, comme la plupart des enfants trisomiques. Mais, de l’autre part, combien de fois n’avons nous pas vu une amélioration miraculeuse dans sa situation après avoir prié encore une fois pour lui ? Nous savons que Jésus est bien capable de le guérir, comme Il a ressuscité Lazare de la mort, en lui créant un corps tout neuf.
Au travers de David, Dieu nous a permis de regarder plus avec les yeux spirituels pour voir les choses éternellesEn fait, nous connaissons plusieurs histoires vraies de personnes guéries d’une trisomie. A ce jour, David a 26 ans et, nous continuons de proclamer la Parole, tous les jours, dans la foi, dans la confiance que Dieu connaît l’heure, pour Sa gloire, sans pression, sans être forcé. Nous savons que même sa trisomie n’est que temporaire et ne durera que le temps ici sur terre ! Et entre-temps ? Nous en tirons profit. Nous apprenons à adoucir nos cœurs, nous enseignons à nos autres enfants à compter avec ce qui est faible et à lui donner place dans leur cœur. Nous nous appliquons à faire place à Dieu, et il nous montre à chaque fois, face à notre David trisomique, combien nous sommes dépendants de lui pour vivre et faire quoi que ce soit. Au travers de David, Dieu nous a permis de regarder plus avec les yeux spirituels pour voir les choses éternelles.
Est-ce qu’il faut réserver une place pour les handicapés dans notre société ? Je le crois, mais veillons à ne pas trop leur donner la place que nous leur avons désignée, en la mesurant avec notre mesure. Donnons aux handicapés d’abord une place dans notre cœur. Ils trouveront ensuite leur place dans la société, sans problèmes. Et après ? « Que TOUT ce qui respire, loue l’Eternel ! » Même les handicapés !
René De Groot
Directeur de Derek Prince Ministries France