Les voies du Seigneur sont impénétrables, selon la Bible. Pourtant, sur le front de l'Est de l'Ukraine, l'un de ses représentants les emprunte dans une vieille Lada bleue.
"Je l'ai achetée pour être plus mobile, pour aller au front prier avec les soldats", raconte Mykola Berezyk, aumônier de la 95e Brigade d'assaut aérien.
Avec ses vêtements de camouflage et ses grosses bottes d'hiver, il ressemble à nombre de militaires ukrainiens combattant l'armée russe dans le Donbass.
"Père Mykola" ne porte pas de mitrailleuse: sa seule protection est une grande croix d'argent suspendue à une lourde chaîne autour de son cou.
Le prêtre orthodoxe ukrainien ouvre le coffre de sa Lada pour en sortir un grand bol en étain pour l'eau bénite, un paquet de bougies fines et une mallette contenant sa Bible.
Le jeune homme dégarni âgé de 28 ans dit avoir ressenti un premier appel spirituel à la prêtrise lorsqu'il a commencé à assister à des services religieux il y a 10 ans, alors qu'il cherchait un sens à la vie.
Mais il a finalement travaillé dans le bâtiment, puis rejoint une unité d'artillerie de l'armée ukrainienne pendant trois ans jusqu'en 2020, à l'époque où Kiev combattait dans l'Est des séparatistes pilotés par Moscou.
Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine il y a un an, il est retourné en première ligne. En août 2022, il est blessé par un éclat qui s'est logé à deux centimètres de son cœur.
Sur son lit d'hôpital, il a eu une "révélation" selon laquelle son devoir était maintenant de s'occuper spirituellement de ses frères d'armes.
"La guerre nous a montré qu'il ne suffit pas de nourrir et d'équiper des soldats et de leur donner des armes", dit-il à l'AFP. "Ils ont aussi besoin d'un soutien spirituel".
Porte-bonheur
Lorsque des parachutistes épuisés reviennent de la ligne de front dans la maison où ils sont cantonnés, Mykola est là. Les hommes retirent leur bonnet en signe de respect.
Sous une lumière clignotante, le prêtre les accueille, vêtu d'une soutane noire recouverte d'ornements liturgiques rouges et dorés.
"Le monde entier doit savoir que nous ne combattons pas seulement avec des fusils mais avec la parole de Dieu", dit-il. "Nous nous battons sur le champ de bataille avec notre cœur et notre âme."
Des gilets pare-balles et des fusils sont appuyés contre le mur. Des soldats font des génuflexions et une douce odeur d'encens s'échappe d'un encensoir doré.
Des passages bibliques sont lus, le prêtre prie pour la paix. Il implore la protection divine pour les militaires de l'unité et les bénit en les aspergeant avec de l'eau bénite et en leur enduisant le front d'une onction d'huile.
Le soldat "Tikhiy", 37 ans, a quelques décorations de sapin de Noël et des jouets pour enfants fourrés dans ses poches pour porter chance sur le champ de bataille.
La prière avant la bataille fonctionne comme un talisman supplémentaire, estime-t-il. "Cela te rend absolument calme", poursuit le militaire.
Et "après le combat, on a l'impression qu'un poids a été enlevé de ton âme", ajoute un de ses camarades, Zalizny, 28 ans.
"C'est très dur"
Alors que les parachutistes se glissent dans leurs sacs de couchage, une autre unité se prépare à partir sur la ligne de front. Cette fois, les prières sont dites à l'extérieur.
Pour Cook, 40 ans, ces cérémonies sont une partie importante de la bataille existentielle de l'Ukraine.
La Russie a peut-être plus d'armes, dit-il, mais une foi plus forte donne l'avantage à l'Ukraine.
"Je sais que l'Ukraine sera sauvée", assure "Cook". "C'est très dur mais nous tiendrons".
Pour les soldats Dmytro, 28 ans, et Tankie, 21 ans, la foi fournit aux troupes le réconfort et le soutien dont elles ont besoin face aux horreurs de la guerre.
Le père Mykola réfléchit de son côté à la violation de l'interdit moral central du christianisme: "Tu ne tueras point".
Pour lui, sans aucun doute, les troupes ukrainiennes ont la morale de leur côté car elles défendent leur famille, leurs amis et leur pays.
"Il y a de nombreux événements dans l'histoire où l'armée plus faible bat celle qui est plus forte avec l'aide de Dieu", souligne le prêtre."Nous battrons notre ennemi avec nos croix sur nos véhicules et Dieu au-dessus".
La Rédaction (avec AFP)