Dans cette nouvelle chronique, nous souhaitons aborder une nouvelle fois avec nos lecteurs un thème qui ne peut pas nous laisser indifférent. Ce sujet touche aux développements des sciences cognitives, des technologies numériques et digitales. L’ensemble des économistes, chercheurs, sociologues, pronostique un développement fabuleux de l’économie numérique et du monde virtuel dans lequel nous sommes en effet entrés en moins de deux décennies. Les évolutions technologiques liées au monde numérique si elles nous fascinent ne sont pas sans dangers notamment celles liées à leurs pouvoirs, leurs nouvelles capacités à tracer nos faits et gestes. Nous souhaitions donc aborder deux menaces occultes que font peser ces technologies sur l’homme, l’une touchant à son esprit, l’autre affectant ses ressources. Ce sont ces propensions de captation de la machine sur l’être humain que nous souhaitions dès lors débusquer en quelque sorte, mettre en lumière pour éveiller notre prudence.
L’envoûtement du monde numérique s’impose-t-il aujourd’hui comme une réalité ?
Le monde numérique comme le monde virtuel pourraient-ils demain, s’apparenter à un monde occulte dont nous aurions accepté les univers de divertissement, de contrôle et la prédiction concernant les orientations données à notre vie… ? Les banques de données des principaux sites web utilisent, exploitent et mobilisent ainsi une quantité d’informations qui permettent d’affiner les corrélations entre nos activités et l’environnement dans lequel nous évoluons et ce à des échelles bien plus massives et plus détaillées que nous pourrions l’imaginer. Le monde virtuel qui se confond avec le réel, nous promet également de nous déconnecter de notre quotidien. Ce monde virtuel n’ouvre-t-il pas également des portes à un monde magique mais sans doute demain cauchemardesque ?
Ainsi avec les nouveaux objets du monde numérique, nous pouvons planifier et organiser notre vie en relation ou en fonction des données concernant le temps qu’il fera à partir de notre smartphone et identifier les amis que nous pourrions rencontrer, amis qui ont pris soin de laisser des informations permettant de les géolocaliser. Au cours de notre trajet nous nous laissons tenter de nous rendre dans un restaurant, où nous pouvons régler avec notre compte bancaire de notre smartphone. Lequel restaurant sachant que nous sommes dans les parages nous adresse une info promotionnelle sur notre smartphone pour nous inviter à prendre un menu à un tarif très spécial et ne pas nous laisser dérouter par le concurrent voisin dont le menu est si séduisant.
Pour nous y rendre, notre GPS nous conseille une autre voie en raison de travaux réalisés à proximité de ce restaurant. Puis après avoir dîné et commandé sur un grand écran numérique notre repas, nous décidons de finir notre soirée dans les mondes virtuels en nous plongeant dans celui des écrans, de la réalité augmentée pour nous divertir et nous plonger dans les univers imaginaires. Ces univers qui mobilisent tous nos sens, où nous nous sentons comme dans la réalité mais transportés dans un autre monde où nos sens, tous nos sens vibrent et semblent interagir. Ces univers virtuels nous font vivre des émotions supra naturelles, des relations connectées, des vies ‘par contumace’. Notre imagination se prend à croire que nous touchons là, un autre monde, que nous sommes en quelque sorte passés de l’autre côté comme dans l’armoire magique de Narnia. Un monde ‘magique’ mais qui peut être aussi terrifiant lorsque nous sommes ramenés à notre réalité.
Nous voilà ainsi séduits par le monde virtuel. Nous voilà ainsi organisés et gérés par le monde numérique. C’est bien ce monde « fascinant » qui se dessine et dont nous acceptons peu à peu de lui livrer sans y réfléchir, ni même apprécier toutes les conséquences induites. C’est également à ce monde envoûtant que nous livrons notre conscience voulant vivre de nouvelles sensations sans discerner les effets funestes. Ces « data » prennent au fur et à mesure possession de nous-même, ces mondes virtuels envahissent notre monde intime un peu comme le monde occulte…
Nos gestes, nos usages, nos pratiques et nos actions dans ce monde virtuel comme dans le monde numérique sont susceptibles de participer à la construction de connaissances sans notre consentement et de dépendances sans que notre conscience l’ait réellement souhaitée. Peu à peu les data nous enferment dans des « segments et des ensembles comportementaux » liés aux traces que nous laissons suite à nos passages sur Internet. Peu à peu les mondes virtuels finiront par hypnotiser nos esprits car il est à parier que les télévisions de demain seront des objets qui nous projetteront dans les mondes irréels affichant des spectacles quasi surnaturels. Soyons assurés avec regret que nous passerons demain bien plus de temps dans ces mondes-là que d’aller prendre du temps pour boire une bonne bière ou partager une tasse de café avec un ami malade.
Des mondes virtuels et des « data » qui au fur et à mesure, développent leur emprise, envahissent notre monde intime un peu comme le monde occulte…
Le monde moderne ne nous entraînerait-il pas vers ce monde occulte, celui des objets magiques et fantastiques. Tels que ces objets de la modernité se dessinent aujourd’hui, ces derniers nous renvoient de façon très étonnante, j’en conviens, au Nouveau Testament duquel peuvent être tirés des enseignements riches.
Ainsi dans le récit des Actes, Luc l’évangéliste s’attarde sur le voyage missionnaire de Paul et son ministère auprès des éphésiens. La ville d’Éphèse au premier siècle préfigure en miniature la civilisation Babylonienne décrite par l’apôtre Jean comme une civilisation devenue une habitation de démons, le » « repaire » de tout esprit impur ». Pour revenir à Éphèse la ville au cours de ce premier siècle se caractérise par des pratiques occultes, les sciences touchant aux secrets de la nature. Les Actes nous disent qu’un grand nombre parmi les habitants d’Éphèse, pratiquait la magie, Actes XIX.17, une ville où plusieurs habitants étaient eux-mêmes et apparemment liés par des pratiques démoniaques.
Le monde numérique contemporain et ses objets virtuels, semble dans l’apparence loin de cet univers occulte décrit dans les Actes des apôtres, tout du moins en apparence. Pourtant le monde numérique poussé à ses extrêmes entraîne bien une forme de dépendance et de contrôle sur les sujets qui en sont consommateurs, certains jeux virtuels qui provoquent une sensation de plaisir, de relaxation, de bien-être, voire d’euphorie sont également reconnus comme pouvant susciter des désorientations, des perturbations et des troubles psychiques importants, similaires à des personnes dites possédées.
Or, nous prenons conscience que cet univers numérique est de nature à créer une forme finalement de fascination et de vampirisation sur la vie des humains en les rendant addictifs, dépendants. La vie des objets numériques, des écrans augmentant la réalité, s’apparente finalement à ces objets occultes qui avaient cours dans cette période de l’antiquité où les livres de magie abondaient. Livres de magie qui fascinaient et ouvraient à des espaces offrant des promesses de vie meilleure. Or nous voyons bien que la technologie numérique dans certains cas, s’avère opérer comme un livre de magie. Un livre de magie qui a subi une forme de mutation se transformant en objet moderne de contenance sympathique et d’apparence inoffensive. Ce livre de magie est aujourd’hui cet écran virtuel augmentant la réalité, conduisant ses sujets dans l’expérience de déréalisation « spatio-temporel ».
Rappelons à nos lecteurs que la magie se définit comme une pratique fondée sur « la croyance en l’existence d’êtres ou de pouvoirs surnaturels et de lois naturelles occultes permettant ainsi d’agir sur le monde matériel ». En définissant ainsi la magie, nous prenons alors conscience que ce monde numérique et virtuel plein de séduction et d’enchantement nous promet de vivre dans un autre monde qui s’apparente bien à une forme d’envoûtement. Celui-ci suscite chez bon nombre de ses sujets, de réelles crises psychiques. Ces troubles de la personnalité liés à la pratique de jeux virtuels sont rapportés par de nombreux experts qui se sont intéressés à ces formes de divertissements désincarnés et aux conséquences touchant à l’addiction de ces mêmes pratiques.
Le monde matérialiste dans lequel nous sommes immergés n’échappe pas ainsi à l’attrait d’une forme de tentation de divination. Ce monde pourrait bien se laisser séduire par les univers occultes que produisent en quelque sorte la fascination et l’usage d’objets numériques et virtuels dont nous acceptons qu’ils puissent divertir, contrôler finalement notre existence et même la prédire. Aujourd’hui et pour conforter notre propos relatif à cette tentation de divination, certains n’hésitent pas, pour trouver leur alter ego, à s’en remettre à la machine, à une forme de IA (intelligence artificielle) pour se rapprocher de l’âme sœur. Cette pratique moderne de confier son destin à une machine s’apparente aux livres divinatoires que consultaient les habitants d’Éphèse (le livre des Actes chapitre XIX) et qui souhaitaient ainsi lire l’avenir ou avoir un meilleur sort. L’âme sœur qui pourrait être également rencontrée dans un artefact, un monde virtuel et paradisiaque promettant de vivre des sensations amplifiées si nos rencontres, dans le réel, n’ont pu finalement se réaliser.
Nous voyons ainsi la fascination opérée par cette nouvelle magie, l’emprise également que peut exercer l’IA, devenant une forme de troisième conscience, une sorte de surmoi. Ce surmoi doté d’un savoir inégalé ou tout au moins une capacité de calcul qui dépasse l’entendement humain. Cette IA qui est en mesure en un instant T, d’apporter à l’homme les bonnes décisions, les bonnes orientations. Ce surmoi qui, réduisant la part de risque en engrangeant de façon systématique toutes les données possibles, prédirait les conséquences possibles de ses choix.
C’est là où nous rapprochons l’IA d’une forme mécanisée et prédictive de la divination, c’est finalement un dispositif qui est de nature à réduire la liberté, la part impalpable et mystérieuse de l’existence humaine face à son avenir.
Il faut également voir l’addiction au monde virtuel comme un autre changement de niveau de conscience, livrant la conscience à un monde susceptible en l’enivrant, de l’enfermer, de la posséder. Cette magie-là pourrait bien ressembler à ce monde que décrit l’apôtre Jean dans le livre de l’apocalypse, un monde qu’il assimile à un repaire de démons.
Il faut bien divertir l’humanité et s’enrichir
Dans cette partie de notre texte, après avoir analysé les dangers auxquels conduit l’enchantement de l’innovation d’un monde numérique sans curseur, nous voulons susciter une prise de conscience : cette fascination n’a finalement pas d’autres objets que d’enrichir les auteurs de ces algorithmes.
En quelque sorte le monde numérique, est en effet en train de mettre au pas notre monde. C’est bien la dimension totalisante, tout en donnant l’apparence de l’innocence des objets qui nous environnent, véritables capteurs d’informations, senseurs de données et de pratiques touchant notre quotidien. Les ressources des marchands du monde numérique tirent en effet leurs bénéfices de nos comportements qu’ils ont rendus dépendants, de notre étrange fascination pour le divertissement du monde virtuel.
Aujourd’hui, les sociétés aux plus grosses capitalisations boursières au monde sont des entreprises qui vivent principalement de nos usages numériques (Apple, Alphabet (Google), Microsoft, Facebook, Amzon.com), les entreprises citées sont classées parmi les premières au monde. Gageons que plusieurs entreprises de l’économie numérique les rejoindront.
Nous assistons de fait et dans notre monde contemporain à une marchandisation totale de la vie, à une intensification consumériste touchant à la chosification même de la vie. La numérisation du monde rend ainsi possible la cartographie de chaque existence, nous assistons massivement et passivement à l’émergence d’un monstre ‘doux’ qui nous place sous le sceau de ses prothèses technologiques et financières. Nous rentrons dans une forme d’asservissement pernicieux et malveillant de la société babylonienne… Notre culte est celui de la société marchande qui nous donne l’illusion de la fertilité et de l’abondance, nous dispensant de tout autre culte rendu au Dieu créateur des cieux et de la terre.
Cette visibilité continue de notre vie est une forme de diktat doux mais s’avère être en réalité un véritable asservissement, une subordination à un monde invisible, finalement ce qui est qualifié dans les Ecritures comme une forme d’empire occulte, de tentation divine, touchant à un monde invisible et virtuel, se rapportant à la connaissance de ce qui est caché.
Prenons ici pour exemple le ‘bitcoin’ crypto monnaie créée par un pseudo connu sous le nom de Satoshi Nakamoto, parmi les 600 et quelques monnaies virtuelles. De nombreux articles ont été publiés à son sujet et pourtant, elle reste toujours une énigme, sans que le commun des mortels dont je fais partie, ne sache très bien qui en sont les réels initiateurs et qui en tient les manettes aujourd’hui… Monero, une de ses ‘concurrentes’ caracole pourtant en tête des crypto monnaies, une des dernières nées réputée ‘sécurisée, privée, non traçable’… Tout est dit sur le bitcoin, il servirait à des exercices financiers occultes sur le ‘darknet’, trafics et règlements de compte en tout genre, car inviolable là encore… A qui profite cette monnaie sinon à un monde occulte déjà bien réel ?
Tout comme cela a déjà été le cas pour le bitcoin, des pirates informatiques peuvent traquer les failles de tout système et ainsi « voler » des données, voler vos biens ‘virtuellement protégés’ et s’approprier votre identité, votre ‘mémoire’ dans le nuage, votre signature électronique pour toutes sortes de raisons, peu reluisantes, on s’en doute. Quelle sécurité nous offre ce monde dans lequel nous nous engouffrons tant il est en apparence, vecteur d’avenir ? Un miroir aux alouettes qui égare l’homme de ce 21e siècle dans le seul univers jamais exploré par un homo sapiens.
Nous reprenons ici les propos du philosophe Éric SADIN qui affirme que « que nous sommes en train de réaliser une dystopie, mais nous y allons enthousiastes, émerveillés, dans un état de somnambulisme béat. Il y a parfois des prises de conscience, comme celle qui a été déclenchée par Edward Snowden. Ce qu’il a révélé au sujet des agences de renseignement est éminemment répréhensible, mais aujourd’hui on est bien au-delà de la surveillance qu’il a mis au jour. Par nos comportements, par l’usage croissant d’objets connectés, nous participons à instaurer une visibilité continue de notre vie ».
La visibilité continue de notre vie sur Internet, via l’économie numérique, la dépendance à des promesses virtuelles nous met sous l’emprise d’un monstre doux et à terme cauchemardesque.
Selon le philosophe Éric Sadin et rejoint par de nombreux chrétiens, beaucoup de nos concitoyens, de nos hommes politiques restent particulièrement aveugles quant à l’étendue des graves conséquences civilisationnelles induites par l’industrie du numérique.
Nous devrions ainsi particulièrement nous méfier de l’infiltration quasi sauvage des objets numériques qui envahissent notre quotidien et notre habitat. Une infiltration sauvage qui, de façon insidieuse, promet monts et merveilles, voulant enchanter notre monde. Cet enchantement forme d’artefact qui entend réparer notre monde réel, mais qui reste un monde profondément virtuel. L’univers numérique est ainsi une société finalement cachée, occultant l’emprise qu’elle veut exercer sur chacun, en contrôlant, auscultant, surveillant et répondant aux moindres de nos besoins artificiels.
Comment également avec l’émergence du monde virtuel, s’étonner alors des frustrations grandissantes de cette génération baignée dans le divertissement des écrans. Une génération qui à regret confond la vraie vie et la vie virtuelle, les symboles et le réel, une génération qui se déconnecte de tout rapport à la transcendance, qui magnifie une forme d’écologie sans avoir de contact avec la nature. Nous comprenons alors les termes employés par l’apôtre Jean quand ce dernier parle de la Babylone comme un repère de marchands et un repaire où se niche les esprits impurs. Ce monde-là pourrait bien être associé à un lieu de démonologie, puisque l’homme absorbé, fasciné, hypnotisé par la magie numérique a fini par lui livrer son âme et sa conscience. Un homme potentiellement connecté au monde occulte, s’il ne sait pas utiliser le monde numérique à des fins bonnes en maîtrisant son usage, pourrait laisser ainsi, la porte ouverte à des démons.
Un monde numérique raisonné et bienveillant existe pourtant
Pour autant en tant que chrétiens, nous ne pouvons pas mépriser et jeter aux orties la puissance numérique qui s’affranchit des frontières qui se dressent contre l’Evangile, dans les mondes des pays totalitaires où notamment, les chrétiens sont persécutés, nous portons jusqu’à eux un message magnifique à travers un outil qui finalement n’obéit pas aux frontières administratives…
Nous ne souhaitons pas non plus conclure sur une note négative concernant Internet, sur ce « sixième continent ». Notre propos vise plutôt à lancer un message d’alerte sur le souhait d’identifier un curseur sur nos usages, de lancer un travail sur l’éthique à engager autour de l’innovation numérique, d’identifier les enjeux et d’analyser les problématiques que pourraient amener le mauvais emploi des algorithmes. Il serait ainsi temps d’exiger des sociétés web de créer des ponts et des passerelles avec le monde des boutiques, des enseignes de proximité afin qu’elles ne disparaissent pas, de favoriser autant que possible les rencontres incarnées, l’entraide ou l’information citoyenne qui mobilise lorsque l’urgence a pris rendez-vous.
Nous voulons enfin autant qu’il est possible valoriser la dimension de contacts qui peuvent se traduire en véritables relations, rapprochant ceux qui nous sont éloignés. Nous voyons aussi dans cet univers la possibilité de toucher ceux qui sont isolés, ceux qui n’ont pas la possibilité de sortir des murs, pour de nombreux malades et personnes handicapées, personnes très isolées, l’outil Internet peut s’avérer comme un lieu d’évasion et de réassurance et provoquer les relations et enfin les visites espérées. Nous voulons également pour terminer notre propos, souligner la facilité d’accéder à la connaissance, au savoir, et à travers l’usage raisonné de l’outil numérique, approfondir la connaissance des sujets qui mobilisent notre intérêt.