« Les garçons aussi  » doivent être sauvés de l’industrie du sexe

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« Cela me met très en colère. L’ONU et d’autres ne reconnaissent pas le problème. Ils ne comprennent tout simplement pas le trafic sexuel d’hommes. »

Quand elles évoquent la traite des personnes, les Nations Unies parlent de « crime contre l’humanité« . Près de 80% des personnes victimes de cette traite sont exploitées sexuellement. S’il est vrai que les femmes sont majoritairement concernées, il est plus rare de considérer les 24% d’hommes qui en sont victimes. 1 victime de l’exploitation sexuelle sur 4 est un homme. Ou un petit garçon. Alors pourquoi ce silence autour de ces garçons ?

Un rapport de ECPAT « Et les garçons aussi » fait état du manque de reconnaissance de l’exploitation sexuelle des hommes et dénonce un problème culturel avec des filles décrites comme « vulnérables, faibles et victimes » et des hommes « forts, puissants ». Steven Procopio, directeur de la clinique Male Survivor, fait le même constat :

« Nous vivons dans une culture où les hommes sont les auteurs et les femmes sont les victimes, et il n’y a pas de zones grises. [...] Les garçons apprennent que cela n’arrive qu’aux filles. Ceci est considéré comme un problème sexiste, spécifique au genre. »

Cette invisibilité des hommes est criante jusque dans les rapports statistiques. En 2008, le Bureau International du Travail estimait que 98% des victimes de la traite sexuelle était des femmes. Les garçons ne représenteraient donc que 2% des victimes. Hors, la même année, d’autres chercheurs déclaraient que les garçons représentaient environ 45% de la traite des enfants à New-York.

Jérôme Elan est un « survivant », un ancien enfant exploité sexuellement. Il est désormais le directeur de Trafficking in America et s’offusque de cette non-reconnaissance :

« Cela me met très en colère. L’ONU et d’autres ne reconnaissent pas le problème. Ils ne comprennent tout simplement pas le trafic sexuel d’hommes. »

Et si cette invisibilité est grave, c’est qu’elle empêche la prise en charge des victimes masculines. Les autorités les reconnaissant plus « déviants » sexuellement que victimes. Les rapports de police font état de victimes « accroc au sexe ». Sur un de ces rapports, la police notait cette incompréhension :

« Pourquoi ? Ne pouvait-il pas partir ? C’est un garçon. »

Tom Jones a été victime de l’industrie du sexe jusqu’à ses 15 ans. Quand il parle de ses années de maltraitance et de prostitution, il évoque son « époque de silence ». Tom n’a jamais demandé de l’aide et ne parlait pas de son traumatisme, alors maintenant il cherche à atteindre d’autres hommes victimes de ces abus.

« J’ai de la chance parce que je ne devrais pas être ici. Je mettais beaucoup d’attention et d’énergie à essayer de me suicider. »

Et c’est la honte et la culpabilité qui maintiennent ces garçons dans le silence. Faisant d’eux une population invisible de victimes isolées. Jérôme Elan évoque les craintes des victimes :

« Nous ne sommes pas enclin à dire que nous avons été violés dans notre enfance parce que nous craignons d’être ridiculisés. »

Plus d’un million d’enfants sont exploités dans le commerce sexuel chaque année. Steven, Jérôme et Tom continueront d’être la voix de ceux que l’on ne voit pas.

M.C.


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