Les Fils d’Issacar : Emmanuel Macron et les protestants. Une relation dialectique

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Bonjour, nous sommes le samedi 30 septembre 2017, et nous voici pour un nouvel épisode du podcast de « Les fils d’Issacar », une analyse hebdomadaire d’événements et nouvelles depuis une vision du monde chrétienne tenue par Etienne Omnès et moi-même (Timothée Davi) !

Nous vous souhaitons d’ores et déjà une bonne écoute/lecture !

Emmanuel Macron et les protestants. Une relation dialectique

Ce vingt-quatrième épisode des Fils d’Issacar se concentrera principalement sur la prise de parole du président Emmanuel Macron lors du colloque « Protestantismes convictions et engagements ».

Cette semaine a vu le jour le colloque « Protestantismes convictions et engagements » organisé par la Fédération protestante de France. Ce colloque a pour but de célébrer les 500 ans de la Réforme, événement et mouvement béni dont nous sommes les descendants. Sans le courage de Martin Luther pour rediriger l’Église dans la voie de notre Dieu, nous ne serions en effet peut-être pas là aujourd’hui.

L’événement est donc d’importance. Et d’une importance également historique, civilisationnelle et idéologique telle que le président E. Macron ne pouvait pas ne pas intervenir. Il fut donc un invité hautement distingué à ce colloque et prit la parole avec aise pendant quarante minutes, répondant aux questions que lui avaient adressées ses hôtes.

Le président traita de questions liées à l’Europe, à la politique migratoire, au climat ou à la révision des lois de bioéthique. Il demanda même aux protestants de « faire entendre leur voix » au nom même de la laïcité. Le président de rappeler que la laïcité n’est pas une religion d’État ; il s’est par ailleurs désolé de ce que trop peu soient au fait de la vraie nature du concept. Il renchérit alors en précisant que la laïcité n’est pas non plus « la dilution des croyances », mais « la capacité à faire dialoguer les religions dans un débat fécond ». C’est dans ce cadre qu’il a invité les protestants à faire entendre leur voix dans les débats de société.

Rappelons-le, Emmanuel Macron fut un temps disciple du philosophe protestant libéral Paul Ricoeur dont la pensée et la rhétorique l’ont indéniablement marqué. Il est par conséquent au fait de la « culture du débat » – plus ou moins serein – existant dans les milieux protestants. Il souligna en effet que le protestantisme a su : « faire coexister sous un même toit, dans une foi partagée, des pratiques différentes, des conceptions sociales et morales parfois divergentes » et a su montrer sa « vitalité démocratique et intellectuelle ». Il alla même jusqu’à énoncer la proposition suivante : « nous avons besoin que vous restiez les vigies de la République ».

Abordant ensuite les « questions/débats qui fâchent », notamment éthiques, il a exprimé que « la manière que j’aurai d’aborder ces débats ne sera en rien de dire que le politique a une prééminence sur vous et qu’une loi pourrait trancher ou fermer un débat qui n’est pas mûr. J’ai sur certains de ces sujets pris des engagements durant la campagne présidentielle. J’ai aussi pris des engagements de méthode. » Concernant la question des migrants, un autre sujet sur lequel il avait été interpellé, peu avant son intervention, par le président de la Fédération protestante de France, le pasteur François Clavairoly, Emmanuel Macron a répondu : « Je n’oublie pas dans quelles conditions j’ai été élu par le peuple français. Je n’oublie pas le souffle chaud des extrêmes. » Rappelant cependant qu’il ne s’agit pas d’être « de ceux qui pensent que l’on peut de manière indistincte et inconditionnelle accueillir tout le monde ».

Enfin, il a célébré à proprement parler l’apport du protestantisme à la société en termes de promotion de la conscience individuelle, d’essor de la démocratie participative et de libéralisme politique et économique. Cependant, il ne tarda pas à complémenter cette première remarque par la suivante : « Comme président d’une République laïque, je serais tenté de saluer l’œuvre séculaire des protestants pour les libertés en France. Ce serait éluder quelque peu ce qui vous réunit ici : dans une réflexion commune menée dans le cadre de ces 500 ans de la Réforme et ce serait éluder votre foi. (...) Ma conviction profonde est que je ne rendrais nullement service à la laïcité si je m’adressais à vous comme à une association philosophique. Votre identité de protestants ne se construit pas dans la sécheresse d’une sociologie, mais dans un dialogue intense avec Dieu et c’est cela, ce que la république respecte. » Il a même formé ce vœu pour les protestants : « Pour les 500 prochaines années, en tout cas les cinq ans à venir, ne cédez rien, restez tels que vous êtes. »

A présent, prenons le temps d’analyser les quelques points saillants de l’intervention du président ainsi que l’intervention en elle-même d’un point de vue chrétien.

Tout d’abord, il est de bon aloi – en qualité de protestants – d’exprimer notre gratitude envers Emmanuel Macron. Certes, non seulement les 500 ans de la Réforme est un événement dont l’ampleur est incommensurable, mais en plus la vitalité des mouvements protestants français pourrait nous laisser croire que le président devait nous rendre hommage ; rien n’est moins vrai et l’on peut se réjouir que le président d’une société postmoderne accorde de l’importance au fait religieux.

Ensuite, sans pour autant ululer au clair de lune comme des chouettes pendant la saison des amours, l’on se réjouira de la qualité des propos tenus par M. le président Emmanuel Macron. Ce sont effectivement des paroles qui donnent l’impression de la sincérité que celles tenues par l’ancien disciple de Paul Ricoeur ; l’on se demandera néanmoins dans quelle mesure ce dernier s’adressait à tous les protestantismes, dont le nôtre, ou seulement au protestantisme libéral/apostat qu’il a appris à connaître par le biais de son maître à penser Paul Ricoeur. Reste, et cela est de bon augure, que le président semble vouloir maintenir une relation somme toute dialectique – c’est-à-dire relevant du dialogue critique – entre la République française et les protestantismes français.

Passons maintenant à l’analyse de ses propos.

Dans un premier temps, l’on félicitera le rappel effectué par le président de la véritable nature de la laïcité – cette idée ô combien française : elle n’a pas pour but d’éradiquer le fait religieux ou même de le remplacer, mais bien de l’inviter à se tenir en dialogue avec l’état et les autres religions. C’est parce que la laïcité aspire à la plus grande neutralité religieuse possible de la part de l’état qu’elle peut à son tour incarner un état à même de gouverner sans discriminations sur toutes les religions. C’en est du moins la théorie. Espérons que l’idée sera appliquée, et ce même lorsque notre foi, comme trop souvent, semble rentrer en conflit avec les valeurs de notre société postmoderne.

Conscient de ce fait, l’on félicitera aussi la délicatesse du président qui crut bon de rappeler qu’il ne désire pas que les débats tranchent des questions éthiques sur lesquelles la réflexion n’est pas mûre. Il ne désire en aucun cas que « la politique ait une prééminence sur vous ». Encore une fois, de tels propos, aussi difficiles à évaluer soient-ils, rassurent.

Dans un deuxième temps, l’on sera à même d’apprécier la position du président relativement à l’immigration. Problématique chère aux protestants évangéliques comme aux protestants libéraux, il sait que la plupart ont voté pour lui notamment à cause de sa position plus ouverte que celle de son antagoniste Marine Lepen sur la question. Ce nonobstant, le président n’a pas hésité à rappeler qu’il n’est pas possible d’accueillir « tout le monde », et ce de façon « indistincte » et « inconditionnelle ». Les mots sont bien choisis et nous rassureront certainement. A l’heure du terrorisme, il s’agit en effet d’être prudent par rapport aux personnes que l’état français accepte sur son territoire ; il en va de la sécurité du peuple français.

En dernier lieu, l’on ne pourra qu’être satisfait – même si cela est certainement de façon modérée, voire même prudente – par les propos exprimés par le président sur le fait qu’il ne se sentait pas en mesure de tomber dans l’hypocrisie consistant à célébrer les protestants, à nous rendre hommage seulement en tant que groupe sociologique ou association philosophique, mais bien en qualité de gens de foi. C’est seulement en prenant en compte notre foi que la république peut prétendre nous respecter eût-il l’audace de clarifier. Appelant même les protestants à rester tels qu’ils sont. Encore une fois, espérons qu’il s’adressait à tous les protestantismes, de ceux qui se tiennent le plus en désaccord avec lui à ceux, souvent libéraux et postmodernes, qui l’adulent et le portent aux nues et dont nous qualifierons volontiers la foi de « vide de la Vérité » et étant dès lors chose facile à gérer par la république. Espérons qu’il s’adressait aussi à nous qui, plus qu’en « dialogue avec Dieu » comme il nous a dépeints, avons plutôt « vu, entendu et goûter combien Dieu est bon ». Nous qui tenons à la Vérité telle que prêchée par notre Sauveur, une Vérité vécue dans l’amour certes, mais qui divise également et se présente telle qu’elle est réellement : seule et unique vérité, nul ne vient au Père que par Jésus-Christ de Nazareth, né de la vierge Marie, ayant souffert sous Ponce Pilate, crucifié, ressuscité le troisième jour et étant monté aux cieux desquels il reviendra pour juger les vivants et les morts. Espérons que, plus que des « vigies de la république », le président nous respecte dans notre rôle initial et essentiel, celui retrouvé par la Réforme : celui de« vigies de la Parole de Dieu. »

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Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode des fils d’Issacar qui sera présenté cette fois par Etienne Omnès. Alors que l’anniversaire des cinq cents ans de la Réforme arrive, rappelons-nous de ses fondamentaux : l’Ecriture seule, la foi seule, la grâce seule, Christ seul et gloire à Dieu seul. En effet, gloire lui soit à jamais rendue.

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Sources citées dans l’article :
- « L’hommage d’Emmanuel Macron aux protestants, « vigies de la République » » par le Service protestant de mission, publié le 25 septembre 2017.

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