Les débats autour des enjeux bioéthiques font désormais partie de notre quotidien. Avortement, euthanasie, PMA, GPA, thérapie génique, recherche sur les cellules souches, eugénisme... Ces termes autrefois réservés aux sphères scientifiques puis politiques, nous paraissent aujourd’hui familiers.
Et c’est bien légitime que tout ces sujets deviennent la préoccupation de tous, tant les enjeux façonnent l’avenir. Malheureusement, selon le philosophe chrétien Martin Steffens, « les combats éthiques vont être perdus ». Dans une tribune publiée dans le journal La Croix, dont le titre ne peut être plus explicite, Martin Steffens affirme que les chrétiens se sont lancés dans une « impossible opposition à la révision de la loi bioéthique ».
Difficile bien sûr de parler au nom « des chrétiens » quand il est question d’un sujet aussi clivant que la loi de bioéthique. Mais selon le philosophe, les combats des chrétiens qui « réduisent la foi à un système moral », comme - à l’autre extrême - les actions de ceux qui ne parlent que d’amour, oubliant par la même « d’indiquer quels périls on court », n’aboutiront pas. La tiédeur et l’absence d’intérêt des autres laissent par ailleurs le champ libre à toute dérive.
« D’un côté, il y a les chrétiens qui s’enferment dans le débat d’idées, réduisant leur foi à un système moral. De l’autre, il y a ceux qui craignent de manquer de charité en prenant position, qui dissolvent tout dans l’appel à aimer, en oubliant que c’est aimer aussi que d’indiquer quels périls on court [...] Je crois personnellement que les combats éthiques vont être perdus. »
L’auteur poursuit sa réflexion en déclarant que « la situation est désespérée » mais que « ce n’est pas grave ». Dans de telles circonstances, comparables à celles vécues par les prophètes bibliques, il existerait plusieurs temps, plusieurs étapes de réactions : la parole, le silence, puis l’action en repartant du réel.
La première période serait donc un temps pour parler, dire, dénoncer, faire savoir, pleurer et jouer un rôle prophétique, qui finirait par laisser place à un temps de silence, de réflexion, d’introversion.
« L’Église doit tenir son âme dans l’enfer posthumain, et ne pas désespérer. »
Viendrait ensuite une troisième étape, le temps de l’action, le temps de l’accueil.
« L’Église n’a jamais cautionné ni la guerre, ni la prostitution, ni le crime, mais a toujours eu à cœur d’habiter ces lieux, grâce à une aumônerie militaire, un centre d’écoute, des visiteurs de prison. Mieux, elle sait que le péché est, depuis la Croix, le lieu où nous pouvons nous rejoindre. »
Le temps viendra donc où les chrétiens seront contraints « de repartir du réel, non pour s’en contenter, mais pour y déployer la force du message d’une façon nouvelle ».
« C’est plutôt qu’elle est désespérée… mais que ce n’est pas grave. Car la Bonne Nouvelle, selon laquelle le Christ est la lumière qui éclaire tout homme venant au monde, est d’avant le monde. Et tant que l’Église vit de cette Parole, elle a de beaux jours devant elle. Preuve en est : il lui faudra dans vingt ans annoncer à tous ces futurs adultes nés sans père réel et de multiples mères, dont certaines anonymes, que leur Origine est de toute façon plus grande que leur commencement. Que tout être humain, même orphelin, a un père, parce que Dieu, dans le Christ, s’est révélé comme Père. Quand ces femmes et ces hommes viendront à nous, trouveront-ils une Église assez établie dans sa foi pour les accueillir ? »
H.L.
Lire l’intégralité de la tribune de Martin Steffens sur La Croix.