C’est un projet de loi qui a fait couler beaucoup d’encre, mais qui semble malheureusement susciter de moins en moins l’intérêt malgré les enjeux considérables qu’il porte. Les chef du gouvernement a annoncé lundi 29 avril que la loi de bioéthique serait présentée en Conseil des ministres en juillet, et à bien des égards cette nouvelle peut inquiéter.
Dans un entretien pour Le Figaro, le professeur en droit Jean-René Binet ne cache d’ailleurs pas ses réticences vis à vis de ce projet de loi bioéthique, qui selon lui n’est autre qu’une « révolution anthropologique sans précédent ». Il y a un an, lors de la première présentation du projet de loi et des États Généraux de la Bioéthique, les tensions s’étaient principalement cristallisées sur l’ouverture de la PMA au couple lesbien et aux femmes seules.
Le projet d’extension de la PMA avait alors été présenté par le gouvernement comme un moyen de lutter contre une discrimination. Pourtant les juridictions consultées sur ce point ont toutes été unanimes. La PMA, telle qu’elle existe aujourd’hui pour les couples hétérosexuels, n’est pas discriminatoire.
« Les mots ont un sens et toutes les juridictions - Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour européenne des droits de l’homme - ayant été appelées à se prononcer sur le point de savoir si le fait de réserver l’accès à l’assistance médicale à la procréation à un couple formé d’un homme et d’une femme constituait une discrimination à l’égard des couples de femmes ont répondu par la négative. S’agissant de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, c’était pareil. Cela signifie que ces réformes ne sont en rien dictées par un impératif juridique mais ne sont gouvernées que par un choix politique. »
Car l’extension de la PMA constituerait une « rupture radicale » qui conduirait à « changer profondément le droit de la filiation et la perception du rôle du médecin qui, en la matière, deviendra un prestataire de services ».
Ce projet de révision de la loi serait par ailleurs en rupture avec les principes affirmés dans la première loi de bioéthique de 1994. Car si la révision le plus médiatisée a été « La PMA pour toutes », 59 autres propositions figurent dans la liste que nous vous invitons à consulter ici. On peut y lire par exemple que le projet de loi prévoirait,
Concernant les « recherches impliquant l’embryon »
- D’autoriser l’allongement de la durée de culture de l’embryon sur lequel sont effectuées des recherches
- De ne plus soumettre à autorisation à l’Agence de la Biomédecine les études impliquant la manipulation des cellules souches embryonnaires
- De lever l’interdit portant sur la création d’embryon transgéniques
Concernant la procréation :
- De lever l’anonymat pour les donneurs de gamètes
- De lever l’interdiction de la procréation post mortem
- D’autoriser l’auto-conservation ovocytaire
Concernant la médecine génomique et les tests génétiques
- De favoriser l’émergence d’un consentement à l’exploitation des données de santé produites à l’occasion du parcours de soins
Autant de sujets brûlants lourds de conséquences qui sont à peine effleurés dans la plupart des médias.
Pourtant, sur le seul point de la PMA, qui demeure peut-être le sujet le plus concret, les sondages ont restitué des données contradictoires. En effet, si un sondage BVA commandité par le ministère de la santé et publié en avril dernier révélait l’adhésion de 65 % des Français à la «PMA pour toutes», une étude de l’IFOP d’octobre 2018 révélait quant à elle que 82% des français estimaient que l’État devait « garantir aux enfants nés par PMA le droit d’avoir un père et une mère ».
Quelles seraient donc les réelles tendances de l’opinion des français sur ces questions bioéthiques, s’ils étaient réellement informés sur les recherches sur l’embryon ou l’exploitation des données de santé, notamment avec l’utilisation des intelligences artificielles qui se développe de plus en plus ?
H.L.
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