« Ce sont des attaques non provoquées, préméditées, par des personnes bien protégées, bien armées et qui s’en tirent à bon compte. A ma connaissance, personne n’a été poursuivi pour ces attaques. Personne ! »
Jonathan Asake est le président de l’Union populaire du sud de Kaduna, groupe local de défense de la paix au Nigeria. Il s’est entretenu avec Christian Solidarity International au sujet des attaques dont sont victimes les chrétiens du sud de Kaduna.
L’organisation l’interroge sur le fait que « beaucoup de gens décrivent les attaques dans votre état comme un conflit entre ‘éleveurs’ et ‘agriculteurs' », alors que lui parle « plutôt d’un génocide des chrétiens et des groupes minoritaires indigènes de la région ». Jonathan Asake répond alors, « je sais pourquoi nos communautés sont attaquées, il s’agit de s’approprier les terres des peuples autochtones et de changer la démographie de la région ».
Le récit des ‘agriculteurs et éleveurs’ est trompeur. Nous savons à quoi ressemble un affrontement entre agriculteurs et éleveurs ; nous les connaissions quand j’étais enfant. Un berger peul nomade conduisait son bétail sur les terres agricoles, le fermier l’affrontait et ils commençaient à se battre. Habituellement, il était installé au sein de la communauté villageoise. Ce qui se passe aujourd’hui est différent ! Ce sont des attaques non provoquées, préméditées, par des personnes bien protégées, bien armées et qui s’en tirent à bon compte. A ma connaissance, personne n’a été poursuivi pour ces attaques. Personne ! »
Jonathan Asake dénonce « une complicité de la part du gouvernement ».
« Chaque indicateur indique que le gouvernement sait ce qui se passe. Laisse moi te donner un exemple. En mai-juin 2020, de graves attaques ont eu lieu dans le sud de l’État de Kaduna. Le gouverneur a répondu en imposant un couvre-feu de 24 heures – sur les mêmes communautés qui ont été attaquées ! Ces couvre-feux ont duré des mois dans certains cas. Les personnes qui ont osé sortir chercher de la nourriture pour leur famille ont été abattues par les forces de sécurité. Pendant ce temps, les assaillants se promenaient librement avec leurs mitrailleuses et attaquaient à nouveau les mêmes communautés ! Cela seul suggère une complicité de la part du gouvernement. L’instrument du gouvernement est utilisé pour protéger les auteurs. »
Évoquant les violences commises par les « bandits », ou encore les militants de Boko Haram au Nigeria, Jonathan Asake explique que ces attaques ciblent aussi les communautés musulmanes.
« J’avais prévenu à l’époque (en 2009, NDLR) qu’un jour viendrait où Boko Haram aurait traité avec les chrétiens et les non-musulmans, et qu’ils tourneraient leurs armes contre les communautés musulmanes. C’est ce qui s’est passé. Il en était de même lorsque ces attaques de ‘bergers’ ont commencé. J’ai dit aux dirigeants du Nord : ‘Si vous vous taisez, lorsque ces terroristes découvriront qu’ils ne peuvent pas accomplir leur mission, ils se retourneront contre ceux qui les soutiennent’. Et aujourd’hui, nous voyons les tueries à Zamfara, à Katsina, à Kebbi et dans d’autres parties du nord-ouest. Si les hommes et les femmes de conscience refusent de dénoncer le mal quand il commence, il finira par consumer tout le monde. »
Jonathan Asake l’affirme, « le gouvernement est de moins en moins en mesure de défier ces forces ».
M.C.