Le Premier ministre japonais rencontre le Président élu Trump dans un contexte d’alliances militaires incertaines
Shinzo Abe n’aura pas attendu l’installation de Donald Trump à la Maison-Blanche pour lui rendre visite. Il est le premier dirigeant étranger à s’être rendu aux États-Unis pour s’entretenir avec le Président élu, et pour cause ! Certaines promesses de campagne du candidat républicain concernaient les alliances militaires impliquant Washington, dont celles en Asie.
Au terme d’une heure et demie d’un entretien urgent dans la Trump Tower à New York, le 17 novembre, le chef du Gouvernement japonais s’est dit rassuré par les explications du futur occupant du Bureau ovale, sans toutefois détailler la conversation du fait de son caractère officieux. Parlant d’une discussion « franche » dans « une atmosphère chaleureuse », Shinzo Abe s’est contenté de donner son impression : « J’ai le sentiment après ces discussions que nous pouvons construire une relation de confiance. Je suis désormais convaincu que le Président élu Trump est un dirigeant digne de confiance. » Les deux hommes devraient se revoir pour approfondir les sujets abordés. En effet, Donald Trump souhaite désengager les États-Unis des traités multilatéraux de libre-échange ou ne pas les accepter, et cela concerne notamment l’Accord de Partenariat transpacifique signé le 4 février 2016 et auquel le Japon est également partie.
Bien qu’elle dût avoir rapidement lieu, cette rencontre avait déjà été préparée en amont par celle entre le futur conseiller à la sécurité nationale, le général démocrate Michael Flynn, alors encore simple conseiller, et le secrétaire du Cabinet japonais, Yoshihide Siga. Michael Flynn s’était rendu à Tokyo deux jours après la victoire du candidat républicain pour rassurer les autorités nippones, un entretien secret révélé par The Japan Times près d’une semaine plus tard, le jour même de la visite de Shinzo Abe à Donald Trump.
Un allié qui a besoin du parapluie nucléaire américain
En théorie, le Japon n’a pas d’armée, mais une force d’autodéfense, un jeu sur les mots pour interdire au pays d’intervenir militairement à l’étranger comme le refuse l’article 9 de sa Constitution. Il y a un an toutefois, la norme fondamentale a été modifiée pour que Tokyo puisse participer à des conflits si la défense de ses alliés l’exige. Il devenait nécessaire pour le pays de faire sa part, puisqu’il était lui-même protégé par d’autres. Marqué par les bombes atomiques, le pays s’est également refusé d’accéder à la puissance nucléaire bien qu’il dispose du savoir-faire, tout comme son allié allemand de la Seconde Guerre mondiale. Les propos du candidat Trump avait cependant laissé craindre que certains alliés asiatiques des États-Unis ne développent des armes nucléaires pour compenser la perte du parapluie américain qui les couvre depuis sept décennies.
Le Japon est, en effet, confronté à deux voisins disposant de l’arme nucléaire, la Chine d’une part, et la Corée du Nord qui lui fait du chantage et lance des missiles dans sa direction. Pékin est en conflit avec Tokyo concernant la mer de Chine orientale où se trouvent les Senkaku, des îles revendiquées par les deux puissances, et le Japon pacifiste augmente sérieusement son budget dédié à la défense depuis 2013. 37 milliards d’euros en plus pour l’exercice allant d’avril 2014 à mars 2015, 36 milliards pour l’année suivante, mais le Japon reste un nain militaire face à son puissant voisin et a besoin de la protection américaine. Il y a actuellement 38 000 militaires américains dans l’archipel. M. Abe entend augmenter la participation financière du Japon pour soutenir l’effort de protection américain.
Durant la campagne présidentielle, le candidat Trump avait questionné le traité militaire liant les deux pays qui n’oblige pas le Japon à user de la force pour aider les États-Unis si ces derniers étaient attaqués, alors que l’inverse est prévu. « Si nous sommes attaqués, le Japon n’a rien à faire. Ils peuvent rester chez eux à regarder leurs télévisions Sony », avait déclaré le républicain dans son style provocateur, qui exigeait une renégociation ou l’abandon des accords de défense avec les alliés de Washington s’ils ne faisaient pas leur part : « Ils doivent payer, car nous sommes à une autre époque qu’il y a 40 ans. »
Dans les faits, en plus de son choix de 2015 d’assister militairement des pays amis attaqués, dont les États-Unis, car il sait que son effort devient nécessaire s’il veut toujours celui de l’Amérique, le Japon dépense plus que les autres alliés de Washington depuis 2013 et le retour de Shinzo Abe à la tête du Gouvernement fin 2012, pour bénéficier de la protection américaine qu’il finance depuis directement ou indirectement à hauteur de 75% contre 40% pour la Corée du Sud ou l’Italie, ou 30% dans le cas de l’Allemagne.
Hans-Søren Dag