La question des migrants et la tragédie de ceux d'entre eux qui meurent en Méditerranée en tentant de rejoindre l'Europe seront au cœur de la visite du pape François vendredi et samedi à Marseille, deuxième ville de France.
Les migrations, au cœur de l'actualité italienne avec l'arrivée ces derniers jours sur l'île de Lampedusa de milliers de personnes parties des côtes nord-africaines, ne sont "pas un défi facile", a estimé le pape dimanche après la prière de l'Angélus au Vatican.
"Il doit être afronté ensemble, car il est crucial pour notre avenir à tous, qui ne sera bénéfique que s'il est construit sur la fraternité, en mettant au premier plan la dignité humaine et les personnes, surtout celles qui sont le plus dans le besoin", a-t-il affirmé.
Cette visite a soulevé, avant même d'avoir débuté, une polémique sur la présence du président Emmanuel Macron à la messe que le pape de 86 ans doit célébrer devant 57.000 personnes samedi au Stade Vélodrome, l'enceinte sportive de ce port cosmopolite emblématique des flux migratoires.
Alors que la France est régie par le principe de laïcité, l'opposition de gauche a accusé M. Macron de "piétiner" la neutralité religieuse de l'Etat.
"C'est ma place d'y aller. Je n'irai pas en tant que catholique, j'irai comme président de la République qui est en efet laïque", s'est-il défendu vendredi.
Certains députés ont aussi accusé M. Macron, qui verra le pape en tête-à-tête avant la messe, d'avoir fait repousser la présentation d'un projet de loi sur la fin de vie, qui fait figure de chifon rouge pour l’Église catholique, pour ne pas interférer avec la visite.
Cette venue du pape dans l'Hexagone sera une première depuis celle de son prédécesseur Benoît XVI en 2008.
Le pape François s'était certes rendu en 2014 à Strasbourg, mais c'était à l'occasion d'une visite au Parlement européen. Le pape de 86 ans, de son propre aveu plus intéressé par les périphéries que par les grands pays, a martelé que sa visite n'aurait pas valeur de visite d’État: "J’irai à Marseille, mais pas en France", a-t-il ainsi afirmé en août, au risque de vexer les catholiques français, dont la frange conservatrice l'accuse d'en faire trop sur les migrants.
Le pape a saisi l'opportunité de rencontres entre des évêques et des jeunes de tout le pourtour méditerranéen, organisées par le diocèse de Marseille du 18 au 24 septembre autour des thèmes comme les inégalités économiques, les migrations et le changement climatique.
Méditerranée devenue cimetière
"La Méditerranée est un cimetière. Mais ce n'est pas le plus grand : le plus grand cimetière se trouve dans le Nord de l'Afrique. C'est terrible. Voilà pourquoi je vais à Marseille", a-t-il justifié. Selon l'ONU, plus de 2.300 migrants sont déjà morts depuis janvier en Méditerranée, la route migratoire la plus dangereuse au monde.
Le pape arrivera vendredi après-midi à Marseille et se rendra immédiatement à la basilique Notre-Dame de la Garde, monument symbole dominant la ville, pour une prière avec le clergé qui sera suivie d'un moment de recueillement avec des représentants d'autres religions, devant le Mémorial dédié aux marins et migrants disparus en mer.
Samedi, il participera le matin à la séance de clôture des "Rencontres méditerranéennes" au Palais du Pharo, où il s'entretiendra avec Emmanuel Macron. L'après-midi aura lieu le moment fort de sa visite, avec la messe en public au stade Vélodrome, après une remontée en "Papamobile" de la grande artère de l'avenue du Prado, pour que la foule puisse le saluer.
Tout au long de sa visite, le pape aura à ses côtés l'archevêque de Marseille Jean-Marc Aveline, un proche qu'il a nommé cardinal en 2022.
Un certain nombre de fidèles et d'associations espèrent un message sur une meilleure prise en charge des migrants et sur une régularisation des travailleurs sans-papiers, une disposition envisagée dans un projet de loi immigration.
Certains catholiques posent aussi des limites à l'accueil des migrants. C'est le cas d'Yvette Devallois, 69 ans, très active dans sa paroisse : "Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le pape quand il dit "Il faut accueillir tous les migrants". On accueille les migrants, mais bon, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde".
Marseille compte certains des quartiers les plus pauvres d'Europe, dont plusieurs sont gangrenés par les trafics de drogues. Des violences liées au narcobanditisme y ont fait une quarantaine de morts cette année, selon le décompte de l'AFP.
Les forces de l'ordre seront d'ailleurs sur les dents durant ces deux jours, durant lesquels 5.000 policiers et gendarmes et un millier d’agents de sécurité privé seront mobilisés, même si selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin "aucune menace particulière n'est à signaler".
Depuis son élection en 2013, Jorge Bergoglio a efectué 42 voyages à l'étranger. Sa santé de plus en plus fragile l'oblige désormais à se déplacer en fauteuil roulant et il a reconnu début septembre que pour lui voyager n'est "plus aussi facile qu'au début".
La Rédaction (avec AFP)